La crainte de nouveaux conflits provoque une course aux armements partout dans le monde
Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine et mettait fin à une période de plus de trente ans de paix sur le continent européen. Une attaque qui s’inscrit dans un contexte plus général d’intensification des tensions géopolitiques, notamment en Asie. Ce changement de la situation mondiale entraîne dans son sillage un réarmement massif des États.
En 2022, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 3,7 % pour atteindre un montant record de 2 240 milliards de dollars, selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI). Cependant, la part des budgets de défense dans le total des richesses produites est moins élevée qu’à l’époque de la Guerre froide.
Toujours selon le SIPRI, les dépenses militaires des pays d'Europe centrale et occidentale se sont élevées à 345 milliards de dollars en 2022, un niveau supérieur en termes réels à celui de 1989 et supérieur de 30 % à celui de 2013.
Une hausse vertigineuse a été constatée dans les pays les plus exposés à la menace russe, comme la Finlande (+ 36 %), la Lituanie (+ 27 %) et la Pologne (+ 11 %).
La course globale aux armements est loin d’être homogène d’un État à l’autre. Deux pays représentent plus de la moitié de la dépense militaire mondiale à eux seuls : il s'agit des États-Unis (877 milliards de dollars, soit 39 % du total) et de la Chine (292 milliards de dollars, soit 13 %), selon des données citées par 'Ouest France'.
Les États-Unis font donc la course largement en tête et la puissance américaine reste écrasante en termes de capacités militaires et de qualité des armements, même si elle est de plus en plus ouvertement défiée par la Chine et la Russie.
Depuis environ dix ans, les États-Unis suivaient une trajectoire de retrait des conflits mondiaux, initiée sous les présidences Obama et Trump et matérialisée par la débâcle en Afghanistan à l’été 2021. Mais la guerre d’agression menée par la Russie à l’Ukraine a contraint la superpuissance américaine à changer ses plans…
La course aux armements engagée depuis deux ans a d’abord consisté à gérer l’urgence. Face à l’envahisseur russe, les États-Unis et les nations européennes ont rapidement décidé de l’envoi massif d’armes et de matériel pour soutenir l’armée ukrainienne.
Selon le SIPRI, la Russie a relevé ses dépenses militaires de 9,2 % en 2022 (86,4 milliards de dollars), tandis que l'Ukraine les a augmentées de 640 % (44 milliards de dollars).
Pays largement démilitarisé depuis 1945 et connu pour le pacifisme de la population, l’Allemagne a opéré un virage à 180 degrés dès le début de la guerre en Ukraine. Dans un discours prononcé au Parlement en février 2022, le chancelier Olaf Scholz a annoncé une hausse historique de 100 milliards d’euros du budget militaire allemand.
Et la France dans tout ça ? Paris a fait exécuter l'équivalent de 54 milliards de dollars de dépenses militaires en 2022, soit 1,94 % de la richesse du pays. Un niveau relativement modeste mais parmi les plus élevés des États-membres de l'OTAN.
Une augmentation plus significative du budget militaire devrait avoir lieu dans les prochaines années, avec l’achat de nouveaux équipements pour moderniser l’armée française.
La guerre en Ukraine a relégitimé l’OTAN comme alliance des pays occidentaux, mais elle a aussi relancé le vieux projet d’Europe de la défense. Le chef de l’État français insiste sur la nécessité d’une stratégie européenne commune et sur celle de coordonner les différentes armées nationales.
Mais de nombreux États européens, dont l’Allemagne, continuent d’acheter en priorité du matériel américain… L’Europe va-t-elle se doter d’une politique de défense autonome ou continuer à vivre sous la protection des États-Unis comme au temps de la Guerre froide ?
Le contexte géopolitique actuel a entraîné un réarmement des forces conventionnelles, mais qu’en est-il de l’arme nucléaire ? L’arsenal détenu par une dizaine de pays dans le monde avait connu un rétrécissement important depuis l’effondrement de l’URSS. Cependant, Vladimir Poutine a agité cette menace à plusieurs reprises pour répliquer aux contre-offensives ukrainiennes.
"Bientôt, nous allons arriver à un point où, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, le nombre d'armes nucléaires dans le monde pourrait commencer à augmenter, ce qui est un phénomène réellement dangereux", a déclaré à l’'AFP' Matt Korda, du SIPRI.
Aujourd’hui, les États-Unis et la Russie détiennent à eux deux 90 % de l’arsenal nucléaire mondial. Mais d’autres puissances comme le Royaume-Uni ou la Chine se sont engagées plus ou moins officiellement dans une modernisation de leur armement atomique. Sans oublier la Corée du Nord…
Entre 2022 et 2023, la Chine a fait passer de 350 à 410 le nombre de ses têtes nucléaires, contre 3 708 pour les États-Unis et 4 489 pour la Russie, selon le SIPRI. Le Pentagone estime que Pékin pourrait doubler son arsenal d’ici à 2027.
La politique expansionniste de la Chine inquiète ses voisins, à commencer par Taïwan, que Pékin souhaite ramener le plus vite possible dans son giron. Mais le Japon, traditionnellement un « nain militaire », s’est aussi lancé dans un programme de réarmement ambitieux. Ses dépenses militaires ont augmenté de 5,9 % en 2022 pour atteindre 46 milliards de dollars.
"Le Japon connaît un profond changement dans sa politique militaire", indique Xiao Liang, chercheur au SIPRI. "Les restrictions d’après-guerre que le Japon a imposé à ses dépenses et à ses capacités militaires semblent se relâcher."
"L’augmentation continue des dépenses militaires mondiales ces dernières années est un signe que nous vivons dans un monde de moins en moins sûr", souligne Nan Tian, chercheur senior au SIPRI. "Les États renforcent leur puissance militaire en réponse à une détérioration du contexte sécuritaire, dont ils n’anticipent pas l’amélioration dans un avenir proche".
Guerre en Ukraine, tensions en Asie-Pacifique, hausse des dépenses militaires et du nombre d’armes nucléaires… le monde actuel est de plus en plus incertain et les menaces de conflit armé n’ont jamais été aussi élevées depuis la fin de la Guerre froide. Espérons que des solutions pacifiques pourront être trouvées pour préserver la sécurité du monde et des populations !