La multiplication des partis politiques : un phénomène irréversible en France ?
Le phénomène n’a échappé à aucun observateur de la vie politique française : le spectre politique est de plus en plus éclaté et une multitude de petits partis apparaissent, brouillant la vision d’ensemble. Quelle est l’origine de cette évolution et quelles en sont les conséquences ? La réponse en images.
La nature ayant horreur du vide, les nouveaux partis émergent dans un contexte de déclin des grandes formations militantes qui avaient structuré la vie politique de l’après-guerre, notamment les partis communiste, socialiste et gaulliste.
Ce déclin est lui-même causé par une désertion de la vie militante traditionnelle et par une disparition des grands récits idéologiques, dont le communisme a été l’exemple le plus marquant au XXe siècle.
De rassemblement en scission, les partis politiques mutent, se divisent, se regroupent et finissent par former un paysage de plus en plus illisible pour les citoyens. En voici un bref état des lieux.
Choqué par la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002, Jacques Chirac avait imposé une fusion des deux grands partis de centre et de droite modérée, l’UDF et le RPR. La nouvelle entité, baptisée UMP (Union pour un mouvement populaire) devait rassembler sous une seule bannière les gaullistes, les centristes et les libéraux.
Mais François Bayrou et quelques autres restent à l’UDF, avant que certains d’entre eux ne rejoignent Nicolas Sarkozy en 2007, formant par la même occasion le Nouveau centre, tandis que l’UDF devenait le Modem (Mouvement démocrate). Quelques années plus tard, le Nouveau centre et d’autres formations de centre-droit fusionnent pour créer l’UDI, alliée de l’UMP.
À gauche, la rupture de Jean-Luc Mélenchon avec le Parti socialiste à la fin des années 2000 a acté le début d’une longue division. La nouvelle formation du futur candidat à la présidentielle, le Parti de gauche, s’allie avec le Parti communiste dans l’espoir de marginaliser les socialistes.
L’élection d’Emmanuel Macron a accéléré le processus d’éclatement de la scène politique. Le nouveau parti La République en marche rassemble des anciens du Parti socialiste et du centre-droit. Et certaines personnalités de droite ont rallié la majorité en créant de nouveaux partis comme Agir, Libres, ou Horizons.
Alors que le clan Le Pen a longtemps incarné une contestation unifiée à l’extrême-droite de l’échiquier politique, Éric Zemmour et son nouveau parti Reconquête ont doublé le RN sur sa droite en tenant un discours très dur sur l’immigration. Ce qui a permis à Marine Le Pen de s’afficher comme une candidate plus présentable lors de la présidentielle de 2022.
Un autre facteur de brouillage est la tendance accélérée au changement de nom des formations politiques : le Parti de gauche est devenu la France insoumise, le Front national le Rassemblement national, l’UMP a été renommée Les Républicains et La République en marche s’appelle à présent Renaissance. Seul le PS n’a pas changé de nom, mais son poids électoral est désormais très faible.
Une évolution notable des dernières décennies est l’émergence de partis thématiques. Les précurseurs ont été Lutte ouvrière (défense des ouvriers), Les Verts (écologie) et Chasse Pêche Nature et Traditions. Mais de plus en plus de partis monothématiques apparaissent, comme le Parti animaliste.
Pour le politologue Rémi Lefebvre cité par ‘Slate’, « les manières de s'engager ont changé. On milite davantage pour des causes sectorielles (manifestations pour le climat, antiracisme…), et moins dans des grands partis généralistes et universalistes. » Plus qu’un grand changement hypothétique, les citoyens d’aujourd’hui préféreraient des avancées concrètes sur des sujets précis.
Qu’en est-il à l’étranger ? La constellation politique semble plus stable dans de nombreux pays, avec par exemple le bipartisme entre Démocrates et Républicains aux États-Unis, ou entre Travaillistes et Conservateurs au Royaume-Uni.
Mais la plupart des pays occidentaux voient se multiplier les nouveaux partis, même à un rythme moins soutenu qu’en France. En Allemagne, le duopole entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates est menacé par des partis plus récents comme l’AFD (extrême-droite) et Die Linke (extrême-gauche), mais aussi par la montée en puissance des Verts.
Aux Pays-Bas, le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB) créé en 2019 a connu un grand succès aux élections régionales de 2023. Deux ans plus tôt, sa dirigeante Caroline van der Plas élue députée arrivait au Parlement en tracteur avec une idée claire en tête : faire entendre la voix des agriculteurs et des habitants oubliés des campagnes. Quitte à prendre des accents populistes…
En France comme ailleurs, la vie politique paraît plus émiettée que jamais, avec une apparition et une disparition accélérées des partis politiques et de leurs leaders. C’est désormais l’impression d’une instabilité généralisée qui domine, alors que l’abstention progresse inexorablement à chaque élection.
Ces mutations reflètent-elles une crise plus générale des institutions ? Alors que la France sort tout juste d’une crise sociale particulièrement aiguë à l’occasion de la réforme des retraites, la confiance entre les citoyens et leurs représentants n’a jamais paru aussi faible. Espérons que de nouveaux visages permettront de rétablir le lien démocratique !