La Pologne traverse sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie
Chaos institutionnel, arrestations d’hommes politiques, manifestations… la Pologne traverse sa plus grave crise politique depuis le retour de la démocratie dans le pays à la fin de la Guerre froide. On fait le point.
Latentes depuis plusieurs années, les tensions se sont brutalement aggravées avec l’arrestation mardi 9 janvier de deux anciens députés du PiS, le parti national-conservateur battu aux élections législatives de 2023.
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L’un d’entre eux n’est autre que Mariusz Kaminski, le ministre de l’Intérieur du précédent gouvernement (sur la photo), qui a entamé une grève de la faim en guise de protestation.
Les deux hommes avaient été condamnés pour abus de pouvoir à une peine de prison ferme en octobre 2023, pour des faits remontant à l’époque où ils coordonnaient des activités anti-corruption. Mais cette décision de justice a été interprétée comme une vengeance politique par le PiS.
L’intervention des forces de l’ordre a pris un tour spectaculaire, car l’arrestation a eu lieu dans le palais présidentiel où ils avaient été invités à se réfugier par le chef de l’État, lui-même membre de ce parti.
Cette double arrestation a entraîné immédiatement une vague de protestations. Selon ‘Euronews’, des partisans du PiS ont manifesté devant le commissariat de police en dénonçant une « dictature ».
Certains hommes politiques du même bord ont pris le relais, tentant sans succès de s’introduire dans le commissariat, et même dans une prison.
En réalité, cette affaire manifeste la fracture politique profonde qui parcourt la Pologne, entre un camp conservateur et nationaliste d’un côté, et un parti libéral et pro-européen de l’autre.
Cette division du pays est particulièrement aiguë depuis que les deux camps se partagent la tête de l’État. Un bras de fer a lieu entre Andrzej Duda, le président de la République (à gauche sur la photo), et Donald Tusk (à droite), le Premier ministre centriste revenu au pouvoir en décembre 2023.
Les deux chefs se renvoient mutuellement la responsabilité de la situation actuelle. Cité par ‘Les Échos’, Donald Tusk a dénoncé un « chaos juridique sans précédent » créé par le PiS qui avait gouverné le pays de 2015 à 2023.
‘Euronews’ rappelle que le gouvernement national-conservateur avait largement affaibli le fonctionnement de la justice, ce qui avait même valu à la Pologne d’être condamnée par Bruxelles.
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Cité lui aussi par ‘Les Échos’, Andrzej Duda s’est déclaré « profondément choqué » par l’arrestation de ses anciens soutiens, dont il a demandé la remise en liberté.
« La crise politique et constitutionnelle est en réalité ouverte depuis plus de dix ans. », analyse Jaroslaw Szczepanski, professeur de sciences politiques à l'université de Varsovie, cité par le quotidien économique.
« Elle se durcit un peu plus chaque année, signe d'une polarisation croissante du pays, comparable à ce qu'on constate aux États-Unis notamment », ajoute l’universitaire. La jeune démocratie polonaise est-elle en danger ?
En attendant, le PiS a organisé une manifestation le jeudi 11 janvier pour protester contre ce qu’il considère comme un abus de pouvoir de la majorité actuelle.
La Pologne est donc en proie à une profonde crise politique, révélatrice des fractures de l’opinion publique. Cependant, l’excellente santé économique du pays et son soutien à l’Ukraine depuis 2022 sont autant de signes d’optimisme pour la suite.
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Quelle sortie de crise peut avoir lieu à court terme ? La solution peut venir de la population, car, d’après Jaroslaw Szczepanski, « une majorité silencieuse s'inquiète de cette situation de crise permanente et aspire à l'apaisement ».
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