Kim Ju-ae (10 ans), désignée pour succéder à son père à la tête de la Corée du Nord
Kim Ju-ae sera-t-elle un jour à la tête de la Corée du Nord ? En mars dernier, des nouvelles provenant de Pyongyang le laissaient en tout cas penser. Les médias nord-coréens ont en effet qualifié la fille cadette de Kim Jong-un de "grande personne de conseil", une expression qui désigne les hauts dirigeants du pays.
C'est l'agence de presse KCNA, un média d'État nord-coréen, qui a désigné ainsi Kim Ju-ae au cours d'un reportage. C'est la première fois que la jeune fille, âgée d'une dizaine d'années, est associée à ce statut.
"D'habitude, le terme hyangdo (signifiant "guide") est utilisé uniquement pour décrire les officiels de plus haut rang", a commenté Koo Byoung-sam, porte-parole du ministère de l'Unification de Séoul, comme le rapporte RTL.
Cette expression n'est pas anodine. Plusieurs experts y voient une indication sur l'intention de Kim Jong-un de choisir sa fille pour lui succéder. Ces derniers mois, plusieurs éléments ont nourri cette hypothèse...
En février 2023, Pyongyang avait annoncé que Kim Ju-ae allait être représentée sur les nouveaux timbres de propagande du pays.
La série de timbres évoquée par Pyongyang, émise le 17 février 2023, honore le tir d'essai de missiles nord-coréens réalisé en novembre 2022. Sur cinq de ces timbres figure le visage de la jeune Kim Ju-ae. Un choix qui n'a sûrement pas été fait au hasard.
La Corée du Nord n'a jamais officiellement identifié la jeune fille par son prénom. Sur le site internet, l'entreprise de timbres, qui est une société d'État de Pyongyang, l'avait seulement décrite comme la "fille bien-aimée" de Kim Jong-un. Mais l'agence de renseignement de Séoul a précisé qu'il s'agissait bien de Ju-ae, deuxième enfant du dictateur.
Pour An Chan-il, chercheur à la tête de l’Institut mondial d’études nord-coréennes, ces timbres ont marqué le "début officiel de la vie de Kim Ju-ae en tant que successeure de son père", cite l'AFP.
Le média Radio Free Asia (RFA) a également rapporté que des autorités nord-coréennes demanderaient aux filles et femmes portant le même prénom que la fille du dictateur, de le changer. D'après les deux sources anonymes de RFA, les gouvernements locaux des villes de Jeongju et de Pyongsong auraient ordonné à toutes les Ju-ae de changer leurs noms sur leurs certificats de naissance.
Mais si les experts considèrent que la jeune adolescente se préparerait à prendre la tête du pays, c'est surtout parce qu'elle a enchainé les apparitions publiques au cours de la dernière année. Récemment, elle est apparue en public au mois de mars 2024, et auparavant, lors des célébrations du Nouvel An.
En février 2023, Kim Jong-un a emmené sa fille avec lui à ce que Yoonjung Seo et Brad Lendon de CNN ont appelé un "somptueux banquet ", organisé dans une caserne militaire.
Kim Ju-ae avait été rejointe par l'épouse de Kim Jong-un, Ri Sol Ju, et ensemble, les trois ont célébré le 75ᵉ anniversaire de la fondation de l'armée populaire coréenne, selon Seo et Lendon, qui ont cité les médias officiels de l'État.
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"Peut-être que Kim Jong-un voulait simplement se présenter comme un bon père, ou faire comprendre que sa famille, avec toutes ses armes, était là pour rester", a déclaré Jean Mackenzie, journaliste pour BBC News. "Mais à chaque apparition, la jeune Kim Ju-ae semble prendre un peu plus d'envergure."
En novembre 2022, la fille de Kim Jong-un a fait sa première apparition publique lors de la diffusion d'un lancement préenregistré d'un missile balistique intercontinental de la Corée du Nord, le Hwasong-17.
