Les agriculteurs français se mobilisent contre le traité de libre-échange entre l'UE et le Mercosur
Moins d'un an après les dernières manifestations, les agriculteurs français se mobilisent à nouveau dans tout le pays. En ligne de mire cette fois, un accord commercial controversé entre l'Union européenne et le Mercosur.
Les syndicats agricoles ont appelé les agriculteurs à se mobiliser au cours des prochaines semaines contre le traité de libre-échange UE-Mercosur. Ce lundi 18 novembre, plus de 80 points d'action ont été recensés en France, sur des routes, des rond-points et devant des bâtiments publics.
Sur BFM TV, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau (photo) a souligné que l'objectif de cette mobilisation n'est pas de 'bloquer" les Français, mais plutôt de mettre en lumière la "situation d'urgence, dramatique dans certains endroits" de l'agriculture française.
Les discussions autour de ce projet de libre-échange ont débuté en 1999. Après vingt ans de négociations, un accord politique a été signé en 2019 entre l'UE et le Mercosur. Mais l'opposition de plusieurs pays, dont la France, a bloqué son adoption. Pour entrer en vigueur, cet accord doit encore être ratifié par chaque État membre de l'UE et le Parlement européen.
Ce traité de libre-échange entend supprimer la majorité des droits de douane entre les deux zones économiques, et ainsi élargir le marché européen aux produits latino-américains. Pour rappel, le Mercosur regroupe le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et la Bolivie.
"Les produits du Mercosur dont les droits de douane seront réduits, voire éliminés, seront de 99.000 tonnes maximum pour la viande bovine, soit 1,6% de la production de l’UE. Pour la viande porcine, ce sera 25.000 tonnes (0,1% de la production de l’UE), pour les volailles 180.000 tonnes (1,4%), le sucre 190.000 tonnes (1,2%)", explique Le Figaro. Des "petits volumes", du point de vue de Bruxelles, qui pourraient tout de même déstabiliser certaines filières agricoles en Europe.
Selon la Commission européenne, cet accord de libre-échange offrirait de nouvelles opportunités pour les produits européens, dont certains sont aujourd'hui soumis à de lourdes taxes. L'Espagne, par exemple, soutient ce projet, espérant en tirer avantage pour l'exportation de son vin et de son huile d'olive.
Si cet accord profiterait aux viticulteurs français et au secteur des spiritueux, les éleveurs bovins, en revanche, seraient lourdement pénalisés par une arrivée massive de viande en provenance du Brésil et de l'Argentine, champions de l'élevage. Cette concurrence accrue pourrait fragiliser leur position sur le marché.
"Tout produit du Mercosur doit respecter les normes strictes de l’UE en matière de sécurité alimentaire", assure Bruxelles, bien que les "conditions de production" ne seront pas forcément les mêmes d'un continent à l'autre.
Les opposants à cet accord demandent des "clauses miroirs" pour que les agriculteurs sud-américains soient soumis aux mêmes normes sociales, environnementales et sanitaires que les Européens, afin de préserver une concurrence équitable.
"En volaille, c'est plus de 180 000 tonnes qui viendront inonder le segment de marché du blanc de poulet. En maïs, 70 molécules interdites en France sont autorisées au Brésil et pourtant les vraquiers déverseront la marchandise dans les ports européens !", s'indignent des agriculteurs du Bas-Rhin dans un communiqué.
La question de la déforestation est aussi au cœur des préoccupations. Les experts craignent que cet accord commercial n'aggrave la déforestation en Amazonie, notamment pour l'expansion des zones d'élevage. L'intensification de la production bovine s'accompagnerait aussi d'une augmentation des cultures de soja, destinées à l'alimentation animale.
Plus que jamais, l'UE priorise le commerce au détriment de la préservation de notre planète. Une loi anti-déforestation, visant à interdire la commercialisation en Europe de produits provenant de terres déboisées après décembre 2020 (dont le café, le soja et le cacao), devait entrer en vigueur à la fin de l'année 2024. Sous la pression du Brésil, des États-Unis et de l’Allemagne, son application a finalement été repoussée d'un an. Par ailleurs, la loi a été assouplie par la droite et l'extrême-droite au Parlement européen, le 14 novembre dernier.
Comment le gouvernement français compte-t-il gérer la colère de ses agriculteurs ? Dimanche 17 novembre, des éleveurs se sont mobilisés en région parisienne, munis de pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Macron, si tu vas à Rio, n'oublie pas tes péquenots". Le président français est en effet en voyage au Brésil pour participer au sommet du G20.
Emmanuel Macron a assuré qu'il s'opposait fermement à cet accord commercial "en l'état". Depuis Rio de Janeiro, le président a estimé que "le texte repose sur des préalables qui sont caducs".
Selon le chef de l'État, d'autres pays pourraient rejoindre la position française. "Depuis plusieurs mois, plusieurs années, on travaille. On réunit, on rassemble", a-t-il indiqué. L'Italie, la Pologne, l'Autriche et "d'autre pays européen" partageraient les mêmes préoccupations que la France.
Mais pour bloquer l'accord de libre-échange, Emmanuel Macron devra réunir une minorité au s e i n de l'Union européenne. La France devra rallier au moins trois autres pays qui devront être suffisamment peuplés pour réunir 65 % de la population de l'UE. La mission s'annonce compliquée.