Le "Guide du manifestant arrêté" : 10 précieux conseils à connaitre avant d'aller manifester
Les manifestations contre la réforme des retraites se sont multipliés ces dernières semaines en France. Des protestations souvent marquées par la violence, au cours desquelles beaucoup ont dénoncé des interpellations abusives.
Pour prémunir au mieux les manifestants qui pourraient se retrouver face aux forces de l'ordre, le Syndicat de la magistrature - marqué à gauche - a créé son "Guide du manifestant arrêté". Ce document de 20 pages rappelle les droits des manifestants, et leur donne de précieux conseils.
Ce guide, dont la première version remonte à 2005, a été mis à jour en 2019 et devrait encore évoluer prochainement. Il est divisé en cinq parties : "vous êtes contrôlé", "vous êtes arrêté", "vous êtes accusé", "vous êtes jugé en corruption immédiate", et "vous êtes fiché". Elles comprennent toutes des recommandations pour savoir comment agir au mieux dans chaque situation.
Si vous participez à une manifestation, il est important de toujours avoir une pièce d'identité sur soi. C'est un principe de base, que nous rappelle le "guide du manifestant arrêté", mais qui vous évitera d'être emmené au poste de police au moindre contrôle d'identité.
Le Syndicat de la magistrature rappelle qu'il faut rester toujours poli à l'égard des policiers lors d'un contrôle d'identité. "Ne les tutoyez pas, même s’ils vous tutoient", conseille-t-il. "Ne faites aucun geste violent à leur égard, n’essayez pas de vous soustraire au contrôle et ne résistez pas à votre interpellation". Cela pourrait en effet entrainer une procédure d'outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique.
Dans le cas où vous seriez emmené au commissariat pour une vérification d'identité, le Syndicat de magistrature rappelle que vous pouvez exiger une procédure écrite. "Une copie du procès-verbal de contrôle d’identité doit vous être remise après les 4 heures de la vérification, s’il n’y a pas de garde à vue à la suite. Exigez ce document. Avant de signer un procès-verbal, relisez-le attentivement." Vous pouvez demander à le modifier si vous n'êtes pas d'accord avec son contenu, et notamment vos déclarations qui y sont inscrites.
Si vous vous retrouvez en garde à vue, il vous est grandement recommandé de demander un avocat, quels que soient les faits qui vous sont reprochés. "Les enquêteurs essaieront peut-être de vous en dissuader au motif que cela rallongera votre garde à vue : ne vous laissez pas impressionner par ces intimidations et exigez la venue d’un avocat", avertit le "Guide du manifestant arrêté". Tant que votre avocat n'est pas arrivé, n'hésitez pas à faire valoir votre droit au silence.
Ce guide précise que si vous ne connaissez pas d'avocat, vous pouvez demander à en avoir un commis d'office. "Contrairement à une idée trop répandue, un avocat commis d’office n’est pas un avocat au rabais", précise le document.
Il arrive que des policiers incitent lourdement les accusés à avouer des faits pour "obtenir une décision plus avantageuse ou pour être plus rapidement remis en liberté", comme l'indique le Syndicat de magistrature. Mais cette pression émise sur l'accusé n'est en réalité pas légale. Une fois que des aveux sont inscrits dans un procès-verbal, il est "quasiment impossible" de faire marche-arrière et de revenir dessus. Si vous n'avez rien à voir avec les faits qui vous sont reprochés, réfléchissez et ne cédez pas à la pression.
Si vous êtes en garde à vue, n'oubliez pas qu'il vaut mieux garder le silence plutôt que mentir. En effet, comme le rappelle le document, vos propos seront tous recoupés et vérifiés par la police.
Si vous subissez des violences physiques ou morales pendant votre garde à vue, vous devez le mentionner à la fin de votre procès-verbal, au moment de le signer. Parlez-en à votre avocat et à un maximum de policier ou gendarmes présents. Vous aurez par la suite la possibilité de porter plainte, et de le signaler auprès du procureur de la République et de l'Inspection Générale de la Police Nationale directement via une plateforme en ligne.
Dans le cas où vous seriez arrêtés pour des violences contre des bien ou des personnes, ou pour outrages, et que vous souhaitez contester les accusations des policiers, il est préférable d'avoir les coordonnées de personnes présentes lors des faits reprochés. Elles pourraient témoigner en votre faveur. "Avant de manifester, ayez sur vous des petits papiers où vous avez écrit votre nom et votre téléphone, pour pouvoir les distribuer en urgence aux témoins au moment où la police vous emmène", conseille le Syndicat de la magistrature.
Dans le cas où vous seriez jugé en comparution immédiate, le Syndicat de la magistrature souligne qu'il est important de montrer au travailleur social chargé de l'enquête de personnalité que vous avez une situation professionnelle et familiale stable. "Cela ne pourra que jouer en votre faveur", indique le guide. N'hésitez pas à donner les coordonnées de celles et ceux qui pourront attester de votre situation.
Suite à votre arrestation, votre nom apparaitra dans les fichiers policiers et judiciaires. Mais le Syndicat de la magistrature nous informe qu'il est possible de demander, sous réserve du respect de certaines conditions, d'effacer votre nom du TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires), auprès du procureur de la République, par simple courrier. Cette demande peut être faite uniquement "en cas de relaxe, d’acquittement, de condamnation avec dispense de peine ou dispense de mention au casier judiciaire, de non-lieu ou de classement sans suite."
Interrogé par Libération, l'avocat William Bourdon juge cette liste de recommandations comme "utile" : "C’est d’autant plus pertinent de le faire circuler qu’on voit dans ce mouvement social une nouvelle génération qui n’a pas forcément l’habitude de manifester. Ils se retrouvent dans une nasse, puis parfois en garde à vue, et ils tombent de leur chaise. Ils sont totalement démunis face à un rouleau compresseur, et peuvent avoir l’impression qu’ils n’ont plus aucun droit. Ce guide permet de leur rappeler qu’ils ont des droits", estime-t-il.
Le quotidien français rapporte qu'à ce jour, la version PDF du "Guide du manifestant arrêté" a été téléchargé plus de 15 000 fois. Dans le contexte des manifestations contre la réforme des retraites, ce contenu rencontre en effet un immense succès chez les jeunes, et est de plus en plus partagé sur les réseaux sociaux.