Les cas d'écolières empoisonnées se multiplient en Iran
Depuis la fin du mois de novembre, les cas d'empoisonnements se multiplient dans les écoles iraniennes. Des centaines de jeunes filles, écolières, collégiennes et lycéennes, sont visées par des attaques au gaz. Un terrible phénomène qui pourrait être lié à la place des femmes dans les récentes manifestations organisées dans le pays, selon des spécialistes.
Officiellement, le premier cas d'intoxication d'élèves a été signalé dans la ville de Qom, au sud-ouest de Téhéran. Selon la BBC, 18 fillettes âgées d'environ 10 ans ont dû être emmenées à l'hôpital le 30 novembre 2022, après être tombées gravement malades.
Depuis cette date, plus de 50 établissements ont été visés par ces attaques, d'après les chiffres du décompte officiel de Téhéran.
Dimanche 5 mars, de nouveaux cas d'intoxications au gaz ont été signalés dans l'ouest de l'Iran. L’agence de presse étatique Isna rapporte que des jeunes filles ont été empoisonnées dans deux lycées de filles, à Abhar et Ahvaz et dans une école primaire de Zanjan.
Les empoisonnements se font par voie respiratoire. Les jeunes Iraniennes décrivent une odeur "désagréable", leur provoquant des nausées, des maux de gorge, des vertiges, des difficultés respiratoires, des vomissements, ou des malaises, qui peuvent les conduire à une hospitalisation.
D'après la BBC, le procédé et les symptômes seraient les mêmes à chaque attaque. Les Iraniennes tomberaient malades après avoir senti cette odeur de "fruits pourris". Heureusement, la plupart des enfants se rétablissent ensuite en 24 heures.
En Iran, beaucoup pensent que l'objectif de ces empoisonnements serait d'obtenir la fermeture des établissements scolaires pour filles, "qui constituent l'un des centres de manifestations antigouvernementales depuis le mois de septembre", explique le média britannique.
Pour rappel, le décès de Masha Amini en septembre 2022 avait provoqué des mouvements de contestation dans le pays. Arrêtée par la police des mœurs pour avoir mal porté son voile, l'étudiante de 22 ans est décédée trois jours plus tard.
Un grand nombre de manifestations ont éclaté dans tout le pays par la suite, puis aux quatre coins du monde, pour dénoncer le régime d’Ebrahim Raïssi et défendre le droit des femmes de s'habiller librement.
Selon la politologue et sociologue franco-iranienne Mahnaz Shirali, le lien entre les manifestations et les empoisonnements des écolières serait plausible : "Les femmes, y compris les plus jeunes, sont à l’avant-garde dans les manifestations depuis des mois. Cette vague d’empoisonnements ne peut être qu’une vengeance envers elles", a-t-elle déploré dans le magazine d'actualité Marianne.
Pour l'instant, les auteurs de ces multiples empoisonnements n'ont pas encore été formellement identifiés. "Pour certains mouvements d’opposition, le régime iranien serait derrière cette vague d’intoxications", rapporte France Info.
Mais le gouvernement se défend, et dénonce à son tour un "complot des ennemis", sans les nommer, qui aurait pour but de "créer la peur et le désespoir" dans le pays, comme le rapporte l'agence de presse Isna.
Sous la pression des familles, le gouvernement iranien a fini par ouvrir une enquête le 26 février dernier. Mais pour l'instant, aucun suspect n'a été arrêté.
Dans un communiqué publié le samedi 4 mars, le ministre de l’Intérieur, Ahmad Vahidi, a fait état de la découverte "d'échantillons suspects" lors de "recherches sur le terrain", sans donner plus de précision.
Devant l'inaction des autorités iraniennes, l'ONU a réclamé une "enquête transparente". "Nous sommes très préoccupés par ces allégations selon lesquelles des filles sont délibérément ciblées dans ce qui semble être des circonstances mystérieuses", a déclaré Ravina Shamdasani, la porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies.
De son côté, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, déplore cette vague d'intoxications : "Les informations au sujet d'écolières empoisonnées en Iran sont choquantes", a-t-elle écrit sur son compte Twitter. "Tous les cas doivent être élucidés", exige-t-elle.
Face aux intoxications en chaîne, certains parents iraniens préfèrent retirer leurs filles de l'école, jusqu'à nouvel ordre. Une situation qui renforce un contexte de répression en Iran.