Que signifie la réélection d'Erdogan pour l'Occident ?
Les Turcs ont voté une nouvelle fois en faveur du président Recep Tayyip Erdogan. Cette réélection controversée n'est pas sans conséquence pour l'Occident car la Turquie reste un partenaire important et un membre de l'OTAN.
Recep Tayyip Erdogan a dirigé le gouvernement turc de 2003 à 2014, année durant laquelle il est devenu chef de l'État. Il vient d'être réélu pour un nouveau mandat de cinq ans.
En Turquie, le président de la République est élu au suffrage universel direct : 60 millions d'électeurs turcs ont donc pu prendre part à cette élection.
Trois candidats s'étaient présentés à l'élection présidentielle : le président sortant Erdogan, Kemal Kilicdaroglu (sur la photo), le candidat de la "Table des Six", l'alliance des oppositions qui réunissait six partis, et Sinan Ogan de l'Alliance ancestrale.
Lors du premier tour de l'élection qui s'est tenu le 14 mai, aucun des candidats n'a remporté la majorité absolue, synonyme d'élection directe. Erdogan et Kilicdaroglu ont réalisé chacun un score supérieur à 40 %, tandis qu'un peu plus de 5 % des suffrages se sont portés sur Ogan.
Par conséquent, un second tour a eu lieu pour la première fois dans l'histoire du pays le 28 mai, afin de départager Erdogan et Kilicdaroglu. Ogan a appelé de son côté à voter pour Erdogan.
Erdogan a obtenu plus de 50 % des voix au second tour, ce qui lui permet d'exercer un troisième mandat de président. Cité par 'CNN', l'homme politique a commenté le résultat de l'élection : "Nous ne sommes pas les seuls vainqueurs, les gagnants sont la Turquie, l'ensemble de notre société et notre démocratie."
Selon 'The Guardian', Erdogan avait d'abord promis une "campagne tranquille" en raison du tremblement de terre qui avait endeuillé la Turquie. Mais durant la campagne électorale, il a souhaité "assurer aux électeurs qu'il serait en mesure de régler les problèmes du pays, et notamment la détérioration de la situation économique."
La Turquie a actuellement un taux d'inflation de presque 44 %, ce qui a fait exploser les prix des loyers, de l'alimentation et des biens de consommation courante. Mais selon la 'BBC', cette situation aurait été "aggravée par le refus d'Erdogan de mener une politique économique orthodoxe en relevant les taux d'intérêt".
La victoire d'Erdogan a été copieusement fêtée à Ankara. Selon la 'BBC', les partisans du leader turc se soucieraient moins de la situation économique que de la lutte qu'il mène contre les "terroristes", y compris les combattants kurdes.
Kilicdaroglu a commenté l'élection qui s'est achevée avec les mots suivants : "Cette campagne électorale a été la plus injuste de toute notre histoire... Nous n'avons pas plié face au climat de peur." Le candidat malheureux a ajouté : "Cette élection a prouvé la volonté du peuple de se débarrasser d'un gouvernement autoritaire, malgré toutes les pressions."
Cité par 'CNN', Kilicdaroglu a également déclaré : "Ce qui me rend vraiment triste, ce sont les jours difficiles qui attendent notre pays." Les chefs d'États russe, qatari, libyen, algérien, hongrois et iranien, ainsi que les dirigeants de l'Autorité palestinienne, ont été parmi les premiers à féliciter Erdogan.
La victoire d'Erdogan a des conséquences importantes pour l'Occident car la Turquie fait partie de l'OTAN. Son armée est la plus importante de l'Alliance en nombre de soldats actifs après celle des États-Unis, et la Turquie participe à des missions communes. Mais Erdogan a également de bonnes relations avec le président russe Vladimir Poutine, même s'il soutient par ailleurs l'Ukraine en livrant des armes à ce pays.
Par le passé, l'Occident a considéré la Turquie comme un "pont entre l'Europe et le Proche-Orient", selon Katya Adler de la 'BBC'. Mais la guerre en Ukraine a fait évoluer cette position.
Tout comme la Hongrie, la Turquie d'Erdogan a bloqué l'adhésion de la Suède à l'OTAN. Mais les États-Unis souhaitent désormais que cette position évolue, car l'intégration de la Suède dans l'Alliance permettrait de sécuriser la Mer Baltique face la menace russe.
Mais 'CNN' a rapporté qu'Erdogan souhaitait conserver sa relation "particulière" avec Vladimir Poutine. Le président turc a fait savoir qu'il continuerait de bloquer l'entrée de la Suède dans l'OTAN. Un refus qu'il justifie en accusant ce pays de refuser d'extrader des terroristes kurdes vers la Turquie.
Erdogan fait donc dépendre son feu vert pour l'adhésion de la Suède à l'OTAN de l'extradition de ces personnes vers son pays. Stockholm a fait savoir en retour que seule la justice suédoise pouvait décider de mesures d'extradition.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui aussi félicité Erdogan pour sa réélection sur son compte Twitter : "Nous comptons sur la poursuite du partenariat stratégique au service de nos pays, et sur le renforcement de la coopération pour la sécurité et la stabilité de l'Europe."