Les retraités français sont-ils privilégiés par rapport aux actifs ?
La population occidentale vieillit, et la France n’échappe pas à cette tendance. D’après des données citées par Le Monde, 21,5 % des habitants du pays avaient plus de 65 ans au 1ᵉʳ janvier 2024, soit 14,7 millions de personnes, contre 13 % seulement en 1970.
Par conséquent, le nombre de personnes à la retraite augmente mécaniquement, malgré les réformes successives visant à reporter l’âge de départ. En 2024, la France compte 17 millions de pensionnés.
Les retraites sont financées par un peu plus de 30 millions d’actifs, selon les données du Conseil d’orientation des retraites (COR), soit un ratio cotisants/retraités d’environ 1,7 et qui va continuer à baisser. Ce ratio était supérieur à 4 dans les années 1980.
La réforme de 2023 l’a prouvé : les retraites sont un sujet politiquement inflammable. Et pourtant, leur poids dans la dépense publique actuelle et l’évolution future de la démographie font revenir régulièrement ce sujet sur le devant de la scène médiatique.
À l’occasion du budget 2025, marqué par la nécessité d’économies massives, le Premier ministre, Michel Barnier, a décidé de reporter de six mois l’indexation des retraites sur l’inflation. Avec près de 4 milliards d’euros d’économies à la clé, selon le chiffrage de l’exécutif.
Ces dernières semaines, plusieurs voix ont laissé entendre que les retraités actuels seraient privilégiés par rapport aux actifs. Qu’en est-il vraiment ?
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Dans une étude récente intitulée « Pour vivre riches, vivons vieux », le cabinet Asterès indique que, de façon générale, « les conditions financières des ménages sont plus favorables pour les ménages retraités que pour le reste de la population ».
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Selon les données de ce cabinet, citées par Capital, les revenus moyens des retraités ne représentent certes que 84,3 % de ceux de l’ensemble de la population, contre 113,2 % chez les actifs. Mais d’autres variables font évoluer la comparaison en leur faveur.
En tenant compte du nombre moyen de personnes présentes dans chaque ménage, l’écart se resserre (101,5 % pour les retraités contre 108 % pour les actifs). En effet, contrairement à de nombreux actifs, les retraités n’ont généralement plus d’enfants (ou de parents) à charge.
Par ailleurs, en prenant en compte le fait que les retraités sont plus fréquemment propriétaires de leur logement et n’ont donc pas de loyer à payer, leur niveau de vie est en réalité supérieur à celui des actifs (107,8 % de la moyenne de la population contre 106 %).
En effet, 62 % des plus de 60 ans sont des personnes ayant remboursé intégralement un prêt immobilier. Un chiffre qui dégringole à 17 % chez les moins de 50 ans, dont la majorité doit payer un loyer ou rembourser un crédit.
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Par conséquent, les retraités sont moins souvent vulnérables financièrement. BFM TV rappelle que le taux de pauvreté s’élève à 10,7 % chez les 65-74 ans et à 11,4 % pour les plus de 75 ans, contre environ 14 % dans l’ensemble de la population et 20,4 % chez les moins de 18 ans.
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Dans le système français par répartition, le financement des retraites dépend en grande partie de cotisations prélevées sur la population active. Ce poids financier s’alourdit sans cesse sur les actifs à mesure que le ratio cotisants/retraités se dégrade.
Aux cotisations retraites s’ajoutent la CSG, dont le taux est de 9,2 % des revenus d’activité, et la CRDS, au taux de 0,5 %, qui a été prolongée jusqu’en 2042 alors qu’elle aurait dû disparaître cette année. Sans oublier les transferts versés au système de retraite par l’État ou d’autres branches de la Sécurité sociale, financés par d’autres impôts et cotisations.
Notons également que les retraités bénéficient de certains avantages fiscaux, comme un taux plus faible de CSG (8,3 %) et un abattement fiscal de 10 % sur les pensions versées.
Cependant, le COR prévoit une baisse progressive du niveau de vie relatif des retraités, qui devrait tomber à 83 % de celui des actifs d’ici à 2070.
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En effet, l’augmentation continue du nombre de retraités et la stagnation de celui des cotisants devraient obliger, à modèle inchangé, à baisser le montant des pensions en plus des reports de l’âge de départ.
En réalité, les véritables privilégiés ne sont-ils pas moins les retraités en tant que tels que les générations du « baby-boom » actuellement à la retraite, qui touchent des pensions élevées après avoir bénéficié de prix de l’immobilier plus faibles et d’une fiscalité plus modérée lorsqu’ils étaient actifs ?
Quoi qu’il en soit, les arbitrages politiques seront difficiles, car la participation électorale des retraités est très élevée, ce qui les favorise dans les décisions publiques. La route est encore longue pour rééquilibrer les finances publiques françaises et restaurer l’équité entre générations !