300 000 milliards de dollars : voici le montant colossal des dettes publiques et privées dans le monde
Le chiffre peut sembler vertigineux : la dette cumulée s’élève à environ 300 000 milliards de dollars dans le monde, selon les données de l’Institut international de la finance.
Elle aurait baissé à 299 000 milliards en 2022 (une première depuis 2015), après avoir atteint un pic à 303 000 milliards l’année précédente.
@Towfiqu barhuiya / Unsplash
Ce calcul inclut la dette de l’ensemble des agents économiques, à savoir la dette publique (celle des États et autres organismes publics) et privée (celle des ménages et des entreprises).
De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) a enregistré le chiffre inférieur, mais tout de même considérable, de 235 000 milliards de dollars en 2021. L’écart vient du fait que l’institution située à Washington ne prend pas en compte la dette du secteur financier (notamment des banques).
Ce montant de l’endettement doit être mis en perspective avec la richesse mondiale totale. La dette cumulée représente plus du double du PIB global qui avoisine les 100 000 milliards de dollars.
Au-delà des chiffres actuels, la dette dans le monde est un sujet de préoccupation car elle n’a fait que croître ces dernières décennies.
Toujours selon le FMI, elle ne représentait « que » 100 % du PIB mondial en 1970 avant de dépasser la barre des 200 % durant la crise de 2008 et d’atteindre un sommet à 256 % en 2020 pendant la pandémie de Covid-19.
@Markus Spiske / Unsplash
La pandémie a largement contribué à la hausse récente de l’endettement, notamment public. Les États ont engagé des dépenses massives pour aider les entreprises et relancer l’économie, tout en perdant des recettes fiscales élevées à cause des interruptions d’activités liées aux confinements. Un « effet ciseau » qui a été compensé par des dettes supplémentaires.
La dette publique est particulièrement élevée dans les pays développés. Parmi les États du G7 (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie et Japon), seule l’Allemagne a désormais un niveau d’endettement de la sphère publique inférieur à la richesse nationale. Jusqu’à quand ?
Les États-Unis ont frôlé le défaut sur leur dette au mois de juin. L’État a failli atteindre son plafond légal d’endettement de 31 000 milliards de dollars, au-delà duquel il n'aurait pas pu honorer ses engagements, comme la rémunération des fonctionnaires.
La question a fait l’objet d’une bataille politique intense entre Républicains et Démocrates : le président Joe Biden souhaitait relever le plafond de la dette sans conditions, tandis que la majorité républicaine à la Chambre des représentants voulait conditionner cette modification à des coupes dans les dépenses publiques.
Les deux camps qui s’accusaient de prendre le pays en otage ont fini par trouver un compromis, pour le plus grand soulagement des marchés financiers. Le plafond de la dette a fini par être relevé en contrepartie de coupes dans certaines dépenses.
Si les États-Unis détiennent le record de dette publique en chiffres absolus, c’est le Japon qui est loin devant en comparaison de la richesse nationale, avec un taux d’environ 266,2% du PIB en 2021, selon ‘Statista’.
Pas de panique : la dette nippone est détenue majoritairement par les épargnants nationaux. Il y a donc peu de risque de défaut, contrairement aux cas où la dette est détenue principalement par des investisseurs internationaux. Mais cette mobilisation par l’État de l’épargne japonaise a tout de même pour effet de déprimer l’investissement privé.
Où en est la France ? Alors que sa dette publique tutoyait les 100 % du PIB avant la pandémie, elle a largement dépassé cette limite depuis, pour s’élever à 112,5 % au premier trimestre 2023.
Fait historique : la dette publique française a franchi pour la première fois le cap des 3 000 milliards d'euros en début d'année.
Pour l'économiste Philippe Waechter, cité par 'BFM Business', le plus inquiétant n'est pas le niveau de la dette dans l'absolu, mais le fait qu'elle limite les marges de manœuvre du pays. Selon lui, la France "subit plus qu'elle ne dirige" la situation économique.
Alors que la dette publique tricolore se situait dans la moyenne de la zone euro il y a une dizaine d'années (environ 90% du PIB), le pays a largement divergé avec un taux d'endettement supérieur de 20 points à la moyenne.
Restaurer la crédibilité de l’État français auprès des marchés financiers a justement été l’une des motivations du gouvernement pour lancer la réforme très controversée des retraites.
Mais cela n’a pas empêché l’agence de notation Fitch de dégrader la note de la France de AA à AA- (ce qui correspond encore à une qualité élevée du crédit).
Mais la hausse de la dette publique ne concerne pas exclusivement les pays développés. D’après les données du FMI, l’endettement de la sphère publique chinoise est passé d’un peu plus de 20 % du PIB en 1995 à plus de 70 % en 2019. Et la multiplication en chiffres absolus est bien plus élevée compte tenu de la forte croissance économique du pays sur la période.
Elle-même endettée, la Chine s’est aussi imposée comme créancière des pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne, en contrepartie de l’accès à de nouveaux marchés et aux matières premières locales.
L’Empire du Milieu concurrence désormais l’Occident comme bailleur de fonds et ne reconnaît pas le club de Paris où sont traitées les questions d’endettement bilatéral entre États. La Chine souhaite par ailleurs que le FMI et la Banque mondiale, des institutions où l’influence occidentale est plus importante, ne soient plus considérés comme des créanciers privilégiés. La dette est donc devenue, elle aussi, un terrain d’affrontement entre les blocs.
Les hausses récentes de taux d’intérêt décidées par les banques centrales pour contenir l’inflation ont pour effet de renchérir le coût du crédit. Et le cours élevé du dollar, la monnaie dans laquelle la majorité des dettes internationales est émise, renforce la difficulté des débiteurs à honorer leurs échéances.
De fait, les défauts de paiement se multiplient à travers le monde. Cinq États connaissent actuellement des difficultés particulières : la Biélorussie, le Liban, le Ghana, le Sri Lanka et la Zambie.
La dette des entreprises est moins élevée que celle des États, mais elle se chiffre tout de même en milliers de milliards. Selon le gestionnaire d’actifs Janus Henderson, la dette cumulée des 900 plus grandes sociétés non financières mondiales s’élevait à 8 151 milliards de dollars en juin 2022.
Les ménages apportent aussi une contribution élevée à l’endettement global. Rien qu’aux États-Unis, la dette des particuliers se montait à 16 900 milliards de dollars au quatrième trimestre 2022 (soit 2 750 milliards de dollars de plus qu’avant la pandémie), selon les données de la Réserve fédérale américaine.
Les États se sont fortement endettés ces dernières années pour faire face aux différentes crises (sanitaire, économique, géopolitique). Mais la permanence d’un niveau élevé d’endettement réduit leurs marges de manœuvre pour faire face aux nouvelles crises et aux enjeux, notamment écologiques, du futur.
Entre les conflits qui font rage dans le monde et la lutte contre l’inflation, la réduction de la dette ne semble pas faire partie des priorités des gouvernements. Le désendettement des différents agents économiques sera cependant nécessaire pour faire face aux défis de l’avenir.