Le programme économique de Jordan Bardella aux européennes est-il irresponsable ?
À deux jours des élections européennes, le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella dispose toujours d’une avance confortable sur ses concurrents, avec plus de 30 % d’intentions de vote en France.
Mais son programme est-il crédible ? Tel n’est pas l’avis de la majorité des économistes, qui pointent les incohérences et les coûts cachés des propositions du parti d’extrême-droite.
Tout d’abord, certains experts interrogés par Challenges dénoncent l’obsession de cette formation politique pour la « préférence nationale », dont l’application conduirait à un bouleversement du système économique français et européen.
Par ailleurs, l’hostilité à l’immigration du parti nationaliste est dénoncée par l’économiste Olivier Pastré, cité par le même média.
Cet expert rappelle que « tous les économistes dignes de ce nom s’accordent à considérer qu’il existe, au niveau macroéconomique, pour tous les pays un lien solide entre immigration et croissance économique ».
Concernant la mondialisation, l’économiste Françoise Benhamou, également citée par Challenges, note que les dirigeants du RN souhaitent conserver « les avantages de l’ouverture économique tout en se gardant la possibilité de prendre des mesures protectionnistes dès qu’ils les jugent nécessaires ».
« Ils semblent ignorer que si la France décidait de taxer ses importations ou de ne pas respecter les règles du marché européen ou d’un accord commercial, elle s’exposerait immédiatement à des mesures de rétorsion de la part des autres pays », ajoute-t-elle. Ce qui pénaliserait les entreprises nationales et l’emploi en France.
Autre marqueur de la préférence nationale, la préservation de la « souveraineté alimentaire » de la France souhaitée par le parti lepéniste. Une position qui ne tient pas la route, selon l’économiste Akiko Suwa-Eisenmann, car la souveraineté alimentaire dépend aussi des enjeux environnementaux.
« Or le RN fait largement l’impasse sur les enjeux environnementaux et combat les mesures de préservation de l’environnement et de résilience de l’agriculture, à commencer par le Pacte vert européen », précise cette experte, reprise par Challenges.
La position du RN sur la politique énergétique est hostile aux énergies renouvelables. Pour Patrice Geoffron, cité par le même média, « la mise en œuvre de cette politique est peu plausible » et « induirait des risques et des coûts qui, in fine, pèseraient surtout sur les ménages les plus modestes ».
Pour réduire la facture énergétique des Français, ce parti propose d’abaisser de 20 % à 5,5 % le taux de la TVA sur l’énergie. Une mesure dont le coût pour les finances publiques a été évalué à 10 milliards d’euros par an par l’Institut Montaigne, un think-tank libéral.
Par ailleurs, cette mesure est inefficace à plusieurs titres, selon la Fondation Jean-Jaurès, un think-tank de gauche. En effet, elle ne bénéficierait pas aux entreprises et s’appliquerait de manière uniforme au lieu de cibler les ménages les plus modestes, tout en n’ayant qu’un impact limité sur les prix.
Afin de soutenir les jeunes actifs, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella propose une exonération totale d’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans. Une mesure inégalitaire et coûteuse, toujours selon Françoise Benhamou.
Cette mesure « représenterait 2 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques, dont 1,9 milliard d’euros bénéficiant à des jeunes appartenant aux 25 % les plus aisés de leur classe d’âge, ou encore 1,3 milliard d’euros aux 10 % les plus aisés », selon cette économiste.
« L’Europe qui protège » : tel est le slogan du RN. Cependant, la Fondation Jean-Jaurès rappelle que ce parti s’est opposé aux directives européennes contre la concurrence déloyale de pays tiers qui ne respectent pas les mêmes normes sociales et environnementales que l’UE.
Ce parti s’oppose aussi au règlement européen interdisant les produits issus du travail forcé sous prétexte qu’il imposerait des normes supplémentaires aux entreprises. Ce texte ne vise pourtant que les importations de biens dont les conditions de production auraient aussi été interdites en Europe.
Programme « impressionnant par sa vacuité et son irresponsabilité » selon Challenges, « manque de cohérence et de maîtrise des sujets économiques » d’après la Fondation Jean-Jaurès : les experts ne sont pas tendres avec les propositions économiques du RN. En attendant, la liste de Jordan Bardella caracole en tête des sondages.