Les classes moyennes : mythe ou réalité ?
Dans un discours de politique générale prononcé fin janvier de cette année, le Premier ministre français Gabriel Attal, alors nouvellement arrivé en poste, a particulièrement ciblé les classes moyennes, qu’il a qualifiés de « Français de l’entre-deux ».
Le chef du gouvernement a évoqué des citoyens qui « ne demandent pas la lune », mais « qui ont le sentiment que les décisions se prennent sans eux et qu’elles bénéficient toujours aux mêmes », comme le rapporte ‘Le Monde’.
En effet, le contraste est frappant entre l’attention que les pouvoirs publics du monde entier déclarent avoir pour la classe moyenne, et le sentiment de déclassement et d’abandon régulièrement exprimé par celle-ci.
Leur existence est pourtant un phénomène mondial ! Une étude de la Brookings Institution, un think-tank américain, a souligné qu’en 2018, pour la première fois dans l’histoire, plus d’un être humain sur deux appartenait aux classes moyennes ou favorisées. Une proportion qui devrait croître d’ici à 2030.
Cependant, c’est plutôt l’impression d’une érosion qui domine dans les pays développés. Sur le marché du travail, les emplois intermédiaires typiques de la classe moyenne sont ceux qui subissent le déclin le plus marqué.
Mais de quoi parle-t-on au sujet de la classe moyenne ? S’agit-il de personnes situées à un niveau donné de revenus ou de diplômes ? Qui exercent un certain type de profession ? Ou dont l’accès au logement présente certaines caractéristiques ?
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Dans une note récente, l’Institut Montaigne, un think-tank libéral, a donné une première définition des classes moyennes françaises à partir d’une fourchette de revenus : il s’agit de la moitié de la population située entre les 30% les plus pauvres et les 20% les plus riches.
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Ce groupe serait divisé en France entre une classe moyenne supérieure, aux revenus nets compris entre 2 260 et 3 100 euros par mois, et une classe moyenne inférieure, qui émarge entre 1 440 et 2 260 euros mensuels.
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Cependant, définir ce groupe avec précision s'avère complexe. Selon Lisa Thomas-Darbois, l’auteure de la note de l’Institut Montaigne, citée par ‘Les Échos’, « l'analyse par le revenu est un indicateur mais il n'est plus suffisant ».
Il serait donc nécessaire de prendre en compte d’autres critères, comme l’existence ou non d’un patrimoine immobilier.
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Par ailleurs, une classification par profession est délicate, d’autant qu’elle exclurait les retraités, qui sont nombreux à se situer dans la fourchette moyenne des revenus.
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Des critères subjectifs existent également, comme le fait de considérer que l’on appartient soi-même à la classe moyenne. Selon un sondage cité par ‘Les Échos’, 63% des Français estimaient en faire partie en 2023.
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Mais c’est surtout le ressenti par rapport à sa propre situation matérielle qui compte. Lisa Thomas-Darbois souligne que, durant la crise inflationniste, ces groupes ont été « victimes de leur propre construction sociale et des dépenses contraintes qui en résultent ».
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Un motif de mécontentement courant est le fait que les classes moyennes seraient les victimes du système socio-fiscal. Tout en contribuant largement à l’impôt, elles ne bénéficieraient pas des mêmes allègements fiscaux que les plus aisés et seraient exclues de la redistribution par des effets de seuil.
Une situation résumée par une citation attribuée à tort à Mazarin, issue de la pièce de théâtre « Le Diable Rouge » : « Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches, rêvant d'être riches et redoutant d'être pauvres. C'est ceux-là que nous devons taxer, toujours plus. Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser… C'est un réservoir inépuisable. »
La classe moyenne est en tout cas structurée par des mythes anciens, comme l’idéal républicain du mérite et l’ascension sociale grâce à l’école et au travail.
Elle est aussi unie dans son hétérogénéité par des aspirations communes, synthétisées par l’Institut Montaigne : promotion sociale, accès à la propriété, diplôme élevé et avenir sans incertitudes.
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La fraction médiane de la société est aussi traversée par des angoisses récurrentes, comme celle du déclassement. Un phénomène visible des deux côtés de l’Atlantique, particulièrement dans les États ou les régions qui ont subi une forte désindustrialisation.
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Quelles sont les solutions pour apaiser le malaise croissant au sein de la classe moyenne ? Selon l’Institut Montaigne, tenir la promesse d’ascension sociale par le travail suppose de mieux rémunérer celui-ci, par exemple à travers une réforme fiscale.
Par ailleurs, les politiques du logement pourraient être refondues afin de desserrer l’étau entre le difficile accès à la propriété d’un côté, et de l’autre des effets de seuil qui excluent les classes moyennes d’une partie du marché locatif.
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Enfin, le think-tank met l’accent sur les politiques d’éducation, évoquant notamment les inégalités territoriales dans l’accès à l’enseignement supérieur qui, selon lui, « immobilisent l’ascenseur social ». Les défis à relever sont nombreux !
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