Le conflit est ouvert entre François Ruffin et Jean-Luc Mélenchon, deux figures de la gauche française
Marginalisé par la direction du parti La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, le député de la Somme François Ruffin est désormais en conflit ouvert avec le leader de gauche radicale.
Dans un entretien donné à L'Obs après la parution de son livre "Ma France en entier, pas à moitié", l'ancien journaliste a dénoncé un Mélenchon qui aurait "tout misé sur la jeunesse et les quartiers populaires" et "délaissé le reste".
"Quand je tombais sur un Noir ou un Arabe, je sortais la tête de Mélenchon, en bien gros sur les tracts. C'était le succès presque assuré. (...) Mais dès qu'on tombait sur un Blanc, pas seulement dans les campagnes, même dans les quartiers, ça devenait un verrou. (…) Du coup, je présentais un autre document, sans sa tronche ni son nom", a également raconté l'élu picard.
Dans le même entretien, ce défenseur de la classe ouvrière a directement attaqué la garde rapprochée du patron de LFI, qu'il accuse "de faire la cour à Jean-Luc, porte-flingue, porte-serviette, porteur d'eau, pour être investi au bon endroit".
Sans surprise, les dirigeants de LFI ont répliqué fermement aux propos de François Ruffin. Le député marseillais Sébastien Delogu, cité par France Info, a qualifié son attitude de "pitoyable", tandis que le coordinateur du mouvement, Manuel Bompard, a décrit ses accusations comme "blessantes, injustes et dangereuses".
Présent à la Fête de l'Huma, l'événement annuel du Parti communiste français, le député de la Somme a été copieusement hué, notamment par les jeunes militants insoumis. Le torchon brûle à la gauche de la gauche.
L'an dernier, alors que La France insoumise avait fait polémique pour avoir refusé de condamner clairement les attaques du Hamas en Israël, François Ruffin avait déjà fait entendre une voix différente.
Dans un entretien donné au Monde en octobre 2023, le parlementaire avait condamné « sans réserve les actes du Hamas », qu'il qualifiait d' « organisation fanatique, terroriste, qui a toujours été l’adversaire des progressistes au Proche-Orient, hostile à tout compromis de paix, qui veut la fin de l’État d’Israël. »
Mais qui est François Ruffin, l’homme qui pourrait jouer un rôle politique majeur en France dans les années à venir ? Un portrait en images.
Né à Amiens en 1975, le futur homme politique y a été scolarisé au lycée La Providence, un prestigieux établissement catholique qu’Emmanuel Macron a aussi fréquenté à la même époque.
Avant de se lancer en politique, François Ruffin a débuté comme journaliste. Il a créé la revue Fakir en 1999, avant même de commencer ses études au Centre de formation des journalistes.
Fakir paraît dans sa ville natale d’Amiens, à l’origine pour critiquer le silence autour de la fermeture de l’usine Yoplait dans la ville, à l’origine de plusieurs dizaines de licenciements. Son journal s’oppose notamment au maire de droite de la ville, Gilles de Robien.
En 2003, François Ruffin publie « Les petits soldats du journalisme », un livre à charge contre les méthodes de son ancienne école. Il participe ensuite à plusieurs revues ou émissions de critique des médias, une thématique qu’il considère comme la source de son engagement en politique.
En 2015, il réalise son premier documentaire, « Merci Patron ! », qui dénonce les délocalisations pratiquées en France par le géant du luxe LVMH. Le film fait la une du New York Times en 2016, alors que se lance le mouvement d’opposition à la « loi travail ».
Visant particulièrement le grand patron du groupe, Bernard Arnault, « Merci Patron ! » est à l’origine d’une polémique du fait que certains médias auraient refusé de le chroniquer, ou alors auraient annulé la venue à l’antenne de François Ruffin.
À la même époque, Ruffin fait partie des initiateurs du mouvement Nuit debout, né à Paris de l’opposition à la loi travail. Le journaliste commence à faire parler de lui dans les milieux de la gauche radicale française.
En février 2017, soit quelques mois avant les élections présidentielle et législative en France, « Merci, patron ! » reçoit le César du meilleur film documentaire. Le lauréat en profite pour s’attaquer vivement à la politique du gouvernement durant la cérémonie.
Il n’en fallait pas plus à François Ruffin pour lancer sa campagne pour les législatives dans la 1ère circonscription de la Somme, en Picardie. Exploitant la fermeture très médiatisée de l’usine Whirlpool d’Amiens, il parvient à être élu député au second tour.
Réélu cinq ans plus tard, le député de la Somme fait partie des plus actifs à l’Assemblée nationale, intervenant sur des dossiers aussi variés que les inégalités salariales hommes-femmes, le burn-out ou la politique de transports.
Malgré les hésitations de La France insoumise, François Ruffin a soutenu dès le début les Gilets jaunes durant l’hiver 2018-2019, partageant les revendications du mouvement en faveur du pouvoir d’achat.
À côté de son activité politique, le parlementaire a tourné d’autres documentaires, comme « J’veux du soleil » (2019) sur le parcours des Gilets jaunes, et « Debout les femmes » (2021), qui traite des métiers très largement féminisés de l’accompagnement et du soin.
Dans un parti qui privilégie les questions de société ou d’identité, François Ruffin s’est en effet imposé comme le porte-voix des classes populaires, qui souhaite représenter les salariés aux revenus modestes et aux métiers difficiles.
Aux élections législatives de 2024 qui ont suivi la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, François Ruffin s'est retrouvé en ballotage défavorable à l'issue du premier tour. Mais il a pu conserver son siège grâce au désistement de la candidate macroniste.
Appelant à l'union de la gauche pendant la campagne, le parlementaire est à l'origine du nom de "Nouveau Front populaire" qui désigne l'alliance des partis de gauche aux législatives de 2024 et à l'Assemblée nationale.
Au même moment, l'homme politique a quitté LFI et annoncé son intention de ne pas siéger au sein du groupe politique de ce parti. La rupture est désormais consommée.
Où s’arrêtera François Ruffin ? Désormais affranchi de son ancienne affiliation politique, le député-réalisateur ne manque pas d'ambition et fait partie des personnalités avec lesquelles il faudra compter ces prochaines années.