Attentat de Nice : ce qu’il faut savoir sur le procès qui s’ouvre aujourd’hui
Tout comme le 13 novembre 2015, certaines dates resteront à jamais gravées dans nos mémoires. Celle du 14 juillet 2016 en fait partie. Ce soir-là, un terrible attentat frappait Nice et son emblématique promenade des Anglais. Six ans après le drame, l'heure du procès sonne enfin.
Nous nous souvenons tous de ce que nous faisions le soir du 14 juillet 2016. Alors que la France célébrait sa Fête nationale au rythme des orchestres et des feux d'artifices, du côté de la Côte d'Azur, l'horreur s'abattait sur la ville de Nice.
Ce soir-là, des milliers de personnes s'étaient réunis sur la promenade des Anglais pour assister au feu d'artifice annuel. Aux alentours de 22h30, peu après la fin du feu d'artifice, un camion poids-lourd de 19 tonnes fonce sur la foule, sur près de deux kilomètres. Le chauffeur du camion fini par être abattu par la police. Mais un climat de terreur se dégage dans toute la ville ; la série d'attentats qui a frappé la capitale huit mois plus tôt est dans toutes les têtes.
Cet acte terroriste causera la mort de 86 personnes, ce qui en fait le second attentat le plus meurtrier en France à ce jour, juste après celui du 13 novembre 2015. Des centaines de blessés sont aussi à déplorer.
Au total, 2 474 personnes ont été reconnues victimes, directes et indirectes, de cet attentat terroriste, et ont été indemnisées par l'État. Parmi elles, des blessées physiques, mais aussi psychiques.
... mais aucun lien n’a été établi entre l’organisation terroriste et l’auteur de l'attentat, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, un Tunisien de 31 ans qui s'était radicalisé peu de temps avant l'attentat. Il était considéré comme psychologiquement instable et violent. L’enquête s’est centrée sur l’entourage du terroriste.
Le procès de cet attentat débute aujourd'hui, et prend place au Palais de Justice de Paris, situé sur l’Île de la Cité. Mais pourquoi ne se déroule-t-il pas plutôt dans un tribunal niçois ?
Comme le rappelle le journal Le Monde, les infractions à caractère terroriste sont jugées à Paris depuis 1986. À l'époque, la France est touchée par une série d'attentats terroristes. La loi du 9 septembre 1986 a alors pour but de centraliser ces affaires à Paris. En juin dernier, le procès des attentats du 13 novembre s'était également tenu au Palais de Justice de Paris.
Si le protagoniste principal de l'attentat a été abattu par les forces de l’ordre le soir du 14 juillet 2016, huit accusés - sept hommes et une femme - seront jugés à partir d’aujourd’hui au Palais de Justice de Paris. Tous sont accusés d'avoir participé à la préparation de l'attentat de Nice.
Ramzi Arefa, un franco-tunisien de 28 ans, est accusé d'avoir fourni l'arme avec laquelle Mohamed Lahouaiej Bouhlel a tiré sur les policiers, le soir du 14 juillet 2016. Dealer du terroriste, l'homme était déjà en état de récidive pour des faits de trafic de stupéfiants. Ramzi Arefa aurait également récupéré une kalachnikov la veille de l'attaque, mais l'aurait finalement gardé dans la cave de son immeuble. Il encourt la perpétuité.
(Sur la photo, la foule réunie sur la promenade des Anglais pour observer une minute de silence le 18 juillet 2016)
Afin de fournir les armes demandées par Mohamed Lahouaiej Bouhlel, Ramzi Arefa aurait demandé l'aide de l'une de ses connaissances, Brahim Tritrou. Ce dernier l'aurait alors mis en contact avec Artan Henaj, un trafiquant albanais. Brahim Tritrou est poursuivi pour association de malfaiteur et risque 10 ans de prison.
