Qui est Eva Kaili, l'ex vice-présidente du Parlement européen soupçonnée de corruption ?
Elle a un visage d'ange, et pourtant, son nom est associé à une affaire de corruption en lien avec le Qatar. Eva Kaili, eurodéputée grecque, a comparu ce jeudi 22 décembre devant le juge pour appartenance à une organisation criminelle, corruption et blanchiment d'argent. Pour le moment, sa détention a été prolongée d'un mois.
Le 9 décembre 2022, l'eurodéputée sociale-démocrate a été arrêtée par la police belge dans le cadre d'une enquête pour corruption au profit du Qatar. Près de 150 000 euros en liquide auraient été saisis lors de la perquisition de son appartement bruxellois.
D'après les documents consultés par Le Soir et La Repubblica, le père d'Eva Kaili aurait été arrêté à l'hôtel Sofitel de Bruxelles avec une valise pleine de billets, que la jeune femme lui aurait demandé de cacher.
Si son nom vous était probablement inconnu avant les révélations du "Qatargate", Eva Kaili est en réalité une femme politique redoutable. L'ascension fulgurante de sa carrière politique en est la preuve.
En 1998, Eva Kaili rejoint le mouvement socialiste PASOK, et devient conseillère municipale de la ville dans laquelle elle est née 20 ans plus tôt, Thessalonique. Elle suit alors des études d'architecture.
Passionnée par la politique, la jeune Grecque a de grandes ambitions. À 26 ans, elle se présente à ses premières élections législatives, dans la première circonscription de Thessalonique. Mais elle échoue.
Alors qu'elle est diplômée d'architecture, c'est finalement vers le journalisme que la jeune femme se tourne. Entre 2004 et 2007, Eva Kaili présente les journaux télévisés du week-end sur la chaîne Mega TV.
La deuxième fois sera la bonne. En 2007, elle est élue députée au Parlement grec sous l'étiquette du PASOK. À seulement 29 ans, elle est la plus jeune députée de son parti politique. Durant son mandat, elle participe notamment à une commission spéciale pour les Grecs à l'étranger.
Elle gravit un nouvel échelon politique en 2014, lorsqu'elle est élue députée au Parlement Européen. Elle fait alors partie du groupe des socialistes et démocrates. Après un premier mandat de cinq ans, l'eurodéputée est réélue en 2019.
Mais son ascension politique ne s'arrête pas là. Ambitieuse et déterminée, Eva Kaili se présente à la vice-présidence du Parlement européen en janvier 2022, et est élue dès le premier tour. Elle rejoint ainsi le Bureau du Parlement dont le rôle est, entre autres, de fixer les règles de l'institution, aux côtés de 13 autres vice-présidents.
Prenant régulièrement des positions proches de celles de la droite, Eva Kaili ne fait pas l'unanimité de son parti, le PASOK. En 2019, elle s'est par exemple opposée à un projet d'aide sociale pour les familles pauvres, en affirmant : "Les allocations sont pour les fainéants."
Durant son mandat de député européenne, Eva Kaili a fait partie d'une délégation visant à développer les relations entre l'Union Européenne et la péninsule arabe. C'est dans ce cadre qu'elle a commencé à tisser des liens avec le Qatar.
Le 22 novembre dernier, au début du Mondial de football, Eva Kaili avait notamment déclaré : "Aujourd’hui, la Coupe du monde de football au Qatar est une preuve concrète de la façon dont la diplomatie sportive peut aboutir à une transformation historique d’un pays dont les réformes ont inspiré le monde arabe."
L'eurodéputée avait également déclaré devant l'hémicycle du Parlement européen : "Le Qatar est pionnier en matière de droits du travail".
Le 9 décembre 2022, Eva Kaili est interpellée à Bruxelles par la police belge, et est inculpée et écrouée deux jours plus tard pour "corruption", impliquant des cadeaux et des versements d'argent liquide. Dans la foulée, elle est exclue de son parti politique PASOK, suspendue par son groupe parlementaire social-démocrate et déchue de ses fonctions de vice-présidente du Parlement européen.
Si Eva Kaili est aujourd'hui le visage de cette affaire de corruption, elle n'est pourtant pas la seule à avoir été écrouée. Le jour de son arrestation, le parquet fédéral belge a également interpellé quatre autres suspects à Bruxelles, et deux en Italie.
Assistant parlementaire de l'eurodéputée belge Marie Arena, et compagnon d'Eva Kaili depuis 2020, l'Italien Francesco Giorgi (au centre de la photo) a, lui aussi, été mis en détention dans cette affaire. D'après le journal Le Soir, Francesco Giorgi aurait avoué avoir accepté des pots-de-vin de Doha afin d'influencer les décisions du Parlement européen à l'égard du Qatar et du Maroc, et aurait désigné l'ancien eurodéputé italien Antonio Panzeri, qui serait le cerveau de cette opération de corruption.
De son côté, l'ancienne vice-présidente du Parlement européen dément avoir reçu de l’argent du Qatar pour influencer ses décisions politiques. Son avocat grec, Michalis Dimitrakopoulos (photo), a affirmé qu'Eva Kaili "ne connaissait pas l’existence de cet argent", et accuse son compagnon d’avoir "trahi la confiance". La justice tranchera sur les responsabilités de chacun.