La note de la France laissée inchangée par les agences de notation : du répit pour les finances publiques françaises ?
Malgré les avertissements qu'elles avaient lancés sur une possible dégradation de la note de la France, les agences de notation Moody's et Fitch ont maintenu inchangée leur évaluation des finances publiques du pays le 26 avril dernier.
Prenant acte de perspectives stables et d'un faible risque de défaut, les deux instituts ont conservé la note qu'ils avaient attribuée à la France, respectivement Aa2 et AA-.
« Je prends note de la décision des agences Fitch et Moody’s de maintenir inchangée la notation de la dette souveraine de la France », a déclaré dans la foulée le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, cité par 'Le Monde'.
« Cette décision doit nous inviter à redoubler de détermination pour rétablir nos finances publiques et tenir l’objectif fixé par le président de la République : être sous les 3% de déficit en 2027 », a-t-il ajouté.
En effet, la situation financière du pays reste préoccupante. Dans son dernier rapport sur les finances publiques de la France, la Cour des comptes avait tiré la sonnette d’alarme en début d'année.
« Nous avons le plus haut taux de dépenses publiques de la zone euro, le plus haut taux de prélèvement obligatoire de la zone euro, un des plus hauts taux de dette publique, et un déficit parmi les plus élevés », avait déclaré le premier président de la juridiction financière, Pierre Moscovici, sur ‘France Culture’.
L’ancien ministre socialiste avait évoqué des « déficits élevés » et « une dette publique qui a augmenté de 800 milliards d'euros depuis 2018 » sur les ondes de cette radio.
Pour rappel, l’État français n’a plus présenté de budget à l’équilibre ou en excédent depuis 1973, ce qui signifie qu’il vit à crédit depuis 50 ans.
Conséquence de ces déficits accumulés, la dette publique française s’élevait fin 2023 à 3 088,2 milliards d’euros, soit 111,7% du produit intérieur brut (PIB), selon l’Insee.
À noter que la dette ne se limite pas au seul État, puisque ce montant inclut celles de la Sécurité sociale et des collectivités (mairies, départements, régions), avec un total d’environ 250 milliards d’euros pour chacun de ces deux secteurs, toujours selon l’Insee.
Pour 2024, la Cour des comptes a jugé peu réaliste l’hypothèse initiale du gouvernement de 1,4% de croissance économique, révisée à la baisse depuis. Or, moins de croissance signifie moins de recettes fiscales et plus de dépenses sociales.
Par conséquent, l’objectif d’un déficit de 4,4% du PIB semble difficile à atteindre pour cette année.
Le ministère des Finances a pourtant annoncé une baisse de 10 milliards des dépenses publiques au mois de février. Des mesures « impératives », mais susceptibles de ne pas être « suffisantes pour maintenir la trajectoire du déficit », selon Pierre Moscovici, cité par ‘France 24’.
Afin de respecter ses engagements européens, la France doit ramener son déficit public à 3 % du PIB à l’horizon 2027. Un objectif qui a déjà été reporté plusieurs fois au fil des crises successives (crise financière, pandémie de Covid-19).
Le gouvernement s’est donc engagé à trouver 20 milliards d’euros d’économies supplémentaires en 2025, et un total d’économies de 50 milliards d’ici à 2027.
Les choix à opérer sont particulièrement complexes, car le ralentissement économique actuel amenuise les recettes fiscales, tandis que les besoins de dépenses supplémentaires ne cessent d’augmenter.
Entre le vieillissement de la population et les investissements à réaliser dans le secteur sanitaire à la suite de la pandémie, les dépenses de santé et de retraite devraient augmenter dans les prochaines années.
Par ailleurs, l’actualité récente a révélé le besoin de crédits supplémentaires pour des missions essentielles de l’État, comme l’armée, la police, la justice ou l’éducation.
Enfin, la transition écologique impose des investissements publics à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Autant de facteurs de hausse des dépenses qui vont rendre délicat le retour à l’équilibre des comptes publics !
Que faire alors ? « Nous sommes au pied du mur, nous ne pouvons plus différer l'effort, nous l'avons trop fait », a rappelé Pierre Moscovici sur ‘France Culture’.
Dans un entretien avec ‘Le Journal du dimanche’, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a déclaré qu’il souhaitait mettre fin à « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps ».
Ciblant notamment le fonctionnement de l’assurance-chômage, le ministre a indiqué qu’il souhaitait passer d’un « État-providence » à un « État protecteur » qui ne prend en charge que les besoins réels de la population.
Selon lui, « l'État-providence a fini par devenir une machine à empiler de nouvelles dépenses publiques, sans examen de leur pertinence ni de leur efficacité, sans remise en cause non plus des dépenses précédentes. » « Nous devons reprendre la maîtrise de ce système devenu incontrôlable », conclut-il.
Pour redresser les finances publiques, l’exécutif compte aussi sur le retour au plein-emploi, synonyme de moindres dépenses et de recettes fiscales plus élevées. Un objectif jugé inatteignable « à modèle social constant » par Bruno Le Maire, interrogé par ‘France Inter’.
Redresser les finances publiques sans trop mécontenter la population, tout en investissant davantage dans certaines missions de l’État : telle est désormais la mission impossible du gouvernement !
Le répit accordé par Moody's et Fitch à l'exécutif sera en tout cas de courte durée, car l'agence Standard and Poor's rendra quant à elle son verdict le 31 mai prochain.
Une dégradation de la note serait synonyme d'augmentation du coût du crédit sur les marchés financiers pour le gouvernement français, ce qui rétrécirait encore les marges de manœuvre financières du pays.
Comme le souligne Pierre Moscovici, les pouvoirs publics devront mener des « réformes ambitieuses » en faisant preuve de « courage et volonté politique ». Rendez-vous en 2027 pour voir les résultats !