(Sur la photo, la foule réunie sur la promenade des Anglais pour observer une minute de silence le 18 juillet 2016)
L'Albanais de 44 ans est accusé d'avoir fourni à Ramzi Arefa l'arme automatique retrouvée dans le camion poids-lourd, et la kalachnikov qui n'a pas été utilisée. Il encourt lui aussi une peine de 10 ans de prison.
Seule femme présente sur le banc des accusées, Enkeledja Zace est poursuivie pour avoir joué le rôle de la traductrice entre son ex-compagnon Artan Henaj et Ramzi Arefaau au moment de la transaction des armes.
(Sur la photo : le drapeau de la France flottant sur la promenade des Anglais au lendemain de l'attaque terroriste)
Cet Albanais de 30 ans est accusé d'avoir fourni la kalachnikov à Artan Henaj. L'arme provenait à priori d'un ancien cambriolage. Son cousin, Adriatik Elezi, était, quant à lui, accusé d'avoir fourni l'arme retrouvée dans le camion. Mais l'homme de 38 ans a mis fin à ses jours en juin 2018, alors qu'il était en prison.
(Sur la photo : les barrières de sécurité installées au lendemain de l'attaque terroriste sur la promenade des Anglais)
Compatriote albanais d'Artan Henaj et d'Enkeledja Zace, cet homme est accusé d'être allé chercher la kalachnikov dans les hauteurs de Nice le 13 juillet 2016, la veille de l'attentat. Un rôle "très circonscrit" selon son avocate Clémence Cottineau.
(Sur la photo : le Negresco Palace de Nice illuminé aux couleurs du drapeau français après l'attaque terroriste)
Mohamed Ghraieb, un ami d'enfance de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, est accusé d'avoir aidé le terroriste à louer le poids-lourd de 19 tonnes utilisé dans l'attaque. L'homme de 46 ans aurait également reçu plusieurs SMS de l'assaillant concernant la livraison de cinq armes sur une prétendue "action" prévue en août 2016. Le procès nous permettra d'en apprendre davantage sur cette attaque qui semblait prévue tout juste un mois après celle de Nice.
(Sur la photo, Maître William Bourdon, l'un des avocats de Mohamed Ghraieb)
Immigré clandestin venu de Tunisie, Chokri Chafroud aurait rencontré Mohamed Lahouaiej Bouhlel environ six mois avant la tuerie. Lui aussi serait lié à la location du camion poids-lourd, et aurait également reçu des SMS l'impliquant dans un potentiel attentat prévu au mois d'août 2016. Il est aussi accusé d'avoir fourni une arme à poing au terroriste quelques semaines avant l'attentat. Tout comme Mohamed Ghraieb, il risque 20 ans de prison.
Près de 900 personnes se sont constituées parties civiles lors de ce procès. Un procès qui permettra aux victimes d'avoir enfin des réponses, et qui facilitera leur reconstruction personnelle, six ans après le drame.
(Sur la photo : Anne Murris, présidente de l'association "Mémorial des Anges" et mère de l'une des victimes décédées pendant l'attentat du 14 juillet 2016)
« Mes clients attendent la vérité, ils attendent que la justice se prononce et ils attendent qu'une peine soit exprimée », a déclaré l'avocate Olivia Chalus-Pénochet, qui représentera 45 parties civiles au tribunal. « Ce procès nous soulage un peu, mais il ne nous ramènera pas notre fille », confie le père de l'une des victimes sur RMC.
Le procès sera entièrement filmé afin de laisser une trace pour l'Histoire. Tout comme le procès lié aux attentats du 13 novembre, il permet de construire une "mémoire collective autour des tueries de masse", comme l'indique François Molins, procureur de Paris lors des attentats de 2015 et 2016.
Le procès sera divisé en 64 jours d'audience, et réunira 133 avocats faisant face aux huit accusés à comparaitre. Son verdict sera rendu le 16 décembre prochain. Un procès qui s'annonce déjà historique.