Cinq ans d'inéligibilité requis contre Marine Le Pen dans le cadre du procès des assistants parlementaires du RN
Dans le cadre de l'affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national (RN), l'accusation a requis une peine de cinq ans d'inéligibilité contre la patronne du mouvement, Marine Le Pen.
Le parquet a assorti ses réquisitions d'une demande d'exécution provisoire, qui rendrait la peine applicable immédiatement si elle était prononcée.
Par ailleurs, cinq ans de prison, dont deux ferme aménageables, ainsi que 300 000 euros d'amende, ont été requis contre l'ancienne présidente du RN.
Si le juge suit les réquisitions du parquet, Marine Le Pen pourrait donc être empêchée de concourir pour l'élection présidentielle prévue en 2027, dont certains observateurs la voient comme la possible gagnante.
"Aujourd'hui, mon mouvement politique a un genou à terre", a déclaré Jordan Bardella, le président actuel du RN et bras droit de Marine Le Pen, sur le plateau de CNews.
"Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français", a écrit sur X le député du Nord et ancien ministre de l'Intérieur d'Emmanuel Macron, Gérald Darmanin.
"Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs", a ajouté l'élu nordiste. "Si le tribunal juge qu'elle doit être condamnée, elle ne peut l'être électoralement, sans l'expression du peuple."
Cette prise de position n'a pas fait l'unanimité au sein de la classe politique. Ancien président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, le député Sacha Houlié a écrit sur X que "la loi de la République s'applique à tous", balayant tout commentaire politique de l'affaire en cours.
Cité par France Info, le ministre de la Justice, Didier Migaud, a rappelé que "les magistrats sont indépendants" et qu'ils "jugent à partir de la loi votée par le législateur", afin de contrer les accusations de persécutions à l'égard du RN.
Le procès des assistants parlementaires du RN n'en finit pas d'agiter le microcosme politique et médiatique. Mais quel est le fond du dossier ? Un rappel en images.
En plus de Marine Le Pen, plusieurs cadres du parti sont mis en cause personnellement. En effet, la procédure vise au total neuf anciens députés européens, douze anciens assistants parlementaires et quatre autres collaborateurs du RN.
Fondateur du parti et père de la triple candidate à l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen a été jugé inapte à comparaître en raison de la « détérioration de ses capacités physiques et psychologiques », rappelle Libération.
La procédure vise à éclairer les faits quant à des soupçons de détournements de fonds européens qui auraient eu lieu entre 2004 et 2016, en vue de créer des emplois fictifs d’assistants parlementaires.
Les titulaires de ces postes rémunérés sur fonds publics auraient été payés à travailler pour le compte du RN, et non sur des questions européennes. Un préjudice évalué à 6,8 millions d’euros par le Parlement européen sur la période 2009-2017.
Après une dénonciation anonyme en 2014 qui a lancé l’affaire, cette institution s’est constituée partie civile sur les cas d’une vingtaine d’assistants parlementaires frontistes. Fin 2016, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire.
Dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, consultée par France Info, les juges d'instruction ont évoqué le « caractère systémique des détournements » qui, au fil des années, sont devenus « un moyen de financement du parti » en proie à des difficultés financières.
Des éléments accablants pour le RN ont été découverts lors des perquisitions. Par exemple, un échange datant de 2014 entre Marine Le Pen et son trésorier, Wallerand de Saint-Just (sur la photo), dans lequel celui-ci mentionne « des économies importantes grâce au Parlement européen » comme planche de salut pour le parti.
Comme l’indique France Info, Marine Le Pen, jugée pour détournement de fonds publics et complicité de détournement de fonds publics, est en première ligne de ce procès.
En effet, l’ordonnance de renvoi la décrit comme « l'une des principales responsables du système ainsi mis en place alors qu'elle avait été avisée par ses échanges avec le trésorier du parti, dès 2013, de la nécessité de soulager les finances du FN ».
Parmi les personnes impliquées à ses côtés se trouvent notamment le maire de Perpignan (et son ancien compagnon), Louis Aliot, le député et porte-parole du parti, Julien Odoul (sur la photo), et l’ancien trésorier, Wallerand de Saint-Just.
Quel a été le degré d’implication de Jordan Bardella qui était assistant au Parlement européen au moment des faits ? Le quotidien Libération a révélé qu’il aurait participé à l’élaboration de faux documents sur son travail parlementaire.
Le RN et ses dirigeants se défendent d’avoir commis la moindre infraction. Leur ligne de défense repose sur l’idée selon laquelle les assistants parlementaires exercent des fonctions politiques par nature, et ne sont donc pas des fonctionnaires des institutions européennes.
Ancienne assistante de Marine Le Pen avant de devenir elle-même eurodéputée, Catherine Griset (à droite sur la photo) a peiné à convaincre les juges de la réalité de son travail au Parlement européen. Elle a admis n’avoir jamais habité à Bruxelles à titre principal.
De son côté, l’ex-présidente du RN s’est agacée à la barre, comme le rapporte RMC. Interrogée sur la possibilité qu’un de ses assistants ait travaillé dans son domaine familial de Montretout, elle a répondu : « Je les mets où ? Dans le jardin ? Dans une cahute ? ».
L’affaire des assistants parlementaires du RN va-t-elle empêcher la quatrième candidature présidentielle de Marine Le Pen ? La femme politique pourrait faire appel, ce qui suspendrait une éventuelle décision défavorable.
Cependant, selon une source judiciaire citée par France Info, le « risque existe pour Marine Le Pen » si le tribunal ordonne l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité, ce qui annulerait l'effet suspensif du recours. Attendu pour le début de l'année 2025, le verdict permettra d'y voir plus clair !