Crédit suisse : la descente aux enfers d’une banque systémique
Que se passe-t-il au Crédit suisse ? Englué dans une crise depuis plusieurs années, l’établissement de crédit helvétique a vu sa situation se dégrader précipitamment cette semaine. On vous explique tout.
Mercredi 15 mars, le cours de l’action du Crédit suisse s’est effondré, accusant une baisse de 24,4%. Du jamais vu en une seule journée !
Cette chute a fait suite aux déclarations de la Banque nationale saoudienne, premier actionnaire de la banque à hauteur de 9,8 % du capital depuis novembre 2022. La banque centrale de la monarchie du Golfe a officiellement exclu d’injecter davantage d’argent dans le Crédit suisse, déclenchant une panique sur son cours de bourse.
Les valeurs bancaires européennes ont aussi été très chahutées mercredi 15 mars. Selon ‘zonebourse.com’, plusieurs grandes banques de la zone euro ont vu leur valeur plonger dans la foulée de la chute du Crédit suisse, avec une baisse de 12 % pour la Société générale, de 10 % pour BNP Paribas, de 9 % pour la Deutsche Bank et de 7 % pour Banco Santander.
Mais cette baisse s’inscrit en réalité dans une tendance longue : le cours de bourse du Crédit suisse a plongé de 83 % depuis mars 2021, soit une évaporation de cinq sixièmes de sa valeur en seulement deux ans. Une ruine pour les investisseurs de long terme.
Deuxième banque suisse après UBS, le Crédit suisse a vu son modèle remis en cause par les conséquences de la crise de 2008 et par la fin du secret bancaire. Par ailleurs, l’établissement a connu des déboires dans le domaine de l’assurance et ses initiatives dans la banque d’investissement ont plus souvent rempli la chronique des scandales que celle des bonnes performances financières.
En 2021, le journal suisse ‘Le Temps’ avait publié une longue enquête consacrée aux difficultés du Crédit suisse. En cause : l’excès d’ambition de la banque sur le marché américain, une culture du bonus et du profit à tout prix, et surtout un manque de contrôle du haut management qui a conduit à une succession d’affaires à problèmes.
Pour revenir à l’actualité, l’inquiétude des marchés s’est propagée bien au-delà des frontières suisses : mercredi 15 mars, la bourse de Paris perdait 3,58% et celle de Londres 3,83%, soit leur pire journée depuis mars 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Cette tempête intervient peu de temps après la crise de liquidités qui a touché la Silicon Valley Bank, la banque des start-ups californiennes qui a fait faillite début mars 2023. L’accalmie en bourse n’aura duré que quelques jours…
Mais contrairement à SVB, le Crédit suisse fait partie des 30 établissements considérés comme « too big to fail » ou « systémiques », c’est-à-dire d’une taille trop importante pour que les autorités le laissent faire faillite sans graves répercussions sur le système financier. Un privilège qui impose des contraintes réglementaires plus strictes en contrepartie.
Il est impossible de mesurer l’impact qu’aurait une faillite du Crédit suisse, mais l’imbrication du système financier est telle que de fortes perturbations d’un établissement de crédit ne peuvent pas rester sans conséquences sur les autres banques. Le spectre d’un nouveau Lehman Brothers plane-t-il sur le monde bancaire ?
Pour faire face à son besoin de liquidités, le Crédit suisse a emprunté en urgence 50 milliards de francs suisses (soit près de 51 milliards d’euros) à la Banque nationale suisse. De quoi voir venir en attendant la fin de la tempête.
« Ces liquidités supplémentaires soutiendront nos activités principales et nos clients alors que nous prendrons les décisions nécessaires pour créer une banque plus simple et plus ciblée, axée sur les besoins des clients. », a déclaré la banque dans un communiqué cité par ‘La Tribune’.
« Le Crédit Suisse satisfait aux exigences en matière de capital et de liquidités imposées aux banques d'importance systémique. En cas de besoin, la BNS mettra des liquidités à la disposition du Crédit Suisse », ont déclaré la Banque centrale et le superviseur bancaire suisse dans un communiqué commun, également cité par ‘La Tribune’.
Les déboires du Crédit suisse interviennent alors que la Banque centrale européenne doit bientôt décider d’une éventuelle nouvelle hausse des taux d’intérêt. Sa politique de resserrement monétaire a fragilisé les banques commerciales, comme l’illustrent les turbulences actuelles du secteur financier. Mais le maintien d’une inflation élevée pourrait nécessiter une nouvelle hausse des taux malgré tout.
Les prochains mois seront donc décisifs pour le monde financier, dans un contexte d’incertitude économique maximale. Les pouvoirs publics vont devoir rendre des arbitrages douloureux entre soutien aux banques en difficulté et poursuite de la lutte contre l’inflation. En attendant, le Crédit suisse semble provisoirement tiré d’affaire.