Les grenouilles pourraient bien être amenées à disparaître
À partir des années 1980, les scientifiques ont constaté un déclin étrangement rapide des populations de grenouilles aux quatre coins du monde. Les cours d'eau qui regorgeaient autrefois de têtards se sont mystérieusement vidés. Les nuits chaudes, auparavant rythmées par le croassement de ces amphibiens, étaient soudain dépourvues de tout chant de grenouille. Alors, comment en est-on arrivé là ?
Il y a quelques décennies, la grenouille à pattes jaunes était l'amphibien le plus abondant dans les lacs d'altitude de la chaîne montagneuse de la Sierra Nevada, y compris dans le Yosemite, en Californie. Selon le service des parcs nationaux, sa population a chuté de 95 %.
'Toughie', grenouille arboricole Ecnomiohyla rabborum du Panama, vivait au jardin botanique d’Atlanta et s'est éteinte en 2016. Ce spécimen était sans doute le dernier membre de son espèce selon les experts. Ces derniers rapportent également qu'au moins 90 autres amphibiens ont disparu ces dernières années.
Photo : Ecnomiohyla rabborum, Brian Gratwicke via Wikimedia Commons
Bien qu'elles existent sur la planète depuis des centaines de millions d'années, plus de 500 types de grenouilles ont été gravement affectées, voire totalement anéanties. On estime que les populations de 124 espèces ont chuté de plus de 90 %, selon une nouvelle étude publiée dans la revue 'Science', qui révèle qu'au moins 300 autres ont connu un déclin important. Elle indique par ailleurs que la majorité des amphibiens sont amenés à disparaître dans un futur proche.
Selon le ministère américain de l'agriculture, un tiers des espèces d'amphibiens sont menacées d'extinction. Imaginez un peu si cela se produisait pour les mammifères ! Les grenouilles sont confrontées notamment à la perte d'habitat, aux maladies (surtout fongiques), à la surexploitation, au réchauffement climatique et à la pollution.
Même si les grenouilles ont évolué pour survivre, le changement climatique est une véritable menace. En 2022, les Nations unies ont déclaré que le crapaud doré (en photo) était l'une des deux espèces pour lesquelles la crise environnementale était considérée comme l'un des principaux facteurs d'extinction, en raison des "sécheresses extrêmes" qui ont anéanti son habitat humide. Mais, le réchauffement de la planète ne serait pas le seul responsable...
Une étude publiée dans 'Nature' a révélé que les grenouilles peuvent être affectées par l'atrazine, un désherbant, ainsi que par les engrais phosphatés couramment utilisés dans l'agriculture. Ces produits chimiques déclenchent un effet domino de dommages environnementaux qui peuvent conduire à un boom de la croissance des algues. Si ce phénomène est regrettable, il existe d'autres facteurs dans la disparition des amphibiens...
La plupart des espèces de grenouilles ont évolué pour prospérer dans des environnements spécifiques. Mais avec l'expansion des activités humaines et la déforestation, en particulier en Amazonie, qui abrite des centaines d'espèces étonnantes, le mode de vie ancestral de nombreuses variétés est perturbé. Bien qu'il s'agisse d'une menace majeure, la perte d'habitat n'est pas non plus la principale cause de la disparition des amphibiens...
Connu sous le nom de "BD", ce champignon dévastateur se développe dans des conditions fraîches et humides, ce qui signifie que les amphibiens de grande taille qui vivent dans ce type d'environnement sont les plus touchés. Il a commencé à se propager dans les années 1970, mais les scientifiques ont réalisé qu'il était la principale cause de la disparition des grenouilles et ce, 20 ans plus tard ! Mais que faire ? Comment lutter contre ce fléau ?
Compte tenu de la brutalité de l'épidémie, le BD est désormais considéré comme "l'agent pathogène le plus mortel connu de la science", selon Wendy Palen, naturaliste herpétologue (une spécialiste des grenouilles) à l'université Simon Fraser. En effet, ce champignon apocalyptique a condamné plus d'espèces à l'extinction que tout autre taxon.
Photo : Dr Alex Hyatt, CSIRO, via Wikimedia Commons
Ce champignon se propage facilement dans l'eau et peut décimer des groupes entiers de grenouilles. Il ronge et décompose la peau des amphibiens et déclenche une maladie appelée chytridiomycose. Une fois qu'il s'est établi dans un nouvel environnement, il est pratiquement impossible de s'en débarrasser.
Lire aussi : Jardinage : les plantes et arbustes à bouturer à partir du mois de juin
Une autre maladie fongique, le syndrome du nez blanc (en raison d’un anneau blanchâtre autour de la bouche ou du museau du chiroptère) est en train de dévaster les populations de chauves-souris des États-Unis et du Canada.
Une étude génétique menée par l'Imperial College de Londres a révélé que le BD est originaire d'Asie. Mais au XXe siècle, avec l'essor du commerce international, il s'est progressivement répandu sur cinq autres continents, décimant les populations qui n'étaient pas habituées à la maladie.
Les amphibiens sont à la fois des prédateurs et des proies. Si les têtards ne consomment pas les algues, celles-ci peuvent se développer de manière incontrôlée. Sans grenouilles pour manger les insectes, certaines espèces gênantes et potentiellement nuisibles peuvent devenir plus courantes. Dans le même temps, les oiseaux et autres prédateurs doivent également chercher d'autres solutions !
Les grenouilles sont en difficulté, mais des scientifiques suisses ont trouvé une solution assez simple pour aider les amphibiens : creuser des étangs. Sur les huit espèces menacées de la région, 52 % ont augmenté leur population régionale et 32 % se sont stabilisées. Toutefois, cela ne résout pas nécessairement le problème du champignon mortel.
Si l'étude de 'Science' de 2019 est loin d'être encourageante, elle contient néanmoins une lueur d'espoir. Bien que la plupart des espèces de grenouilles soient toujours en déclin, 12 % d'entre elles montrent des signes de rétablissement et la décimation a en effet atteint un pic dans les années 1980 dans la plupart des régions. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la sélection naturelle favorise les animaux résistants au champignon.
Bien que la lutte contre le champignon puisse s'avérer trop difficile, vous pouvez toujours fournir un abri aux amphibiens. Il suffit souvent de creuser une petite mare ou de créer des espaces afin qu'ils puissent vivre paisiblement.
La science a enfin réussi à contrôler le taxon. Lorsqu'un champignon similaire ciblant les salamandres a été découvert en Belgique, beaucoup ont craint le pire. Cependant, les chercheurs l'ont rapidement identifié et ont mis en place des barrières pour enrayer sa propagation.
Lire aussi : La biodiversité est en danger : plus d'un quart des animaux et des plantes vont disparaître d'ici à 2100