Face à la menace russe et au désengagement américain, la Pologne affirme sa puissance militaire en Europe
Alors que l'Europe est marginalisée par les pourparlers de paix entre Moscou et Washington pour mettre fin à la guerre en Ukraine, la Pologne a une stratégie très claire pour contrer la menace existentielle que fait peser la Russie.
Comme l'indique Libération, Varsovie s'apprête à dépenser 4,7 % de son PIB pour sa défense cette année, soit plus que n'importe quel pays membre de l'OTAN, États-Unis compris.
La guerre en Ukraine a incité le pays à augmenter ses effectifs militaires, avec un objectif de 300 000 soldats d'ici à 2035, contre 170 000 pour l'Allemagne, selon Politico.
Le 15 février, le Premier ministre polonais, Donald Tusk, a appelé l’Europe à établir « de toute urgence son propre plan d’action concernant l’Ukraine et notre sécurité, faute de quoi d’autres acteurs mondiaux décideront de notre avenir », relève le journal français.
En 2022, la Pologne a signé un contrat-cadre avec la Corée du Sud pour l’achat de 1 000 chars K2, en plus des 350 tanks Abrams commandés aux États-Unis. À titre de comparaison, la France ne dispose que de 200 chars Leclerc en service actif.
"Cette stratégie tranche avec la tendance observée dans l’ouest de l’Europe, où les efforts de défense se concentrent sur la modernisation plutôt que sur une expansion massive des effectifs et des capacités", analyse Libération.
Depuis l'effondrement de l'Union soviétique, le continent européen est dominé politiquement, financièrement et militairement par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. Mais l'affirmation de la puissance polonaise est en train de rebattre les cartes.
Au cours des trois dernières décennies, le pays s'est transformé en ce que certains experts appellent la prochaine grande puissance du continent européen. Mais comment la Pologne en est-elle arrivée là et qu'est-ce qui change aujourd'hui ?
La vie en Pologne a radicalement changé depuis que le pays a obtenu son indépendance après la chute de l'Union soviétique. Il est difficile de comprendre ce qu'était la vie des Polonais de l'époque, mais Daniel Johson, du Telegraph, en donne un bon aperçu.
"Lorsque j'ai visité la Pologne en tant que correspondant du Telegraph pour l'Europe de l'Est en 1989, ses villes étaient ternes, délabrées et entourées de bâtiments hideux datant de l'ère communiste. Les magasins étaient déserts, les attentes étaient faibles et la vie était dure", a écrit Johnson, ajoutant que la situation était bien différente aujourd'hui.
"Pourtant, nulle part ailleurs dans l'empire soviétique, le pouvoir du peuple n'a prévalu aussi triomphalement qu'en Pologne", a ajouté Johnson. "Le pays des causes perdues est devenu l'avant-garde de la liberté et de la prospérité".
Selon les données de la London School of Economics, l'économie polonaise est sortie renforcée de la pandémie de Covid-19. Cela n'est guère surprenant puisque le pays est sur une trajectoire de croissance depuis trois décennies.
Avant la pandémie, l'économie polonaise avait connu une croissance ininterrompue pendant 28 ans, indiquait un article du Financial Times d'octobre 2019.
"La Pologne est l'exemple même d'une transition réussie", avait alors déclaré Beata Javorcik, économiste en chef de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.
Beata Javorcik a ajouté qu'en l'espace de 30 ans, la Pologne est passée d'un pays qui souffrait de pénuries dans presque tous les secteurs à un pays qui "rejoint le club des pays riches". L'économie polonaise pourrait même dépasser la Grande-Bretagne d'ici à 2030. Mais qu'a fait la Pologne de sa nouvelle richesse ?
L'un des grands changements survenus en Pologne est l'affirmation de son leadership sur le continent européen. Ainsi, les responsables du pays ont montré une position ferme à l'égard de la Russie après que Vladimir Poutine a ordonné l'invasion de l'Ukraine.
"La Pologne a mené des actions de lobbying pour imposer des sanctions sévères contre la Russie et soutenir l'Ukraine en lui apportant une aide politique, économique et militaire importante", écrit Arndt Freytag Von Loringhoven, de Politico, ajoutant que le pays a fait beaucoup plus pour aider que la plupart des autres pays.
Selon Loringhoven, la Pologne a été le principal appui de l'Ukraine en fournissant 300 de ses propres chars à son voisin en difficulté. Les fonctionnaires polonais ont été parmi les premiers à se rendre à Kiev et le pays a accueilli des milliers de réfugiés ukrainiens.
Comme le note un rapport de l'Institut français de relations internationales (Ifri), la Pologne n'est pas convaincue par le concept d'autonomie stratégique européenne prôné par Paris, préférant rester un partenaire des États-Unis malgré tout.
"Varsovie soutient plutôt une vision où une Europe forte, dépensant suffisamment dans la défense, serait considérée comme un partenaire intéressant et nécessaire pour les États-Unis", indique le document.
Forte d'une base économique solide et d'une armée de plus en plus imposante, la Pologne est devenue l'une des puissances les plus prometteuses d'Europe. Après avoir montré ses muscles diplomatiques pour soutenir l'Ukraine, la Pologne va-t-elle initier un mouvement d'affirmation militaire de l'Europe ?
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