Arrestations arbitraires en Russie : de plus en plus d'étrangers ciblés
Le 14 octobre dernier, la justice russe a condamné à trois ans de prison le ressortissant français Laurent Vinatier, jugé coupable de ne pas s’être déclaré aux autorités comme « agent étranger ». Il apparaît comme le dernier en date sur une longue liste d'arrestations arbitraires par la Russie...
Vinatier était employé par une ONG suisse, le Centre pour le dialogue humanitaire. Il a été frappé par la législation russe sur les « agents étrangers » qui impose de lourdes contraintes aux personnalités critiques de la politique du Kremlin.
Dans un communiqué cité par France Info, le ministère français des Affaires étrangères a exigé sa « libération immédiate », dénonçant « une condamnation d’une extrême sévérité ».
Le Huffington Post relève que, ces dernières semaines, Moscou a multiplié les procédures contre des journalistes étrangers, accusés d’avoir gagné le pays lors de l’offensive ukrainienne de Koursk, en territoire russe.
Parmi les personnes visées se trouvent l’Américain Nick Paton Walsh (CNN), les Italiens Simone Traini et Stefania Battistini (RAI), la correspondante de France 24 Catherine Norris Trent et le Suisse Kurt Pelda (CH Media).
Par ailleurs, la journaliste ukrainienne Victoria Rochtchina, qui enquêtait dans les territoires occupés par la Russie, est décédée en détention ce mois d’octobre 2024. Elle avait été arrêtée par les autorités russes en 2023.
Ces procédures et incarcérations à répétition s’inscrivent dans une longue série d’arrestations arbitraires commises par les autorités russes depuis plusieurs années.
Concrètement, le système consiste à monter de toutes pièces un dossier à charge contre un ressortissant étranger. Dans un second temps, la personne concernée est condamnée par un tribunal qui nie son innocence ou l’absence de preuve de sa culpabilité.
En 2017, un autre Français, Yoann Barbereau, avait été accusé en Russie de diffusion de fichiers p é d o p o r n o g r a p h i q u e s. Or, la diffusion avait eu lieu seulement après son arrestation.
La fabrication de fausses preuves « ne pouvait s’être faite qu’avec la complicité de la police, donc j’ai compris très vite que cela ne servait à rien d’argumenter », se souvient Barbereau, qui a fini par fuir le pays, cité par TF1.
En réalité, ces arrestations font partie d’un procédé classique. Interrogée par TF1, l’ancienne ambassadrice de France en Russie, Sylvie Bermann (au centre sur la photo), indique qu’il s’agit d’une « monnaie d’échange afin de récupérer certains de leurs ressortissants » emprisonnés à l’étranger.
Déjà utilisée à l’époque soviétique, cette méthode est en plein essor depuis le début de la guerre en Ukraine, qui s’est accompagnée d’une nette dégradation des relations entre la Russie et l’Occident, rappelle la chaîne d’information.
Ainsi, le trafiquant d’armes russe Viktor Bout a pu être rapatrié fin 2022 en échange de la libération de la basketteuse américaine Brittney Griner, elle-même arrêtée en Russie.
Alors qu’elle venait de s’engager dans un club russe, la sportive a été arrêtée dès son arrivée à l’aéroport de Moscou, en février 2022, puis incarcérée pour détention de cartouches de vapotage contenant de l’huile de c a n n a b i s.
Alors que la Russie avait envahi l’Ukraine entretemps, l’Américaine a été condamnée en août 2022 à neuf ans de prison pour trafic de stupéfiants. Son appel a été rejeté par la justice russe. Elle n’a finalement pu être libérée qu’à condition de servir de monnaie d’échange.
« Ce genre d’acte implique directement la décision du président russe qui l’utilise comme un moyen d’intimidation ou comme un levier sur les États avec lesquels le Kremlin est en conflit », précise Vera Grantseva, une politologue spécialiste de la Russie, pour TF1.
Le Monde relève que plusieurs pays ou territoires ont récemment adopté une législation calquée sur la loi russe sur les agents étrangers : la Géorgie, l’Abkhazie, le Kirghizstan, et même des États-membres de l’Union européenne, comme la Hongrie et la Slovaquie.
À moins de livrer des criminels russes emprisonnés sur leur sol, les démocraties restent relativement impuissantes face aux arrestations arbitraires commises par la Russie. La France n’a encore pu entreprendre aucune action décisive pour faire libérer Laurent Vinatier.