Derrière le clash entre les présidents des clubs de Ligue 1, le modèle économique du football français en danger ?
Diffusée sur France 2, l’émission « Complément d’enquête » a révélé des extraits vidéo d’une réunion houleuse qui a eu lieu à l’été 2024 entre les dirigeants des clubs de football français et de la Ligue de football professionnel (LFP).
La discussion portait sur les contrats avec les chaînes de télévision pour la diffusion du championnat de France. En plus des 400 millions d’euros de la chaîne DAZN, BeIn Sports avait proposé 100 millions pour diffuser un match par semaine.
Le problème : le dirigeant de cette chaîne n’est autre que le président qatarien du PSG, Nasser al-Khelaïfi. Le patron du RC Lens, Joseph Oughourlian (sur la photo), a donc mis en avant un risque de conflit d’intérêts.
« Tu es bon dans ton business, mais tu ne comprends rien aux médias », a rétorqué al-Khelaïfi. D’autres extraits montrent John Textor, le patron américain de l’Olympique lyonnais, qui reproche au président du PSG de « terroriser tout le monde ».
« Arrête de parler, tu ne comprends rien », a répondu ce dernier, très agressif. « Tu es un cow-boy qui vient de nulle part et tu viens nous parler ! » Ces propos en ont choqué plus d’un dans l’univers du football français.
Les sénateurs Laurent Lafon et Michel Savin, tous deux chargés d’une mission sur le football français, ont réagi à ces extraits en estimant que le cumul de responsabilités de Nasser al-Khelaïfi est « quelque chose qui doit être corrigé », indique France Info.
Sept mois plus tard, le choix fait à l’époque de poursuivre les négociations avec DAZN et BeIn Sports interroge. En effet, la plateforme de streaming britannique a refusé de régler sa dernière mensualité à la LFP.
Par ailleurs, DAZN réclame désormais 573 millions d’euros à la Ligue pour « tromperie sur la marchandise », indique le Huffington Post. Une exigence qui crée un risque économique majeur pour le football français !
Au-delà des mots échangés entre les présidents de clubs qui ont fait les gros titres, les enjeux liés aux droits de diffusion sont à l’origine de difficultés économiques plus profondes de ce sport en France.
Dans un entretien pour Ouest-France, Laurent Lairy, le président du Stade lavallois, un club de Ligue 2, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation financière du football professionnel français.
« Dans la captation des droits TV, vous avez deux prestataires, en l’occurrence BeIN Sports et DAZN. La captation financière est remise dans un pot commun, puis redistribuée. Moins on capte en Ligue 1, moins on obtient en Ligue 2 », a détaillé le dirigeant.
« La règle c’est 81 % pour la Ligue 1 et 19 % pour la Ligue 2. Si DAZN arrête de payer, nos revenus ne sont pas garantis non plus », a poursuivi Laurent Lairy.
Comment en est-on arrivé à la crise actuelle ? En 2018, les clubs professionnels avaient cru toucher le jackpot en signant un contrat à plus d’un milliard d’euros par an avec Mediapro pour la période 2020-2024.
Dans le contexte de la crise sanitaire qui a grandement fragilisé le football national, l’offre a tourné au fiasco durant la saison 2020-2021 à cause des défaillances du diffuseur espagnol.
Alors que les présidents de clubs pensaient faire partie du gratin des championnats européens valant plus d’un milliard par an, la valeur des droits de diffusion en France a été divisée par deux en quelques années pour atteindre 500 millions d’euros en 2024.
Outre les clubs professionnels, cette chute des recettes affecte également le football amateur dont le financement repose, entre autres, sur la redistribution d’une partie des droits télévisuels.
Instaurée en 2000, la taxe « Buffet », du nom de la ministre des Sports de l’époque, prévoit que 5 % des recettes perçues par les organisateurs d’événements sportifs domiciliés en France soient reversées au sport amateur.
Comme le rappelle France Culture, cette taxe repose sur un principe de « solidarité entre le sport professionnel, celui qui a l’argent, et le sport amateur, celui qui doit former les talents de demain. »
« Résultat, quand, à la signature du contrat Mediapro, le rendement de la « taxe Buffet » était de 76,4 millions d’euros, celle-ci n’a rapporté que 59,7 millions en 2024. La même somme est anticipée par le gouvernement pour 2025 », précise Le Monde.
Les autres sources de financement ne se portent guère mieux, entre les 5 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités locales et la stagnation du nombre d’adhérents. Le modèle économique est donc clairement menacé !
Pour Laurent Lairy, le football français « souffre d’une crise clairement économique qui abîme les projets » et qui « peut aussi abîmer les clubs », tout en donnant « une très mauvaise image du football ». Le monde du ballon rond va-t-il sortir de l’ornière ?
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