Les liaisons dangereuses des dirigeants français avec la Chine
Alors que la tension entre la Chine et Taïwan est à son comble, les pays occidentaux resserrent les rangs derrière l’île qui s’estime menacée par l’Empire du milieu. Mais cette solidarité contre la Chine est-elle vraiment unanime parmi les dirigeants français ?
Le leader de l’opposition de gauche à Emmanuel Macron a défrayé la chronique récemment en qualifiant de “provocation” la visite à Taïwan de la femme politique américaine Nancy Pelosi. Cette dernière était venue rappeler le soutien des États-Unis face à l’ingérence chinoise, alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie est encore dans toutes les têtes.
Jean-Luc Mélenchon a par ailleurs estimé dans un article de blog qu’il n’y a « qu’une seule Chine », que « Taïwan est une composante à part entière de la Chine » et que « les Chinois règleront le problème entre eux ». Une position qui est loin de faire l’unanimité parmi ses partenaires socialistes et écologistes de la NUPES.
La France s’oppose officiellement à toute éventuelle agression de Taïwan par la Chine. Mais il est devenu difficile de se passer d’un pays considéré désormais comme la première puissance économique mondiale. En réalité, les liens entre les milieux politiques et économiques français et la Chine sont profonds et anciens. Un tour d’horizon en images.
La France et la Chine ont officiellement repris des relations diplomatiques en 1964, en pleine Guerre froide, à une époque où le bloc occidental ne reconnaissait pas la Chine communiste de Mao. La marque de la volonté du général De Gaulle de mener une politique étrangère indépendante.
Depuis, les visites officielles se sont succédé sous tous les présidents de la République. Sous son premier mandat, Jacques Chirac signe avec le dirigeant chinois Jiang Zemin un partenariat bilatéral orienté vers le XXIe siècle.
C’est d’ailleurs un ancien Premier ministre de Chirac, Jean-Pierre Raffarin, qui s’active depuis de longues années pour renforcer les liens économiques entre la France et la Chine. Quitte à être accusé par certains d’être le lobbyiste en chef des intérêts chinois en France.
Jean-Pierre Raffarin se défend d’être utilisé par la puissance chinoise, comme l’a rapporté ‘Atlantico’ : “Je souris quelquefois quand on me place au cœur du système alors que je suis à peine en troisième ligne. Je connais toute la complexité de nos relations avec la Chine, et je veille à être toujours en phase avec notre diplomatie. (...) Quant à être manipulé, après cinquante ans de politique à tout niveau et cinquante ans de Chine, je crois le risque assez faible.”
Les relations franco-chinoises ont connu un épisode difficile sous la présidence de Nicolas Sarkozy, un homme politique plus proche des États-Unis que ses prédécesseurs. Sa poignée de main avec le dalaï-lama avait été accueilli froidement à Pékin, tout comme le mauvais accueil réservé à la flamme olympique chinoise à Paris.
En pleine crise financière, les dirigeants français prennent alors conscience de l’importance des relations avec la Chine, dont la puissance économique s’affirme année après année. En 2009, la ministre de l’Économie Christine Lagarde se rend à Pékin avec plusieurs grands patrons français.
A la même époque, Jean-Pierre Raffarin multiplie les visites en Chine avec des parlementaires français et développe le projet de former des “Young leaders”, sur le modèle des relations franco-américaines, afin de mieux faire connaître ce pays aux jeunes personnalités politiques françaises.
En 2013, un projet similaire prend forme avec la création de la France China Foundation. Chaque promotion compte une trentaine de jeunes personnalités françaises ou chinoises issues du monde politique ou des affaires.
La première promotion a été marquée par un voyage en Chine en octobre 2014, comprenant la visite du siège du géant du e-commerce Alibaba et une rencontre avec l’architecte Wang Shu. Parmi les heureux élus se trouvait le futur Premier ministre Édouard Philippe.
Le député socialiste Jérôme Guedj, l’actuel ministre d’Emmanuel Macron Franck Riester ainsi que le jeune patron de Radio France de l’époque, Mathieu Gallet (sur la photo), étaient également du voyage.
L’intérêt chinois pour la France s’explique par des raisons historiques, comme la contestation du leadership américain par le général De Gaulle ou la présence importante de la France en Afrique, un continent où la Chine a énormément investi ces dernières années.
Selon l’homme d’affaires Jean-Christophe Lépine, cité par ‘Atlantico’, la Chine a des liens particuliers avec la France : “Nous avons un savoir-faire qui les intéresse dans les affaires, surtout dans le secteur de l’énergie ou de l’innovation.”
L’Assemblée nationale compte un groupe d’amitié France-Chine auquel près d’une centaine de députés a adhéré. On y retrouve des personnalités très diverses, de la marcheuse Aurore Bergé (sur la photo) à Jean Lassalle, et bien sûr Jean-Luc Mélenchon !
Dominé par Les Républicains, le Sénat a aussi son groupe d’amitié franco-chinoise qui compte plusieurs dizaines de membres, comme l'ancien ministre Philippe Bas.
Le groupe franco-chinois à l’Assemblée nationale est présidé par le député de la majorité présidentielle Buon Tan, qui a voté contre la résolution adoptée début 2022 pour condamner le génocide des Ouïgours par le régime chinois. De quoi le faire considérer comme un “relais de l’influence chinoise “ par le journal ‘Le Monde’.
Le député ne cache d’ailleurs pas sa volonté de renforcer les relations franco-chinoises. Cité par ‘Le Monde’, il a déclaré que le problème des relations entre les deux pays était “la mauvaise compréhension l’un de l’autre”.
Indépendamment des positions particulières des hommes politiques, les relations franco-chinoises sont complexes, entre volonté de défendre les droits de l’homme et nécessaire coopération économique. L’avenir dira comment évolue la position de la France face au géant d’Asie.