Censure du gouvernement Barnier : et après ?
Mercredi 4 décembre, l’Assemblée nationale française a adopté la motion de censure déposée contre le gouvernement de Michel Barnier. Le texte a été voté par 331 députés, soit 43 de plus que la majorité absolue requise.
Sans majorité au Parlement, l’exécutif dirigé par l’ancien commissaire européen a trouvé une majorité contre lui, car les partis de gauche et l’extrême-droite du Rassemblement national (RN) ont voté ensemble la censure.
Emmené par Gabriel Attal et Laurent Wauquiez, les patrons des groupes Renaissance et La Droite républicaine à l’Assemblée, le socle commun qui soutenait le gouvernement a voté contre la censure. Mais il n’a pas su convaincre les députés des autres partis d’en faire autant.
La motion avait été déposée par le parti de gauche La France insoumise (LFI), à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
Michel Barnier avait engagé la responsabilité de son gouvernement en utilisant l’article 49-3 de la Constitution, laissant aux députés le choix entre adopter la loi en l’état ou censurer son gouvernement.
À noter que le RN avait déposé de son côté une seconde motion de censure, devenue sans objet avec l’adoption de celle déposée par LFI.
Bien que de nombreuses motions de censure aient été présentées depuis, aucune n’avait été votée depuis 1962, au tout début de la Vᵉ République. Le gouvernement de Georges Pompidou en avait alors fait les frais et le général de Gaulle avait dissous l’Assemblée nationale.
De l’avis des observateurs, la chute du gouvernement Barnier constitue un saut dans l’inconnu, dans un contexte d’instabilité politique, de crise économique et internationale, et alors que l’État et la Sécurité sociale n’ont toujours pas de budget pour 2025.
Le président de la République, Emmanuel Macron, va devoir nommer dans les prochains jours un nouveau Premier ministre, le quatrième depuis le début de l’année et le sixième depuis son élection en 2017.
Plusieurs noms de personnalités de droite ont déjà circulé, comme ceux du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, du maire de Troyes, François Baroin, ou du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand.
D’autres noms qui reviennent sont ceux de membres historiques de l’ancienne majorité présidentielle, comme le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, ou le leader du Mouvement démocrate, François Bayrou.
Cependant, aucun de ces profils n’aurait plus de garanties de survie politique que Michel Barnier, le bloc central restant minoritaire et les autres partis décidés à ne pas le laisser gouverner seul.
Première force à l’Assemblée nationale sans non plus disposer de majorité, la gauche pourrait imposer un nouveau Premier ministre issu de ses rangs, comme Lucie Castets, le nom sur lequel l’alliance s’était déjà accordée cet été, ou bien l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve.
À l’image du sénateur vert Yannick Jadot, plusieurs voix à gauche et au centre ont d’ores et déjà proposé une alliance a minima contre le RN pour doter le pays d’un gouvernement plus stable et plus légitime.
Cité par France Bleu, le député socialiste Philippe Brun a plaidé pour un gouvernement de « centre-gauche » reposant sur un « accord de non-censure avec le bloc central » et de nécessaires « compromis ».
De son côté, Laurent Wauquiez a déclaré sur France 2 que son groupe « ne fera pas tomber un gouvernement », mais que sa « participation à un gouvernement ne sera pas automatique ». Le député LR a refusé ce qu’il nomme la « stratégie du pire ».
Il sera toutefois difficile de trouver un gouvernement assez consensuel pour pouvoir durer. En cas d’instabilité gouvernementale chronique, l’hypothèse d’une démission d’Emmanuel Macron et d’élections présidentielles anticipées fait son chemin dans l’opinion.