Face à la concurrence chinoise, la France reprend la main sur le développement de l’éolien en mer
En visite au Havre ce lundi 17 février, le ministre français de l’Industrie et de l’Énergie, Marc Ferracci, a posé la première pierre de l’extension de l’usine Siemens Gamesa, un consortium germano-espagnol qui est l’un des leaders mondiaux de la fabrication d’éoliennes.
Dans la foulée, le gouvernement a confirmé le soutien financier public pour l’extension à hauteur de 169 millions d’euros (89 millions venant de l’État et 80 de la mairie du Havre et de la région Normandie), indique Libération.
Grâce à cette extension qui va coûter 200 millions d’euros d’investissements à Siemens Gamesa, l’usine pourra produire dès 2026 des pales « parmi les plus longues du monde », précise le quotidien.
Des pâles de 115 mètres de long, un rotor de 236 mètres et une puissance de 14 mégawatts (MW) : les chiffres avancés par l’entreprise issue de la fusion de Siemens Wind Power et de Gamesa sont impressionnants.
« En Chine, les fabricants chinois sont déjà lancés dans une course au gigantisme, avec des éoliennes allant jusqu'à 18 MW de puissance aujourd'hui et d'autres annoncées en développement à 22 MW par le leader mondial Goldwind », indique BFM TV.
À terme, l’usine du Havre doit approvisionner cinq parcs éoliens marins français, déjà en service (Fécamp, Saint-Brieuc) ou en construction (Courseulles-sur-mer, Yeu-Noirmoutier et Dieppe-Le Tréport).
« Notre objectif est de produire en France les composants nécessaires aux futurs parcs éoliens. Pour y parvenir, il est essentiel de fabriquer des turbines plus puissantes, adaptées à l'évolution des technologies », a déclaré le ministre, cité par la chaîne d’information.
Par ailleurs, Marc Ferracci a précisé les « critères de résilience », révélés par Libération, qui doivent s’appliquer à la filière en France. Il s’agit d’une forme de protectionnisme caché destiné à protéger les entreprises européennes de la concurrence chinoise.
Ces critères sont une première application du règlement européen pour une industrie « zéro net » (NZIA), censé être la réponse de Bruxelles à l’Inflation Reduction Act (IRA) de Joe Biden, un plan de subventionnement massif des industries vertes aux États-Unis.
Le ministère de l’Économie a précisé ces critères à Libération : pour être éligible à un appel d’offres, chacun des principaux composants (pales, nacelles, mâts, flotteurs) devra provenir à moins de 50 % d’un même pays tiers à l’UE. De quoi limiter la présence des produits chinois !
Par ailleurs, l’empreinte carbone de la production et du transport des équipements sera prise en compte, tout comme le renforcement des exigences de cybersécurité.
Le ministère de l’Énergie a indiqué que ces critères pèseront pour 30 % de l’évaluation lors des appels d’offres, les 70 % restants portant sur le prix des installations.
« C’est la première fois en Europe que des critères sur la résilience de la chaîne de valeur seront mis en place dans un appel d’offres, c’est donc un signal très important », se réjouit Pierre Tardieu, directeur des affaires publiques de WindEurope, le lobby éolien européen.
Le projet d’acte d’exécution du NZIA publié par la Commission européenne mentionne « un risque important de dépendance accrue à l’égard des importations en provenance de la Chine, ce qui peut menacer la sécurité d’approvisionnement de l’Union ».
Après les enquêtes de l’an dernier contre le dumping chinois, notamment dans l’industrie automobile, l’UE mentionne pour la première fois la Chine comme un État tiers dominant dans une filière industrielle.
Le NZIA vise à « augmenter la résilience de l’industrie éolienne française, dans un contexte géopolitique très incertain, tout en incitant notre pays à enfin ramener à la maison les outils industriels qui feront sa croissance et celle de l’Europe », selon Mattias Vandenbulcke, un dirigeant de France Renouvelables.
Comme le rappelle le ministère de la Transition écologique, la France a le deuxième gisement d’éolien en mer en Europe, après le Royaume-Uni, au s e i n d’un marché européen qui est le premier au monde pour ce type d’énergie.
Importance du gisement, productivité élevée, faibles émissions de CO2, créations d’emplois… voici autant d’atouts de cette technologie présentés par les autorités françaises !
Sur son site internet, le producteur d’électricité allemand RWE, numéro 2 mondial de l’éolien en mer, rappelle qu’avec son littoral de 5 853 kilomètres, la France métropolitaine est l’un des territoires au plus fort potentiel de développement de l’éolien offshore en Europe.
En 2023, la France s’est dotée d’un objectif de 45 gigawatts (GW) de capacité de production électrique grâce à l’éolien en mer à l’horizon 2050, soit 20 % de la production électrique à cette date. La capacité installée au 30 septembre 2024 était de 1,5 GW.
En mars 2022, l’État et la filière industrielle se sont accordés sur un objectif de 2 GW attribués par an à partir de 2025 et de 20 GW attribués en 2030. La capacité de production opérationnelle doit être de 18 GW en 2035.
La filière éolienne française et européenne est lancée dans une course contre-la-montre face à la Chine, mais aussi face au changement climatique. Les développements des prochaines années seront déterminants !
Et aussi
À ne pas manquer

