Le convoi de la liberté : histoire d'un mouvement de protestation, du Canada à la France
Vous avez forcément entendu parler du convoi de la liberté, ce mouvement de protestation des camionneurs parti du Canada qui s’est récemment étendu à la France, avec une manifestation à Paris le week-end dernier ? De quoi s’agit-il exactement ? Découvrons-le ensemble en images.
C’est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Alors que les chauffeurs de poids lourds canadiens étaient dispensés de quarantaine lorsqu’ils traversaient la frontière avec les États-Unis, le gouvernement canadien a décidé d’interdire l’entrée du pays par voie terrestre aux non-vaccinés. De quoi compliquer les chaînes d’approvisionnement dans un contexte déjà tendu pour le commerce international.
Cette décision a entraîné une réaction inattendue. Les camionneurs ont décidé de venir protester avec leurs véhicules à Ottawa, la capitale du pays, en se regroupant dans plusieurs convois venus de différentes régions du Canada : le début des convois de la liberté.
En dépit de la condamnation du Premier ministre canadien Justin Trudeau et l’absence de soutien d’une partie de la profession, les premiers convois sont partis le 22 janvier…
Malgré des interdictions de manifester, les convois sont arrivés à Ottawa le 29 janvier et des milliers de personnes se sont rassemblées. Les revendications s’étendent rapidement au-delà de la fin de l’obligation vaccinale : les manifestants réclament la levée de l’ensemble des mesures sanitaires.
La manifestation dans le centre d’Ottawa déborde rapidement. Des magasins doivent fermer à cause de l’agressivité de la foule. La statue de Terry Fox, athlète canadien et militant pour la recherche contre le cancer, est dégradée, ce qui suscite l’indignation générale. De nombreuses personnes se sont plaintes de harcèlement.
Mais le mouvement s’intensifie début février. Malgré une première série d’arrestations, les camionneurs ne quittent pas Ottawa et manifestent encore plus nombreux le samedi 5 février. D’autres manifestations de soutien au convoi de la liberté ont lieu dans plusieurs villes canadiennes, comme Toronto, Québec ou Vancouver.
Face à cette situation inédite, le maire d’Ottawa Jim Watson décrète l’état d’urgence le 6 février. Il interdit de ravitailler en carburant les camionneurs présents sur place et fait réquisitionner des bidons d’essence.
Des contre-manifestations ont lieu pour soutenir les mesures sanitaires et dénoncer les dégradations et les liens présumés du mouvement avec l’extrême-droite. Les personnels de santé soutiennent notamment les mesures sanitaires du gouvernement Trudeau. Une partie de la population s’inquiète également de la lenteur de la réaction de autorités.
Quoi qu’il en soit, le mouvement ne semble pas près de se terminer au Canada. D’autres convois sont partis de Montréal à Ottawa le 12 février. Des manifestants ont été arrêtés en possession d’armes à feu, ce qui laisse craindre une radicalisation de la protestation. Le 14 février, Justin Trudeau alors dans la tourmente a finalement décrété l’état d’urgence au niveau fédéral.
De nombreux mouvements se revendiquant des convois de la liberté ont essaimé à travers le monde. Aux États-Unis, un convoi en direction de la capitale Washington est prévu pour le 1er mars, avec le soutien affiché de Donald Trump, Elon Musk et d’autres figures conservatrices américaines.
En Australie, des manifestants qui se revendiquent du convoi de la liberté occupent la capitale Canberra depuis le 7 février. Une escalade de violence est redoutée car les protestataires sont déterminés à ne pas quitter les lieux. Le mouvement s’est aussi étendu à la Nouvelle-Zélande.
Plusieurs pays européens sont le théâtre de protestations similaires. Les camionneurs ont décidé de manifester en Autriche, malgré l’opposition des autorités, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Belgique, où des convois se rendent depuis Paris.
Bien évidemment, la France a aussi été touchée par le mouvement. À deux mois de l’élection présidentielle, des convois se sont rendus à Paris le 12 février malgré l’interdiction de manifester et les sanctions lourdes annoncées par la préfecture de police contre les contrevenants.
Certains manifestants sont parvenus à atteindre les Champs-Élysées mais ils ont été rapidement dispersés par la police qui avait prévu un dispositif efficace en amont. Plusieurs centaines de personnes ont été verbalisées.
Les membres français du convoi de la liberté exigent le retrait du pass sanitaire. Le mouvement regroupe d’anciens Gilets jaunes et des opposants traditionnels à Emmanuel Macron. Parmi les revendications, on retrouve notamment la baisse de la fiscalité sur les carburants, l’augmentation des salaires et l’instauration d’un référendum d’initiative populaire.
Certains observateurs ont cependant remarqué des différences entre les mouvements français et canadiens, notamment du fait que les chauffeurs de poids lourds peuvent circuler sans entrave dans l’espace de l’Union européenne. Cela explique la présence d’autres profils dans les manifestations, comme des anti-vaccins, des restaurateurs et des membres du collectif Anonymous.
Une grande partie de la classe politique française a condamné un mouvement qui porte atteinte à la liberté de circulation. Mais certaines personnalités comme Florian Philippot, Marine Le Pen, Éric Zemmour ou Adrien Quatennens de la France insoumise se sont montrées compréhensives ou enthousiastes.
Les manifestants français se sont ensuite dirigés vers Bruxelles, dans l’espoir d’une convergence avec les mouvements d’autres pays européens. Mais la journée ne s’est pas passée comme prévu : une partie des convois s’est acheminée vers Strasbourg, le siège du Parlement européen, la convergence avec les mouvements étrangers a été faible et les manifestations avec des véhicules ont été interdites dans la capitale belge.
Il est impossible de savoir pour le moment si le mouvement va continuer à prendre de l’ampleur ou au contraire s’essouffler dans les prochaines semaines. Alors que la situation reste critique au Canada, les manifestations en Europe ont été assez limitées. L’avenir dira s’il s’agit d’un feu de paille ou d’un mouvement de protestation durable.