La retraite par capitalisation : une bonne idée ?
Le débat sur la réforme des retraites continue de faire rage en France. Mais au-delà de leurs divergences sur l’âge légal de départ, le gouvernement, les oppositions et les syndicats s’accordent sur la nécessité de maintenir le système par répartition instauré à la Libération.
Mais les détracteurs de ce modèle rappellent régulièrement qu’il fonctionne comme un schéma de « Ponzi » dont les engagements nécessitent un accroissement continu des recettes. Un pari risqué alors que la population active ne cesse de se réduire par rapport au nombre de retraités
Afin de maintenir l’équilibre financier du système, plusieurs réformes depuis 1993 ont joué sur différents leviers : allongement de la durée de cotisation et relèvement de l’âge de départ, hausse des cotisations et baisse du montant des pensions par une modification du mode de calcul. Mais aucun changement de modèle n’a jamais été réellement envisagé par les pouvoirs publics.
L’hypothèse d’un changement de système afin d’introduire une part plus importante de capitalisation est peu évoquée dans le débat public et ce modèle reste largement méconnu des Français. Mais que savez-vous au juste de la retraite par capitalisation ? Une présentation en images.
En quoi consiste exactement la capitalisation ? Son principe repose sur l’accumulation d’un capital individuel par les cotisants, tandis que la répartition est basée sur la solidarité entre générations.
Dans un système par capitalisation, les retraites sont gérées par des entités juridiques nommées « fonds de pension ». L’accumulation de provisions et de capital sécurise leurs engagements auprès des futurs retraités. Et l’investissement de l’actif sur les marchés financiers leur permet de faire fructifier le capital et de verser des pensions plus élevées.
La répartition et la capitalisation sont souvent opposées dans le discours politique. Mais en France comme dans d’autres États, il s’agit le plus souvent de deux composantes d’un système hybride, dont les proportions varient d’un pays à l’autre.
Dans la plupart des pays européens, le système de retraites repose sur trois piliers : un régime de base et un régime complémentaire, tous deux financés par répartition et obligatoires, et des régimes supplémentaires facultatifs, souvent financés par capitalisation. Les deux modèles ne sont donc pas incompatibles dans un système mixte.
En France, la loi Fillon de 2003 a permis aux actifs de cotiser à des retraites supplémentaires fonctionnant par capitalisation. Une possibilité qui était réservée aux agents publics auparavant.
L’univers de la capitalisation est très varié en France malgré la prépondérance du système par répartition : fonds de pension « Préfon », contrats « Madelin » pour les travailleurs non-salariés, retraite additionnelle de la fonction publique sous forme de fonds de pension, plans d’épargne retraite divers…
Mais cette diversité ne doit pas faire oublier que la part de la capitalisation est très faible en France par rapport à certains autres pays développés. Selon un article de l’économiste Philippe Trainar dans la ‘Revue d’économie financière’, les contributions à des plans de retraite par capitalisation ne représentaient que 0,6% de la richesse nationale en 2017, contre 5,3% aux États-Unis et 8,4% en Suisse.
Ainsi, la part de la capitalisation dans le total des pensions versées est marginal en France, alors qu’elle représente 60% du total ou plus dans certains pays comme l’Islande, les États-Unis, la Corée du sud ou l’Australie.
L’immense patrimoine financier accumulé par les fonds de pension étrangers leur a permis de racheter des entreprises françaises. Le système de retraite par capitalisation représente donc un avantage réel pour le financement de l’économie.
Comment expliquer la réticence de la population et de la classe politique françaises à l’égard de la capitalisation ? Cette crainte vient de loin, lorsque la crise de 1929 et l’inflation avaient considérablement réduit la valeur des placements. Et la crise de 2008 a réactivé la méfiance à l’égard d’un système qui dépend en partie des performances des marchés financiers.
Par ailleurs, certains économistes comme Thomas Piketty ont montré que la capitalisation accroissait tendanciellement les inégalités de revenu et de patrimoine. En effet, la hausse des marchés profite davantage à ceux qui disposent d’un capital important à l’origine.
Alors, quel choix faut-il faire pour conserver l’équilibre financier du système de retraites tout en garantissant le pouvoir d’achat des pensionnés ? S’il paraît impensable de faire table rase en France, la capitalisation reste une option intéressante pour compléter la retraite de base financée par répartition.