La montée de l’antisémitisme en France, une tendance réelle
Une forte résurgence des paroles et actes antisémites a été observée en France depuis le 7 octobre 2023. Dans sa « Radiographie de l’antisémitisme en 2024 », l’IFOP a documenté ce phénomène en chiffres.
Alors que le ministère de l’Intérieur recensait environ 40 actes antisémites par mois entre janvier et septembre 2023, leur nombre a augmenté de 1000 % à la suite des massacres commis en octobre par le H a m a s.
« C’est une constante : la médiatisation d’un événement antisémite d’une gravité extrême agit comme un catalyseur et engendre presque systématiquement une recrudescence des manifestations de haine antijuive », notent les auteurs de l’étude.
Pour mieux cerner le problème, l’institut a mené trois enquêtes : une première auprès d’un échantillon de 2003 Français majeurs représentatifs de la population, une deuxième sur 527 personnes de confession musulmane et une troisième sur 500 personnes de confession ou de culture juive. Une analyse de contenus publiés sur les réseaux sociaux a complété les sondages.
En 2024, 92 % des Français juifs estiment que l’antisémitisme est un phénomène « répandu », contre 85 % en 2022. Dans l’ensemble de la population, cette proportion est de 76 % en 2024 contre 64 % en 2022.
Le rejet ou la haine d’I s r a ë l est une cause de l’antisémitisme selon 73 % des Français de confession juive (57 % dans l’ensemble de la population). Les idées islamistes sont également citées par respectivement 56 % et 45 % des sondés.
Les avis divergent quant aux causes politiques : 42 % des Français juifs mettent en cause les idées d’extrême-gauche (16 % dans l’ensemble de la population). En revanche, les Français dans leur ensemble citent plus souvent le complotisme (35 %) et les idées d’extrême-droite (33 %) que ne le font les personnes de confession juive (respectivement 16 % et 10 %).
L’IFOP a divisé la population française en cinq groupes en fonction du degré de sympathie ou d’hostilité à l’égard des Juifs. Le quatrième groupe (24 % de la population) a un fort degré d’adhésion aux idées antisémites, mais ne tolère pas les actes violents. Le cinquième (10 %) a le même degré d’adhésion et tolère en plus la violence.
Parmi les Français juifs, 65 % de ceux qui ne portent pas ou rarement des signes religieux distinctifs déclarent avoir déjà été victimes de moqueries désobligeantes ou de propos vexants – une proportion qui monte à 87 % chez ceux qui en portent souvent ou toujours.
Ceux qui portent des signes religieux distinctifs sont 67 % à avoir déjà subi des insultes ou des injures, et 37 % des menaces ou des injures sur les réseaux sociaux – contre respectivement 46 % et 27 % chez ceux qui n’en portent pas ou rarement. En revanche, seule une minorité a déjà subi des actes de violences physique pour des motifs religieux.
L’agresseur est connu de la victime dans 47 % des cas (camarade de classe, voisin, collègue). Mais seuls 14 % de ces actes font l’objet d’un dépôt de plainte, souvent à cause du sentiment que les poursuites n’aboutiront pas.
25 % des Français juifs déclarent avoir subi un acte antisémite depuis le 7 octobre, et 12 % indiquent que cela s’est produit à plusieurs reprises.
Selon les données du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), le nombre d’actes antisémites recensés à l’école a bondi depuis le 7 octobre, passant de 0 à 14 par mois entre janvier et septembre 2023 à 60 en octobre et 66 en novembre.
Parmi les parents ayant scolarisé leurs enfants dans le privé, 69 % mentionnent le fait qu’ils y seront plus en sécurité que dans le public au sein de la population juive, contre 32 % dans l’ensemble de la population.
Depuis le 7 octobre, une écrasante majorité de Français de confession juive (86 %) déclare craindre davantage d’être victime d’un acte antisémite (moquerie, insulte, agression physique, tag…).
Si presque autant de Français attribuent au Rassemblement national (51 %) qu’à la France insoumise (53 %) une responsabilité dans la remontée de l’antisémitisme, le parti de Jean-Luc Mélenchon est bien plus dénoncé que celui de Marine Le Pen dans la communauté juive (92 % contre 49 %).
En cas de victoire d’un candidat de la France insoumise à la prochaine élection présidentielle, 57 % des Français juifs se déclarent prêts à quitter la France, contre 19 % dans l’ensemble de la population. L’écart est moins prononcé (30 % contre 21 %) en cas de victoire du RN.
L’IFOP conclut son analyse en évoquant un « impact tangible du conflit israélo-palestinien et de l’événement central du 7 octobre sur la montée de l'antisémitisme en France ».
« 61 % des citoyens français de confession juive rapportent être parfois tenus responsables des événements au Proche-Orient », rappelle également l’étude.
L’institut ajoute que les « résultats de l’étude laissent hélas craindre que la période que nous traversons se traduise par un nouveau repli » et que « l’idéal républicain d’une société fraternelle unie dans la diversité n’a jamais semblé aussi difficile à atteindre ».
La France n’est hélas pas le seul État européen concerné par cette tendance. Euronews relève que 2 249 incidents antisémites ont été recensés en Allemagne entre le 7 octobre et le 24 janvier 2024, soit presque autant que pour toute l’année 2022. En Belgique, 91 actes de ce type ont été signalés entre le 7 octobre et le 7 décembre 2023, contre 57 sur les 12 mois de 2022.