Dans la vidéo, largement médiatisée, on peut voir l'enfant marcher à côté de son père et lui tenir la main, alors qu'ils supervisent le lancement réussi et le célèbrent avec d'autres membres de la famille et des représentants du gouvernement.
C'était la première fois que la fille de Kim Jong-un était mentionnée par les médias du pays, confirmant ce que de nombreux analystes politiques pensaient : le dictateur a bel et bien des enfants.
D'après les analystes de la dictature nord-coréenne, Kim Jong-un aurait eu trois enfants avec sa femme Ri Sol-ju. On suppose qu'ils sont nés en 2010, 2013 et 2017.
La première apparition de Kim Ju-ae, qui a été révélée par BBC News, a conduit de nombreux analystes à s'interroger : pourquoi maintenant ?
Les médias d'État nord-coréens ont décrit la fille de Kim Jong-un comme son enfant "le plus aimé" ou "le plus précieux". Ce qui a conduit de nombreux experts à penser qu'elle serait choisie pour reprendre la tête de la Corée du Nord au décès de son père.
"Cela signifie-t-il qu'elle a été choisie pour succéder à Kim Jong-un et qu'elle dirigera un jour la Corée du Nord ?", a écrit la correspondante de la BBC à Séoul, Jean Mackenzie, analysant la première apparition publique de la fille de Kim Jong-un.
Ankit Panda, spécialiste de la Corée du Nord au Carnegie Endowment for International Peace, a déclaré à PBS News Hour que la scène était "saisissante".
Après la première apparition publique de Kim Ju-ae, la question de la succession semblait être encore discutable. Mais la jeune fille est apparue dans une deuxième vidéo de propagande moins d'une semaine après. L'hypothèse est alors devenue encore plus plausible.
"La photo [de la fille] de Kim aux côtés de son père, fêtée par les techniciens et les scientifiques impliqués dans le dernier lancement d'un ICBM, conforte la thèse selon laquelle elle commence à être positionnée comme une successeure potentielle", a déclaré Ankit Panda.
"Les médias d'État qui soulignent l'amour de son père pour elle ne font que renforcer cette théorie, je pense", a commenté Ankit Panda.
"Ses deux apparitions publiques ont eu lieu dans le contexte des armes nucléaires stratégiques - les joyaux de la couronne des capacités de défense nationale de la Corée du Nord... Cela ne me semble pas une coïncidence", a ajouté Ankit Panda.
Des photos publiées par les médias d'État nord-coréens ont montré la fille de Kim Jong-un posant à ses côtés lors d'un événement officiel du gouvernement avec des soldats.
Avant sa première apparition, on savait peu de choses sur la cadette du dictateur. L'ancien basketteur Dennis Rodman a mentionné qu'il avait rencontré la femme de Kim Jong-un et tenu leur fille Ju-ae lors de son voyage en Corée du Nord en 2013.
Le monde devra attendre une annonce officielle des responsables nord-coréens avant de pouvoir affirmer avec certitude que Ju-ae succèdera à Kim Jong-un.
Pour certains spécialistes, il est encore bien trop tôt pour se prononcer sur la succession de Kim Jong-un. D'abord parce que le dictateur n'a que 40 ans. Ensuite, parce que Ju-ae n'est pas le seul enfant du dictateur.
Yang Moo-jin, professeur à l'université d'études nord-coréennes de Séoul, souligne à l'AFP qu'à chaque fois qu'un héritier a été pressenti en Corée du Nord, le dirigeant en place faisait en sorte que son nom soit connu. Selon lui, "Il est encore possible que Ju-ae soit juste utilisée [à des fins de propagande] (...) et que l'aîné(e) de Kim Jong-un, soit en train de se préparer à la succession à huis clos."
Toutefois, le premier enfant du dirigeant nord-coréen n'a jamais été vu en public, et a été élevé à l'abri des regards, dans le plus grand des secrets.
Contrairement à une monarchie, la succession en Corée du Nord ne repose pas uniquement sur le privilège héréditaire, de sorte que tout parent éloigné ou personnage influent peut devenir le futur héritier du pays.