Tout savoir sur les PFAS, ces "polluants éternels" bientôt interdits en France
La France a récemment adopté une loi visant à restreindre la fabrication, l'importation et la vente des produits contenant des PFAS, aussi appelés 'polluants éternels".
Portée par l'écologiste Nicolas Thierry, cette proposition de loi a d'abord suscité de vifs débats à l'Assemblée nationale, avant de finalement être approuvée à l'unanimité, avec 186 voix pour et zéro contre. La loi entrera en vigueur à partir du 1ᵉʳ janvier 2026.
Mais où trouve-t-on ces fameuses substances chimiques ? Et comment cette nouvelle législation va-t-elle changer le quotidien des Français ? Parcourez la suite de cette galerie pour le savoir !
De l'anglais per- and polyfluoroalkyl substances, les PFAS (qu'on prononce "pifasse") sont des substances chimiques aux propriétés antiadhésives, imperméabilisantes et résistantes aux fortes chaleurs. Elles sont utilisées dans la fabrication de nombreux objets du quotidien.
Ce groupe recoupe plus de 10 000 produits différents d'après les dernières évaluations. Les PFAS n'existent pas dans la nature et n'ont été produites qu'à partir de la fin des années 1940, à l'origine pour un usage militaire.
Inodores, invisibles, mais dangereuses pour la santé, les PFAS seraient cancérigènes, réduiraient la fertilité et affaibliraient le système immunitaire. De plus, elles se dégradent difficilement une fois présentes dans l'environnement.
Les PFAS résistent à l'eau, au gras et à la saleté tout en étant stables chimiquement et sur le plan thermique. Grâce à ces caractéristiques, elles sont utilisées dans de nombreux produits de consommation courante, comme les ustensiles de cuisine, les revêtements de papier, les tissus, le fartage de ski ou le fil dentaire. Ils sont également utilisés dans le traitement de la surface des métaux et des plastiques, dans les produits phytosanitaires ou encore dans les extincteurs.
D'après le ministère allemand de l'Environnement, également compétent pour la protection des consommateurs, des effets nocifs pour la santé ont aussi été mis en évidence pour certaines substances PFAS. Un constat particulièrement inquiétant au vu de leur longévité.
Comme l'ont rappelé certaines associations de consommateurs, des études portant sur des échantillons importants de population ont démontré que certains PFAS pourraient endommager le foie, le système hormonal et immunitaire, perturber le métabolisme des graisses, réduire l'effet des vaccins, diminuer le poids à la naissance, nuire à la fertilité et provoquer des cancers.
Les PFAS peuvent s'introduire dans le corps humain à travers les aliments et l'eau. Ils sont détectables dans les sols, l'eau courante, l'alimentation animale et dans divers objets de consommation. Dans l'état actuel des connaissances de l'agence européenne de sécurité alimentaire, les PFAS se trouvent avant tout dans l'alimentation animale.
Différents médias européens ont évalué à 17 000 le nombre d'endroits en Europe qui contiendraient des substances PFAS.
Sur la photo : une évaluation du sol en Bavière.
Il existe deux types de PFAS : ceux à chaîne courte et ceux à chaîne longue. Les premiers vivent très longtemps et se répandent très rapidement dans l'environnement à travers l'eau. Les seconds survivent également longtemps dans l'environnement et dans des organismes vivants, y compris les êtres humains pour certains d'entre eux.
Lorsque des effets sur le système immunitaire des bébés ont été observés, l'agence européenne de sécurité alimentaire a recommandé en 2020 de ne pas dépasser une ingestion de 4,4 nanogrammes de ces produits par semaine et par kilogramme de masse corporelle.
En outre, les associations de consommateurs ont alerté sur le fait qu'on ne peut pas savoir si un produit contient ou non des substances PFAS. En effet, elles ne font l'objet d'aucune obligation d'étiquetage pour la plupart des produits.
Robert Bilott, un avocat américain spécialisé en droit de l'environnement, redoute que les industriels n'utilisent les auditions pour empêcher l'interdiction de ces produits par l'Union européenne.
Bilott a indiqué à la chaîne publique allemande 'NDR' quelle était l'argumentation à attendre de la part du lobby chimique : "Ces substances sont indispensables à notre société. Elles sont contenues en pratique dans tous les produits, dans des objets dont nous avons besoin. Ce qui reviendrait à nous priver de téléphones, de réseaux de 5G, de médicaments capables de sauver des vies. (…) C'est cela que les décideurs publics vont entendre de la part de l'industrie", a-t-il conclu.
Bilott est à l'origine des révélations sur la dangerosité des substances PFAS, qu'il considère comme "un danger pour la santé publique". Depuis plus de vingt ans, il mène des actions en justice contre des entreprises de l'industrie chimique. Son combat a été raconté dans le documentaire "La Vérité empoisonnée".
Dans une interview pour 'NDR', Bilott a alerté des dangers de ces produits : "Il s'agit d'une question de santé publique. Encore récemment, une étude a montré combien de décès pouvaient être imputés aux PFAS depuis 1999 : plus de six millions rien qu'aux États-Unis."
D'après une autre étude, plus de 1 000 enfants examinés seraient touchés par les PFAS en Allemagne. Les analyses de sang ont montré qu'un danger pour la santé ne pouvait pas être exclu sur une proportion considérable d'enfants. Selon l'étude, les causes seraient l'allaitement maternel, l'eau courante contaminée et les sprays imperméabilisants. Mais le sang de personnes adultes affichait aussi une présence de PFAS.
Dans ce contexte, la nouvelle loi adoptée par les députés français interdira dans l'Hexagone à partir de 2026 les produits cosmétiques, le fart (produit appliqué sous les skis et les snowboards), et les produits textiles qui contiennent des PFAS.
Photo : Maarten Duineveld / Unsplash
Le texte de loi devait initialement s'appliquer aux ustensiles de cuisine. Mais, sensible aux arguments des fabricants concernant les risques pour les emplois, la majorité présidentielle a finalement décidé de supprimer l'alinéa mentionnant ces produits.
Quelques jours avant le vote des députés, des salariés de l'entreprise Seb, qui possède Tefal, avaient en effet manifesté contre cette proposition de loi, faute de solutions pour remplacer les PFAS dans la production industrielle des poêles. Restreindre les polluants éternels dans notre quotidien pourrait donc menacer nos emplois. Toutefois, la santé publique n'est-elle pas une priorité ?