Le canal de Panama face au changement climatique : un carrefour mondial en péril
Artère centenaire du commerce mondial, le canal de Panama a récemment dû réduire le nombre de bateaux qui y transitent à cause d’événements climatiques. Que se passe-t-il ?
« Dans le cadre d'un phénomène mondial, le canal a connu au cours des six derniers mois une saison sèche prolongée avec des niveaux élevés d'évaporation », déclarait l'autorité du canal de Panama en juillet 2023, citée par Reuters. Depuis, la situation n'a fait que s'aggraver.
L’ensemble du Panama est en effet frappé par une vague de sécheresse depuis 2023, ce qui diminue le débit du lac artificiel Gatun qui alimente l’infrastructure, indique Géo.
En juillet 2023, le nombre de navires autorisés à transiter a été limité à 32 par jour, contre 35 à 36 habituellement en cette saison, rappelle l’agence de presse américaine. Si depuis le 5 août 2024, les autorités panaméennes ont relevé la limite à 36, le problème demeure car le canal manque d'eau.
Lorsque des restrictions s'appliquent, tous les bateaux ne peuvent pas passer, ou sont contraints à de longues périodes d'attente. Par conséquent, certaines embarcations se voient obligées de prendre un long détour, par exemple en contournant le cap Horn. Avec des conséquences significatives sur les délais de livraison, le prix des marchandises, mais aussi sur les émissions de gaz à effet de serre.
Ces sécheresses récurrentes en Amérique centrale sont liées au dérèglement climatique qui frappe particulièrement les régions tropicales. En plus des écosystèmes naturels, c’est le commerce mondial qui est durablement menacé.
Reliant les océans Atlantique et Pacifique, le canal de Panama a révolutionné le commerce maritime et conserve une importance stratégique de nos jours, rappelle Paul Tourret, le directeur de l’Institut Supérieur d’Économie Maritime (ISEMAR), cité par France Culture.
Rappelant que les bateaux étaient auparavant « contraints de passer sous le continent africain et sous le continent américain », le spécialiste indique que « la construction du canal de Suez en 1869 et du canal de Panama en 1914 ont résolu ces problèmes en créant une grande circulation au centre de la Terre », facilitant « le transport maritime et la globalisation des flux ».
En janvier 2024, alors que le canal de Suez était directement ciblé par les Houthis, celui de Panama a été frappé par le phénomène climatique El Niño.
El Niño « prive d’eau le nord de l’Amérique centrale. Le canal de Panama voit son réservoir d’eau baisser en raison de l’absence d’intempéries. Ainsi, une vingtaine de bateaux seulement peuvent transiter par jour, ce qui crée des queues considérables », explique Paul Tourret.
Dans le détail, le nombre de porte-conteneurs qui passent par ce canal était tombé à 24 par jour en janvier 2024 avant de remonter à 27 fin mars, contre une capacité quotidienne habituelle de 40.
Outre le dérèglement climatique, la pénurie d’eau est en partie liée aux travaux effectués pour pouvoir faire passer les plus gros porte-conteneurs.
« Chaque passage nécessite dorénavant l'équivalent de 76 piscines olympiques d'eau douce », souligne France Culture, qui rappelle que « ces lacs alimentent aussi en eau potable plus de quatre millions de Panaméens ».
D’après la CNUCED, l’entité de l’ONU en charge du développement économique, le nombre de navires en transit par le canal de Panama aurait chuté de 49 % en janvier 2024 par rapport à son apogée de décembre 2021.
Si les consommateurs ont été faiblement touchés à ce stade, le canal de Panama conserve un poids non négligeable dans les flux de transport maritime, puisqu’environ 3 % du commerce international y transitent.
Les difficultés du canal de Panama ne sont pas sans conséquences pour les pays de la côte ouest du continent américain. Selon la CNUCED, plus de 25 % du commerce extérieur de l’Équateur et 22 % de celui du Pérou et du Chili dépendent de ce point de passage – un chiffre qui s’élève à 12 % pour les États-Unis.
Tensions géopolitiques, phénomènes climatiques, impact sur les pays riverains : au Panama comme ailleurs dans le monde, les canaux sont fragilisés en tant que voies maritimes. La CNUCED appelle à « des efforts collectifs pour trouver des solutions durables ».