La montée de l’extrême-droite en France : une tendance de fond qui a culminé lors des élections de 2024
Avec 126 députés élus (143 en comptant ses alliés) dans la nouvelle Assemblée nationale, le Rassemblement national (RN) affiche un niveau inédit lors d'une élection nationale en France.
Avec plus de 30 % des voix, la liste conduite par Jordan Bardella était arrivée en tête des élections européennes pour la troisième fois consécutive en France le 9 juin dernier. Sa nette avance devant ses poursuivants avait poussé le président de la République à convoquer des élections législatives anticipées.
En réalité, la montée des courants d’extrême-droite en France est une tendance de long terme qui s’est développée depuis plusieurs décennies pour culminer dans les années 2020. Un bref retour en images.
À la Libération, les mouvements de droite traditionaliste sont déconsidérés dans l’opinion à cause de leur participation au régime de Vichy et à la collaboration avec l’Allemagne nazie.
Dans les années 1950, Pierre Poujade lance un parti, qualifié de « poujadiste », qui défend les petits commerçants et le maintien des colonies. Il parvient à faire élire plusieurs députés, dont un certain Jean-Marie Le Pen.
Dans les années 1970, le même Le Pen fédère les différents mouvements nationalistes au sein d’un nouveau parti, le Front national (FN). Le père de Marine Le Pen se présente pour la première fois aux élections présidentielles en 1974.
Dans les années 1980 où la gauche est au pouvoir, le FN connaît une rapide ascension : après une percée aux élections cantonales de 1982 et municipales de 1983, ce parti réalise plus de 10 % aux européennes de 1984.
Longtemps marginalisé, Le Pen apparaît de plus en plus souvent dans les médias audiovisuels, sans opposition du président François Mitterrand qui souhaite gêner la droite. Son passage dans l’émission politique « L’heure de vérité » en 1984 est particulièrement remarqué.
Aux élections législatives de 1986, le leader du FN fait son retour à l’Assemblée nationale, trente ans après sa première élection. Profitant de l’introduction d’une dose de proportionnelle, son parti obtient un nombre record de 35 députés.
Aux élections présidentielles de 1988 et 1995, Jean-Marie Le Pen obtient autour de 15 % des suffrages. Malgré sa « diabolisation » médiatique, le FN s’installe durablement comme un parti qui compte dans le paysage politique français.
Aux présidentielles de 2002, Le Pen obtient près de 17 % des voix et se qualifie pour le second tour devant le Premier ministre et candidat socialiste Lionel Jospin, ce qui provoque un choc dans la société française. Après des manifestations massives durant l’entre-deux-tours, le président sortant Jacques Chirac l’emporte finalement sur le score record de 82 %.
En 2011, Marine Le Pen succède à son père à la tête d’un parti en relative perte de vitesse, avec une ambition plus affirmée de conquête du pouvoir.
Le plan est simple : « dédiaboliser » le parti en évinçant ses figures les moins fréquentables et en abordant des thématiques plus consensuelles que l’immigration. Conseillée par Florian Philippot, issu de la gauche, elle exploite à son compte la crise sociale qui sévit dans le pays.
Par ailleurs, la montée en puissance sur internet d’influenceurs d’extrême-droite plus jeunes et avec une image plus « tendance » a contribué à sortir ce courant d’idées de la marginalité auprès d’une large partie de la population.
Ce travail de longue haleine paie, puisque Marine Le Pen parvient au second tour de la présidentielle en 2017, et de nouveau en 2022, où elle obtient 41,45 % des suffrages (plus de 13 millions de voix) contre Emmanuel Macron.
Profitant de l’éclatement de la gauche et de la droite classiques, le FN devenu RN (Rassemblement national) obtient 89 députés en 2022, s’installe comme l’opposition numéro 1 au chef de l’État et se pose naturellement en recours pour une éventuelle alternance.
Par ailleurs, l’irruption de Reconquête, le parti du polémiste Éric Zemmour, obsédé par les questions identitaires et migratoires, a permis au RN de se recentrer et de se normaliser auprès de l’électorat. Un atout précieux pour un parti qui a la prétention de gouverner.
Malgré un résultat historique, les élections législatives de 2024 marquent un coup d'arrêt pour ce parti qui espérait obtenir la majorité nécessaire pour gouverner. Les années qui viennent nous diront si le RN a atteint son plafond ou s'il poursuit sa marche vers l'avant.