Peng Shuai réapparait pendant les Jeux d'hiver de Pékin
Des personnalités du monde entier se sont réunis à Pékin pour célébrer les Jeux olympiques d'hiver de 2022. Mais c'est bien la présence de Peng Shuai qui a attiré toute l'attention des médias. Il y a quelques mois, la joueuse de tennis était au cœur d'une affaire liée à ce qu'on appelle le "mouvement #MeToo chinois".
La triple championne olympique, que l'on voit ici en compagnie du président du Comité international olympique, Thomas Bach, a accordé une interview au journal L'Equipe en début de semaine. Un entretien qui s'est déroulé sous le contrôle d'un représentant olympique chinois. Peng Shuai y affirme que les allégations d'abus sexuels qu'elle avait rendues publiques en novembre dernier étaient en fait "un malentendu".
Depuis le mois de novembre 2021, les accusations, la disparition et la réapparition soudaine de Peng Shuai avaient attiré l'attention de nombreux militants des droits de l'homme en Occident. Elle était apparue le 3 février lors d'une audience du Congrès américain intitulée "Les Jeux olympiques de Pékin et les visages de la répression".
Dans le même temps, des manifestants anti-gouvernement chinois ont été vus portant des T-shirts sur Peng Shuai lors de l'Open d'Australie en janvier dernier.
Malgré les efforts déployés par la Chine pour étouffer le scandale, les accusations portées par la joueuse de tennis à l'encontre de l'ancien vice-Premier ministre chinois Zhang Gaoli font toujours l'objet de spéculations dans le monde entier.
Lisez la suite pour en savoir plus sur la disparition mystérieuse de la star du tennis chinois en novembre.
Peng Shuai a soudainement disparu des radars pendant un certain temps en novembre 2021. À l'époque, le monde occidental avait exigé de savoir où elle était. On soupçonnait alors le gouvernement chinois de l'avoir mise en prison, ou pire.
Même après que Peng ait été aperçue lors d'un tournoi pour enfants à Pékin (photo) le 21 novembre, des questions subsistent autour de cette affaire. Des images comme celle-ci ont été largement diffusées par les médias d'État chinois.
Image : Weibo China Open
Le dimanche 21 novembre, le président du Comité international olympique (CIO) Thomas Bach avait eu un appel vidéo avec la joueuse chinoise. Peng Shuai aurait alors expliqué « qu'elle était en sécurité et en bonne santé, qu'elle vivait chez elle à Pékin, mais qu'elle souhaitait que sa vie privée soit respectée pour le moment », avait indiqué le CIO dans un communiqué.
La veille de la conversation, Hu Xijin, un journaliste qui entretient des liens étroits avec le gouvernement chinois, avait publié une vidéo de Peng Shuai en train de dîner dans un restaurant avec son entraîneur. Dans la vidéo, la conversation à table fait apparaître la date de l'enregistrement, une curiosité qui a généré plus de questions que de réponses.
L'un des plus sceptiques quant à la vidéo et à la réapparition soudaine de Peng Shuai était Steve Simon, président et directeur général de la Women's Tennis Association (WTA). "S'il est positif de la voir, il n'est pas certain qu'elle soit libre et capable de prendre des décisions et d'entreprendre des actions par elle-même, sans coercition ni interférence extérieure", avait déclaré le président.
"Cette vidéo ne change rien à notre appel à une enquête complète, juste et transparente, sans censure, sur son allégation d'agression sexuelle, qui est la question qui a donné lieu à notre préoccupation initiale", a déclaré Simon, photographié ici lors de la finale de la WTA à Shenzhen, en Chine, en 2019.
Les accusations d'agression faite par Peng Shuai ont déclenché une tension diplomatique pendant plusieurs semaines. Le 2 novembre, la joueuse de tennis n’avait plus montré signe de vie après avoir porté des accusations majeures contre un membre très important de la hiérarchie du pouvoir chinois. Ce silence était une preuve suffisante, pour les médias occidentaux du moins, que la championne de tennis avait "disparu".
La championne de 35 ans avait publiquement accusé de viol l’un des dirigeants de son pays. Via son compte Weibo, l’équivalent de Twitter en Chine, elle avait révélé qu’elle avait été plusieurs fois abusée par un certain Zhang Gaoli, l'ex-vice Premier ministre de Chine.
« Et quand bien même je suis un œuf qui s’attaque à une pierre, ou un papillon de nuit à une flamme, courant à mon autodestruction, je dirai la vérité sur vous », avait-elle notamment écrit dans ses posts. Mais rapidement, les messages ont été effacés par les autorités locales. Aujourd'hui toute référence à l'affaire est censurée sur l'Internet chinois.
