Jusqu’où ira le rapprochement entre la Russie et la Chine ?
Le dirigeant du Parti communiste et chef de l’État chinois Xi Jinping s’est rendu à Moscou pour une visite qui s’est achevée le 21 mars dernier. Marquée par une proximité affichée entre Xi et Vladimir Poutine et par des avancées sur certains dossiers bilatéraux, cette rencontre laisse-t-elle présager d’un rapprochement durable entre la Russie et la Chine ?
Il s’agit en tout cas de la première visite du dirigeant chinois depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Si les deux pays se sont rapprochés depuis de longues années, il s’agit malgré tout d’un sommet inédit compte tenu du changement de contexte géopolitique provoqué par la guerre.
La Chine n’a pas condamné officiellement la guerre d’agression menée par la Russie depuis plus d’un an. Mais Pékin se garde bien d’apporter un soutien trop visible à Moscou pour éviter de s’exposer aux sanctions occidentales.
Prudente, la Chine a donc adopté une posture de médiateur pour la paix. Xi Jinping a même proposé un plan de paix entre la Russie et l’Ukraine, validé par Moscou, mais qui laisse plutôt dubitatif dans les capitales occidentales.
À l’occasion de sa visite, Xi Jinping n’a pas manqué de rendre hommage à son « meilleur ami » Vladimir Poutine. Plus que jamais, les puissances russe et chinoise semblent vouloir se rapprocher malgré la question non résolue du conflit ukrainien.
En réalité, le partenariat stratégique russo-chinois existe depuis déjà plusieurs décennies et il a été renforcé par Xi Jinping, arrivé au pouvoir en Chine en 2012. Rivaux à l’époque de la Guerre froide, les deux États semblent avoir trouvé une certaine complémentarité entre les ressources énergétiques de la Russie et la puissance technologique et commerciale de la Chine.
Mais ce qui unit sans doute le plus ces deux pays est leur antagonisme avec la première puissance mondiale, les États-Unis. La visite de Xi a d’ailleurs été conclue par un communiqué commun accusant Washington de vouloir déstabiliser la paix mondiale.
Selon le document cité par ‘L’Express’, les États-Unis souhaiteraient « créer un système mondial de défense antimissile et déployer des missiles dans plusieurs pays du monde afin de conserver un avantage militaire unilatéral ». Washington est aussi accusé de vouloir renforcer sa « capacité d’armes non nucléaires de haute précision ».
Alors qu’elle avait brandi la menace d’une guerre nucléaire à l’automne 2022, la Russie s’est finalement ralliée à la position chinoise consistant à rejeter cette option. Le communiqué commun indique « qu’il ne peut y avoir de vainqueurs dans une guerre nucléaire » et que celle-ci « ne doit jamais être déclenchée ».
Par ailleurs, Vladimir Poutine a considéré que le plan de paix chinois pouvait servir de base à la résolution du conflit russo-ukrainien, rejetant sur les Occidentaux la responsabilité du maintien des hostilités.
Plus concrètement, le renforcement du partenariat russo-chinois s’est traduit par un projet de gazoduc entre les deux pays. Alors que le gazoduc « Nord Stream » vers l’Europe est à l’arrêt, le nouvel équipement intitulé « Force de Sibérie 2 » permettra à la Russie de fournir à la Chine 50 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz par an.
Les deux puissances du continent asiatique cherchent plus généralement à intensifier leurs échanges commerciaux. Selon les données des douanes chinoises citées par ‘Le Point’, le commerce bilatéral entre ces deux pays a atteint un volume de 190 milliards de dollars en 2022.
Pour l’économie russe, se tourner vers la Chine est une nécessité car les sanctions occidentales ont privé le pays de recettes importantes liées aux exportations d’hydrocarbures. Selon l’économiste Elina Rybakova citée par ‘Le Point’, « il est absolument critique pour la Russie d'être proche de la Chine, car elle n'a plus beaucoup de partenaires économiques de taille ».
Au-delà de l’approvisionnement en énergie, les États-Unis soupçonnent des ventes d’armes de la Chine à la Russie. Si cette piste est pour le moment exclue officiellement par Pékin, Moscou pourrait de son côté accepter des transferts de technologie militaire vers la Chine comme contrepartie du partenariat économique dont elle a tant besoin.
Privée de ses anciennes relations commerciales avec l’Occident, la Russie doit impérativement renforcer sa coopération avec son puissant voisin. Selon Temour Oumarov, spécialiste des relations sino-russes à la Fondation Carnegie, « la stabilité de l'économie russe dépend désormais de la Chine, ce qui donne à Pékin un nouvel instrument pour influencer la Russie directement ».
L’invasion de l’Ukraine et la rupture avec les pays occidentaux ont-elles conduit Vladimir Poutine à tomber dans le piège tendu par Xi Jinping et à faire de son pays un vassal de la Chine ? Si les deux leaders ont tenu à s’afficher ensemble comme contrepoids à l’Occident, la relation entre leurs nations respectives semble plus déséquilibrée que jamais en faveur de la Chine.