Près d'un Français sur deux serait prêt à voter pour Napoléon s'il revenait : le grand retour des bonapartistes ?
Alors que la France traverse une période d'instabilité politique, l'institut de sondage Odoxa a posé une question originale aux Français : seriez-vous prêt à voter pour Napoléon à la présidentielle de 2027 s'il revenait parmi nous ?
Et le résultat a de quoi surprendre ! 47 % des personnes interrogées se sont déclarées capables de voter pour l'empereur - 12 % certainement et 35 % probablement.
La comparaison est douloureuse pour l'actuel président de la République : 62 % des sondés ont estimé que Napoléon ferait un meilleur dirigeant qu'Emmanuel Macron, les 38 % restants penchant pour le chef d'État actuel.
Figure autoritaire de l'histoire de France, Napoléon reste plus populaire chez les électeurs de droite : 66 % de ceux des Républicains se sont déclarés prêts à voter pour lui. Une proportion qui atteint 65 % dans l'électorat de Reconquête et 57 % chez les supporters du Rassemblement national.
Les électeurs de gauche sont en revanche moins enthousiastes à l'idée de ressusciter l'empereur pour l'installer à l'Élysée : cette perspective séduit seulement 36 % des électeurs socialistes, 38 % des écologistes et 42 % de l'électorat de la France insoumise.
En réalité, l'idée n'est pas si neuve, car la France compte un mouvement bonapartiste qui se revendique de l’héritage des deux Napoléons. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
L’unique mouvement bonapartiste de France, baptisé L’Appel au peuple, a été recréé en 2021. Une date symbolique puisqu’il s’agissait du bicentenaire de la mort de Napoléon Ier sur l’île de Sainte-Hélène.
En réalité, L’Appel au peuple existait déjà sous la IIIe République, sous la forme d’un groupe parlementaire qui rassemblait les partisans d’une restauration impériale en France après la chute du Second Empire. Il a compté plus de 100 députés avant de s’organiser sous forme de parti politique dans les années 1920 et de disparaître en 1940.
Deux ans après sa refondation, le mouvement fondé par son actuel président, David Saforcada, revendiquait un millier de membres actifs.
Si ce petit parti reste relativement confidentiel, il a tout de même réussi à présenter des candidats lors des élections législatives de 2022, au sein d’une coalition de partis souverainistes emmenée par Georges Kuzmanovic, un ancien conseiller de Jean-Luc Mélenchon.
Un peu plus de 200 ans après le décès du premier empereur de France, ce parti revendique l’héritage de Napoléon Ier comme la création du Code civil et de nombreuses institutions qui existent toujours dans la France d’aujourd’hui.
L’Appel au peuple se réclame aussi de Napoléon III dont il revendique l’héritage économique et social, comme l’industrialisation progressive de la France, la libéralisation du droit de grève et des syndicats, ou encore les progrès en matière d’instruction. Mais les aspects les plus discutables des deux empires sont passés sous silence.
La référence à Napoléon et au bonapartisme est souvent revendiquée par Éric Zemmour, le leader du parti d’extrême-droite Reconquête, qui se déclare volontiers « gaullo-bonapartiste » (partisan à la fois du général De Gaulle et de Bonaparte).
Mais le président de Reconquête a été désavoué par L’Appel au peuple. Pour David Saforcada, cité par Slate, « le bonapartisme, lui, n'est pas ethnocentré. D'une part, l'image de Napoléon n'appartient à personne, contrairement à ce que pensent certains politiciens qui se l'approprient. Et sur le côté politique, nous n'oublions pas que le prince Louis était dans la Résistance. Nous n'avons aucune accointance avec l'extrême-droite identitaire ou antisémite. Dans son histoire, le bonapartisme a toujours fait attention à ce piège. »
Le mouvement bonapartiste est d’ailleurs resté neutre durant la campagne présidentielle de 2022, ne soutenant officiellement aucun candidat et n’appelant à voter pour aucun d’entre eux, même lorsqu’ils se réclamaient de la figure de Napoléon.
Mais qu’est-ce exactement que le bonapartisme, deux siècles après la mort de Napoléon Ier et un siècle et demi après la chute de Napoléon III ? Selon la théorie des « trois droites » de René Rémond, la droite bonapartiste se caractériserait par l’exercice autoritaire et vertical du pouvoir et par la recherche d’un soutien populaire direct à travers le plébiscite.
Selon Arthur Chevallier, un spécialiste de Napoléon Iᵉʳ cité par Slate, le bonapartisme serait toutefois différent du gaullisme : « Sous De Gaulle, il y avait des élections libres et régulières. Des plébiscites sous le Second Empire, il y en a eu très peu en vingt ans. La théorie de René Rémond est intéressante, mais elle n'est pas valide dans les faits. »
Pour David Saforcada, cité par Slate, le bonapartisme n’est en tout cas ni de droite ni de gauche : « Nous ne sommes ni ethnocentrés, ni woke, ni en faveur de la lutte des classes. Ce que nous défendons, c'est la participation des salariés dans le capital de leur entreprise, l'exception culturelle, la souveraineté et le développement de l'Outre-mer. »
Mais les bonapartistes forment-ils un mouvement républicain compatible avec les institutions actuelles de la France ? Pour ses membres, la constitution de la Vᵉ République a une forte inspiration bonapartiste. Et Arthur Chevallier ajoute pour Slate que Napoléon « a participé à la création d'un État de droit et de la machine administrative. Même s'il n'était pas un grand démocrate, il y a une grande part républicaine dans l'aventure napoléonienne. »
Si L’Appel au peuple prétend respecter le jeu démocratique, la tradition bonapartiste repose néanmoins sur le pouvoir héréditaire d’un chef. Depuis la mort du Prince impérial en 1879, la descendance est officiellement assurée par la famille du frère de Napoléon. Et son héritier, Jean-Christophe Napoléon Bonaparte, est un financier de haut vol qui a fondé sa propre société, Léon Capital...
Les descendants du Prince Murat, l’une des figures de l’épopée napoléonienne, sont impliqués de leur côté auprès du mouvement bonapartiste. Joachim Murat (sur la photo) est très visible médiatiquement ces derniers temps même si, comme l’assure David Saforcada, il « n'a aucune prétention sur le trône de France ou de Naples dont il est l'héritier ».
Quel est l’avenir des bonapartistes en France, entre recréation d’un parti entièrement dédié à la cause et disparition progressive des revendications de restauration impériale ? En attendant l’improbable hypothèse d’une victoire dans les urnes, la figure de l'empereur reste très populaire parmi la population française !