C'est ainsi que le mystère de Peng Shuai est né. Les médias occidentaux ont commencé à soupçonner le gouvernement chinois d'avoir pris des mesures répressives, ce que les organisations humanitaires avaient déjà signalé auparavant. Peng Shuai était-elle détenue ?
Au vu de la situation inquiétante, les hashtags #WhereIsPengShuai, puis #FreePengShuai sont devenus viraux sur les réseaux sociaux. Les internautes, mais aussi des joueurs et joueuses de tennis avaient affiché leurs craintes sur les réseaux. La championne Naomi Osaka s’était dite « choquée » par la situation.
« Je connais Peng depuis qu'elle a 14 ans, nous devrions tous être inquiets, c'est grave, où est-elle ? Est-elle en sécurité ? Toute information serait appréciée », avait réagi l’ancienne joueuse américaine Chris Evert.
Contre toute attente, le mercredi 17 novembre, la chaine de télévision d'État chinoise CGTN avait publié un mail qui aurait été écrit par la joueuse de tennis elle-même, à l'attention du patron de l’Association des joueuses de tennis (WTA), Steve Simon. Mais l’authenticité du mail fait douter…
Dans ce mail, on pouvait lire : « Bonjour à tous, c'est Peng Shuai. Les informations, notamment concernant l’accusation d’agression s*xuelle, sont fausses. Je ne suis ni disparue ni en danger. J’étais juste au repos chez moi, tout va bien. Merci encore d’avoir pris de mes nouvelles. »
L'incident a affecté les relations entre la Women's Tennis Association et la République populaire de Chine. Après la publication de l'e-mail, Steve Simon a déclaré qu'il était prêt à boycotter le pays si la WTA n'obtenait pas une réponse claire.
"Si, à la fin de la journée, nous n'avons pas les preuves que nous demandons, nous serons prêts à cesser nos activités en Chine", avait déclaré le président de la WTA au New York Times.
William Nee, membre de l’association des Défenseurs des droits de l’Homme en Chine a lui aussi appelé à être vigilant quant à l’authenticité de ce fameux mail. Il avait expliqué au Guardian que "le gouvernement chinois a une longue histoire de détention arbitraire de personnes impliquées dans des affaires controversées, de contrôle de leur capacité à s'exprimer librement et de déclarations forcées."
CGTN, la chaîne de télévision qui a publié l’e-mail de Peng Shuai, a perdu sa licence de diffusion au Royaume-Uni au début de l'année 2021 après avoir diffusé les faux aveux de Peter Humphrey, un journaliste britannique détenu en Chine.
En 2013, l'ancien reporter du Reuters avait été contraint de faire de faux aveux diffusés à la télévision chinoise alors qu'il était « enfermé dans une cage, menottes aux mains, attaché à une chaise en métal », avait indiqué Humphrey.
Si vous n’êtes pas un amateur de tennis, vous ne connaissez peut-être pas la championne. Pourtant la chinoise a déjà gagné des Grands Chelems deux années de suite. C’est en double que la jeune femme brille. Avec sa partenaire taiwanaise Hsieh Su-wei, elle remporte en 2013 le double dames de Wimbledon, puis celui de Roland Garros l’année suivante.
La tenniswoman devient numéro 1 mondiale de sa discipline en février 2014 et le restera pendant vingt semaines. Elle est la première joueuse chinoise à atteindre ce niveau, et devient alors une star dans son pays.
Au total, Peng Shuai a remporté 24 tournois en double, et 4 en simple. Aujourd’hui âgée de 35 ans, elle n’a plus joué de tournoi WTA depuis février 2020. Elle avait alors perdu au second tour en double au Qatar Total Open de Doha.
Peng Shuai avait été suspendue pendant 6 mois en 2018 par la TIU (Tennis Integrity Unit) et avait écopé d’une amende de 10 000€ pour avoir essayé de contraindre sa partenaire en double de l’époque, la belge Alison Van Uytvanck, de se retirer du tournoi de Wimbledon en 2017...
La tenniwxoman belge avait expliqué : « Cela s'est passé en qualifications. Mon ancien coach Alain De Vos et moi avons été harcelés jour et nuit par Peng Shuai qui voulait que je me retire du double. Elle voulait jouer avec Mirza alors que la deadline d'inscription était déjà passée. » Peng Shuai et son entraineur voulaient offrir une récompense financière à la joueuse belge en échange de son retrait au double dames de Wimbledon. Les deux joueuses rejoueront pourtant ensemble par la suite.
On ne peut aujourd'hui que spéculer sur ce qu'il s'est passé en coulisses avec Peng Shuai. On ne peut qu'espérer qu'un jour la vérité éclatera, mais surtout, que les hommes puissants qui exploitent leur position pour abuser des femmes seront tenus pour responsables, d'une manière ou d'une autre.