Les réfugiés syriens pourraient-ils devenir un sujet de campagne électorale, notamment en Allemagne ?
La chute du dictateur syrien Bachar al-Assad ouvre un nouveau chapitre de la guerre civile qui dure depuis 13 ans en Syrie. Euractiv met toutefois en garde contre le fait que le changement de régime en Syrie pourrait avoir un impact négatif sur la situation des réfugiés en Europe — notamment en Allemagne, où l'opposition pourrait désormais remettre en question leur protection.
Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) est a pris Damas le dimanche 8 décembre au matin, sous la direction d'Abou Mouhammad al-Joulani, un ancien combattant d'al-Qaïda. HTS promet désormais la paix et l'unité, mais les sceptiques sont nombreux.
Selon le quotidien allemand Handelsblatt, les troupes du HTS ont assuré que les minorités ne devaient pas avoir peur dans l'État multiethnique et religieux qu'est la Syrie. Alep restera « un carrefour de civilisations et de cultures ». Mais de nombreux observateurs en doutent.
Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), l'Allemagne est actuellement le troisième plus grand pays d'accueil de réfugiés syriens dans le monde et le plus grand en Europe. Selon les données de l'Agence fédérale allemande pour l'emploi, environ 900 000 Syriens vivent à ce jour en Allemagne. Au début de la guerre civile en 2011, ils étaient approximativement 30 000. Par ailleurs, près de 40 % d'entre eux avaient un emploi début 2024, selon Euractiv.
Dans le livre qu'elle vient de publier, l'ancienne chancelière Angela Merkel explique pourquoi elle a ouvert les frontières aux réfugiés syriens à l'époque, sous les critiques de nombreux pays membres de l'UE. « Je pensais que je devais le faire pour des raisons humaines », explique-t-elle dans un entretien avec la journaliste Anke Will dans son podcast du même nom.
Cette politique allemande des réfugiés, fortement critiquée, a été l'une des raisons de l'écriture de son livre : « Je voulais expliquer à nouveau pourquoi j'avais pris cette décision à l'époque ». Son collègue de parti et éventuel chancelier Friedrich Merz critique encore aujourd'hui cette décision.
L'Union chrétienne-démocrate (CDU), en tête des sondages avant les prochaines élections fédérales, veut agir plus durement contre la population de réfugiés en Allemagne. Dès qu'une paix durable régnera en Syrie, beaucoup « n'auront plus besoin de protection et n'auront donc plus le droit de rester », a déclaré Andrea Lindholz, responsable de la politique intérieure du parti, au Rheinische Post.
Dans un discours, le chancelier allemand Olaf Scholz s'est concentré sur l'aspect d'une transition pacifique en Syrie, mais son parti craint déjà une instrumentalisation de ce sujet dans la campagne électorale. Selon toute vraisemblance, celle-ci débutera officiellement le 16 décembre après l'échec de son vote de confiance.
Si la paix devait revenir durablement en Syrie, rien ne s'opposerait au retour des personnes « qui ne se sont jamais vraiment senties chez elles ici », a déclaré Michael Roth, président SPD de la commission des affaires étrangères du Bundestag allemand, au magazine Spiegel. La plupart des Syriens sont toutefois « bien intégrés dans la société et le marché du travail », a-t-il ajouté.
Selon l'Office fédéral de l'immigration et de la naturalisation (BAMF), 74 971 Syriens ont déposé une demande d'asile entre janvier et novembre 2024, ce qui en fait le groupe le plus important en termes de demandes d'asile cette année en Allemagne. Le vice-président du groupe parlementaire CDU, Jens Spahn, propose de faciliter le retour des réfugiés grâce à des vols charters et à une prime de départ de 1 000 euros.
Selon le Tagesschau, de nombreux réfugiés ont déjà pris le chemin du retour depuis la Turquie, le Liban et la Jordanie. Mais la majorité attend. La ministre fédérale de l'Intérieur Nancy Faeser (SPD) a en revanche déclaré que la situation en Syrie restait très confuse. L'évaluation du statut de protection des réfugiés syriens reconnus dépend de l'évolution de la situation.
Le président du conseil d'administration de l'association allemande des hôpitaux (DKG), Gerald Gaß, a déclaré au magazine Spiegel : « Nous pouvons comprendre que beaucoup d'entre eux souhaitent retourner dans leur pays et qu'ils y sont aussi urgemment nécessaires ». Cependant, les médecins syriens jouent un rôle important dans les soins médicaux en Allemagne.
De nombreux réfugiés syriens se réjouissent de la victoire des rebelles, tout comme leurs amis et leur famille restés au pays. Mais beaucoup craignent aussi que quelque chose de similaire à la Libye se produise et que le pays ne trouve pas la paix après 13 ans de guerre civile. De plus, l'Allemagne serait également devenue une patrie sûre pour eux au cours des dernières années.
Le Tages-Anzeiger rapporte également que l'Union patronale suisse craint un retour massif des Syriens dans leur pays, en raison du manque de main-d'œuvre en Suisse.
« La Syrie aura désormais besoin d'une nouvelle élite intellectuelle, de nouveaux collaborateurs pour l'administration et d'autres domaines importants comme la médecine ou les infrastructures », explique le politologue allemand Hannes Schammann.
Le quotidien allemand FAZ écrit que l'Allemagne devrait désormais donner un nouveau signal : « Le signal qui aurait déjà été amèrement nécessaire en 2015 : nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Celui qui n'a pas le droit de rester, ne doit pas rester ».
Le dictateur Bachar al-Assad, exilé en Russie, aurait déjà mis sa fortune à l'abri. Selon le rapport d'un journal saoudien, la famille posséderait plus de 200 tonnes d'or, 16 milliards de dollars et 5 milliards d'euros. Le journal se serait référé à des informations des services secrets britanniques MI6. Une partie de cette somme aurait également été mise à l'abri en Russie.
Comme le rapporte le Frankfurter Rundschau, des avoirs de la famille Assad d'un montant d'environ 170 millions d'euros auraient été gelés rien qu'en Grande-Bretagne et en Suisse. Au total, le clan posséderait une fortune allant jusqu'à 100 milliards d'euros, écrit le Tagesspiegel. Alors que la famille Assad menait une vie luxueuse, 90 % des Syriens luttaient contre la pauvreté.