Emmanuel Macron et l’Europe : quel héritage et quel programme ?
Plus de six ans après son premier discours sur l’avenir de l’Europe à la Sorbonne, le président de la République française, Emmanuel Macron, s’est livré au même exercice dans la prestigieuse université française, à quelques semaines du scrutin européen.
« Notre Europe aujourd’hui est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix », a déclaré le chef de l’État, dramatisant volontairement l’enjeu, alors que son parti, Renaissance, est loin derrière la liste du Rassemblement national dans les sondages.
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Une allusion à la montée des mouvements populistes et nationalistes partout en Europe : une menace pour la « démocratie libérale », selon lui, dont les valeurs sont « de plus en plus critiquées et contestées ».
S’il se félicite du reflux des propositions de sortie de l’Union européenne, Emmanuel Macron a mis en garde contre des mouvements qui « proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer » et qui mettraient en péril le projet européen.
Reconnaissant que, depuis 2017, l’année de son élection en France, l’Europe n’a pas « tout réussi », le président français a malgré tout estimé que « rarement l’UE aura autant avancé » que ces dernières années.
Emmanuel Macron a vanté les progrès réalisés par l’Union européenne ces dernières années, citant par exemple la mutualisation de l’endettement public et de la vaccination pendant la pandémie de Covid-19.
La création d’une taxe carbone européenne et le renforcement de l’Europe de la défense et du contrôle des frontières ont aussi été évoqués comme exemples de projets communs ayant abouti.
Selon Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Robert-Schuman, interrogé par ‘Ouest France’, 80 % des annonces faites lors du discours de 2017 ont été traduites dans des décisions concrètes depuis.
Au-delà du bilan des années écoulées, marquées par une série de crises en Europe, le second discours de la Sorbonne a aussi été l’occasion d’avancer un nouveau programme européen.
Alors que la menace russe ne faiblit pas à l’est du continent, Emmanuel Macron a relancé ses thématiques de prédilection que sont « l’Europe puissance » et « l’autonomie stratégique européenne ».
Concrètement, cela passerait par une initiative des États-membres dans ce domaine, incluant par exemple un bouclier antimissile européen ou des outils communs en matière de cyberdéfense et de cybersécurité.
Autre sujet-clé à l’heure où les mouvements d’extrême-droite sont plus forts que jamais : la maîtrise des frontières et de l’immigration vers l’Europe.
Le président de la République a proposé de mettre en place une « structure politique » européenne sur les sujets de sécurité et de lutte contre le terrorisme et la criminalité.
Dans le domaine économique, Emmanuel Macron souhaite faire de l’Europe un « leader mondial » dans cinq secteurs stratégiques : intelligence artificielle, informatique quantique, spatial, biotechnologies et énergie.
Pour cela, un « choc d’investissement commun » est nécessaire, selon lui, ce qui supposerait un doublement de la capacité financière de l’Union.
Une autre thématique abordée à la Sorbonne a été celle de la majorité numérique, qu’Emmanuel Macron souhaite voir passer à 15 ans dans toute l’Europe.
« Là où nous interdisons les propos racistes, les propos antisémites, les discours de haine, nous devons les interdire dans l’espace numérique, où la présomption d’anonymat conduit à la désinhibition de la haine », a-t-il ajouté.
Plus généralement, le président français a rappelé l’existence, au-delà de la géographie, d’un humanisme européen, à savoir « une certaine idée de l’homme qui place l’individu libre, rationnel et éclairé au-dessus de tout ».
Citée par ‘Courrier international’, la presse étrangère a relevé le caractère alarmiste du discours d’un président usé par sept années de pouvoir. Le journal espagnol ‘El Pais’ a ainsi évoqué un « avertissement dramatique ».
« Sa conclusion selon laquelle il reste "optimiste" pour l’Europe ne peut pas faire oublier que c’est un président très affaibli qui s’adresse à la France et à ses partenaires européens », a conclu ‘Politico’, un média anglophone basé à Bruxelles.
Quelle sera la réaction de l’opinion française au discours présidentiel de près de deux heures ? Le résultat des urnes le soir du 9 juin permettra d’en savoir un peu plus !