Fuites de gaz en mer Baltique : le pipeline Nord-Stream a-t-il été saboté ?
Le mercredi 28 septembre, les gardes-côtes suédois avaient annoncé avoir découvert une quatrième fuite de gaz sur le pipeline Nord Stream, dans la mer Baltique. Selon les informations disponibles, cette fuite aurait une longueur de 200 mètres.
Photo : fuite sur la mer Baltique "SWEDISH COAST GUARD / HANDOUT"
Deux jours plus tôt, les autorités danoises avaient déjà fait part de l'existence de trois fuites dans le pipeline sur la Baltique. D'après le ministère danois de l'énergie, plus de la moitié du gaz avait déjà fui et les tuyaux devaient être complètement vides à partir du 2 octobre.
Sur la photo : la Première ministre danoise Mette Frederiksen lors d'une conférence de presse le 27 septembre.
Depuis que des fuites ont été découvertes dans Nord Stream 1 et 2, les spéculations sur leurs origines et sur les responsabilités battent leur plein. Une seule chose sûre : le gaz qui y transite est perdu.
Avant que les fuites ne soient découvertes, des stations suédoises et danoises avaient enregistré des détonations sous l'eau. Le sismologue Björn Lund, du Réseau sismologique suédois, a déclaré à la radio suédoise SVT qu'il s'agissait sans le moindre doute de dynamitages ou d'explosions.
Selon le média allemand NDR, les experts estiment que plusieurs centaines de kilos d'explosifs auraient été utilisés. L'enquête est en cours pour savoir comment ils ont été transportés et activés. La marine allemande participe également aux investigations.
L'OTAN et l'Union européenne considèrent que ces fuites sont liées à un sabotage. Un communiqué des États-membres de l'OTAN en date du 30 septembre a indiqué que toutes les informations actuellement disponibles conduisent à penser qu'il s'agit "d'actions de sabotage intentionnelles, imprudentes et irresponsables".
Sur la photo : le Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 26 septembre 2022.
Le communiqué n'a mentionné aucun responsable présumé. Le Secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg (sur la photo) a indiqué que toute attaque sur une infrastructure stratégique d'un des pays alliés ferait l'objet d'une riposte commune et résolue.
Le président russe Vladimir Poutine a désigné les fuites sur Nord-Stream comme un acte de "terrorisme international". Le Kremlin a qualifié d' "idiotes et absurdes" les spéculations sur une éventuelle responsabilité de la Russie dans le sabotage des pipelines.
L'hypothèse d'une participation américaine a également été émise, basée sur l'opposition de longue date des États-Unis au pipeline Nord Stream 2 (sur la photo).
Le spécialiste des questions de défense Johannes Peters, de l'université de Kiel en Allemagne, a déclaré à ce propos à la télévision publique allemande : "Je suis certain que les Américains n'iraient jamais jusqu'à détruire des infrastructures énergétiques de leurs principaux alliés, à savoir les pays européens. Cela reviendrait pour eux à faire ce que d'autres essayent depuis des années, à savoir diviser l'Occident entre les États-Unis d'un côté et l'Europe de l'autre."
Claudia Kemfert, spécialiste des questions énergétiques à l'Institut allemand de recherche économique (sur la photo), a mis en garde sur la chaîne de télévision Phoenix contre les risques d'une guerre de l'énergie. Après ces actions de sabotage, l'experte redoute des tentatives de déstabilisation des systèmes d'approvisionnement d'énergie - éventuellement via des attaques sur des centrales nucléaires.
Quels que soient les responsables, les conséquences de ces actions sont dévastatrices pour l'environnement.
Photo : "DANISH DEFENCE / HANDOUT"
Les fuites sur les pipelines Nord Stream 1 et 2 ont provoqué des émissions de CO2 d'environ 7,5 millions de tonnes, selon les estimations du Bureau fédéral de l'environnement allemand. Cela correspond à environ 1% des émissions annuelles de CO2 de l'Allemagne. Ces calculs sont basés sur une évaluation du remplissage et du volume des deux pipelines.
Toujours selon cette institution, les conduites de gaz n'ont pas de mécanismes de cloisonnement. Par conséquent, la fuite concerne l'ensemble du contenu des tuyaux.
Sur la photo : un dépôt de tuyaux de pipelines.
Au total, ce sont 300 000 tonnes de méthane qui ont été relâchées dans l'atmosphère. Or, ce gaz est bien plus nuisible pour le climat que le CO2. À l'échelle d'un siècle, une tonne de méthane provoque un réchauffement de l'atmosphère équivalent à celui causé par 25 tonnes de CO2. L'effet sur le climat des fuites de gaz doit donc être estimé à près de 7,5 millions de tonnes de CO2.
L'opérateur des deux gazoducs avait annoncé dans un premier temps la fin des fuites de gaz. Mais des gardes-côtes suédois ont constaté que la fuite se poursuivait sur Nord Stream 2. Et un nuage de méthane se forme au-dessus de l'Europe, pour la plus grande inquiétude de la population et des autorités.
Quoi qu'il en soit, les experts estiment que l'enquête sur l'origine exacte des fuites devrait durer encore plusieurs semaines. Dans l'intervalle, les fuites de gaz ne semblent pas complètement arrêtées, entraînant d'importants coûts économiques et environnementaux. Et les spéculations sur l'identité des responsables se poursuivent.
Photo : "SWEDISH COAST GUARD / HANDOUT"