États-Unis : les stratégies secrètes de la Russie pour manipuler les élections présidentielles
À quelques jours des élections aux États-Unis, le gouvernement américain est plus préoccupé que jamais par les tentatives d'ingérence étrangère visant à manipuler l'opinion des électeurs.
L'administration Biden a tenté de réprimer les propagandistes du Kremlin aux États-Unis, en sanctionnant dix individus pour "des activités visant à saper la confiance du public dans nos institutions".
Parmi les individus sanctionnés par le Trésor américain, on trouve notamment Margarita Simonyan, rédactrice en chef de Russia Today (RT), le bras armé à l'étranger des médias d'État russes.
Au début du mois de septembre, l'agence Reuters a rapporté que le Département de la Justice des États-Unis avait inculpé deux employés de RT. Ces derniers auraient tenté de recruter des influenceurs américains par l'intermédiaire d'une société écran, dans le but de créer du contenu susceptible de manipuler l'élection présidentielle.
Plusieurs experts ont tenté de comprendre et de catégoriser les méthodes et les stratégies utilisées par Moscou pour influencer les électeurs américains dans l'intérêt de Vladimir Poutine.
Maîtresse de conférences en sciences politiques et études internationales à l'Open University, en Grande-Bretagne, Precious Chatterje-Doody a indiqué sur le site The Conversation quels sont les signes révélateurs de l'ingérence russe dans les élections américaines de novembre.
En tête de liste, l'universitaire mentionne l'utilisation d'influenceurs présents en ligne pour faire pencher l'opinion publique dans le sens voulu.
La chercheuse britannique cite l'utilisation controversée par RT d'une société de création de contenu en ligne basée dans l'État du Tennessee pour influencer l'opinion locale comme un exemple parmi d'autres de la relation ancienne entre ce média et le populisme américain.
Pour ce faire, le gouvernement russe offre une plateforme et des ressources à des personnalités médiatiques dont les opinions sont alignées avec celles du Kremlin, sans avoir besoin de leur donner directement des instructions sur les messages à faire passer.
En deuxième position, Chatterje-Doody mentionne l'utilisation de sites de fausses nouvelles et de faux profils sur les réseaux sociaux afin de diffuser de la désinformation.
Selon elle, le Kremlin a utilisé ces sites web en se faisant passer pour des sites locaux et des personnes existantes et en se concentrant sur des groupes spécifiques et des questions particulières, le tout en reprenant les idées pro-russes.
En 2020, The Guardian avait noté que le Kremlin avait mis en place une série de faux sites web de gauche, avec des photos de personnes générées par l'IA, et en rémunérant des rédacteurs de contenu freelance bien réels et ignorants de la situation.
Une autre tactique est décrite par Chatterje-Doody comme le fait de "mettre de l'huile sur le feu", c'est-à-dire de ne pas créer directement le chaos, mais de tirer parti des problèmes et des divisions existantes dans la société américaine pour attiser le mécontentement.
L'universitaire indique que les propagandistes du Kremlin ont tendance à utiliser un mélange d'informations réelles et fausses pour s'insérer dans une conversation en cours.
Certains de ces sujets clivants sont les droits des LGBT, le féminisme, les inégalités et le traitement des minorités.
On dit souvent que la meilleure défense, c'est l'attaque : le quatrième point mentionné par Chatterje-Doody est justement l'inversion du scénario par les agents russes.
Par exemple, lorsque Londres a accusé le Kremlin d'être derrière une série d'empoisonnements à Salisbury, en 2018, les autorités russes ont affirmé que c'étaient les services de renseignement américains et britanniques qui avaient orchestré ces attaques.
Un autre exemple de cette tactique consiste à accuser toute critique du gouvernement russe d'être "russophobe", c'est-à-dire de manifester un préjugé contre la Russie en général. Son usage est particulièrement fréquent depuis l'invasion de l'Ukraine.
Enfin, Chatterje-Doody catégorise l'humour comme un aspect important du répertoire de désinformation russe.
Il s'agit par exemple de dépeindre les pays occidentaux comme des dictatures totalitaires néolibérales obsédées par le politiquement correct plutôt que par les vrais problèmes.
En même temps, l'experte de l'Open University note que RT s'inclut lui-même dans la plaisanterie, en se moquant de son propre statut de paria pour l'Occident et de propagandiste pour le Kremlin.