Qui est vraiment Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien ?
Alors que le conflit entre Israël et le Hamas provoque des divisions et des remous dans le monde entier, menaçant de déboucher sur une guerre plus vaste, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, détient un pouvoir considérable. C'est à lui qu'il revient de déterminer jusqu'où son pays ira pour répondre à l'attaque du groupe armé du 7 octobre 2023. Il est donc crucial d'en savoir un peu plus sur cette personnalité politique.
Connu sous le surnom de "Bibi", Benyamin Nétanyahou est le Premier ministre israélien qui est resté le plus longtemps en fonction, façonnant la scène politique du pays depuis le milieu des années 1990. Mais qui est-il vraiment ? Quelles sont ses convictions ? Et comment est-il devenu si influent ? Continuez de lire cet article pour en savoir un peu plus sur cet homme d'État au centre de l'actualité ces jours-ci.
Benyamin Nétanyahou est né dans une famille laïque à Tel Aviv le 21 octobre 1949, quelques mois seulement après la création de l'État d'Israël.
Photo : Benyamin Nétanyahou (3ᵉ à gauche, deuxième rang) lors d'un événement scout le 10 juin 1957 à Jérusalem.
Selon un article du 'New Yorker', son père était un historien nationaliste et l'une des figures historiques de la droite sioniste qui faisait pression sur les États-Unis pour soutenir la création d'un État juif.
Lorsque son père est décédé à l'âge de 102 ans en 2012, sa nécrologie publiée dans le 'New York Times' l'a décrit comme un "faucon implacable". "Il affirmait que les Juifs étaient inévitablement confrontés à une discrimination raciale, et non religieuse, et qu'il était futile de faire des compromis avec les Arabes".
Le grand-père paternel de Benyamin Nétanyahou, Nathan Mileikowsky, a également été un élément clé. Né en Russie, il a été témoin des pogroms et de l'antisémitisme dans ce pays et a vu dans la création de l'État d'Israël la réponse aux problèmes des Juifs, selon la biographie "Bibi" d'Anshel Pfeffer. Non seulement il s'est installé en Palestine sous contrôle britannique en 1920, mais il a aussi rallié la cause en Angleterre et aux États-Unis.
Photo : Photographe inconnu, via Wikimedia
Benyamin Nétanyahou (à droite sur la photo), a passé une grande partie de sa jeunesse à faire des allers-retours entre Israël et les États-Unis, où son père enseignait à l'université. Aux côtés de son frère Yoni, qu'il admirait beaucoup, il s'est imprégné des deux cultures. Selon Anshel Pfeffer, "Bibi" était un enfant intelligent qui, plus tard, a particulièrement excellé dans l'art oratoire.
Après avoir obtenu son diplôme dans un lycée de Pennsylvanie en 1967, il s'est engagé dans les forces de défense israéliennes. Il y devient chef d'équipe. Prenant part à des missions de raids, il a décrit comment il a frôlé la mort à plusieurs reprises. Devenu commando, il a mené des attaques en Syrie et a participé à la guerre du Kippour.
Benyamin Nétanyahou a étudié l'architecture aux États-Unis, peut-être inspiré par le personnage principal de son livre préféré de l'époque, selon son biographe, 'La Source Vive'/'The Fountainhead' d'Ayn Rand (en photo). Il a ensuite poursuivi avec un master en commerce au sein du prestigieux MIT.
Photo : 'The Fountainhead', 1943, Bobbs-Merrill Company via Wikimedia
Pendant que Benyamin étudiait aux États-Unis, son frère Yonatan avait rejoint l'armée israélienne et était une légende (bien plus que Bibi). Cependant,"Yoni" a été tué au combat. Il avait tout juste 30 ans. Selon le 'New Yorker', la plupart des écoliers du pays le considèrent toujours comme un martyr et un penseur important de sa génération.
À l'époque, Benyamin Nétanyahou travaillait comme consultant en affaires, mais la mort de son frère a changé la donne. "Bibi" a créé par la suite une fondation antiterroriste en son nom, ce qui l'a amené à se lancer dans la politique. "Son décès a transformé ma vie et l'a orientée vers son cours actuel", a déclaré le Premier ministre israélien à 'Newsweek'. "Ma vision du monde a tout simplement été réaffirmée".
Photo : Le pasteur américain Jerry Falwell aux côtés de Benyamin et Fleur Netanyahou
Alors que le Premier ministre a une vision du monde très américaine, Anshel Pfeffer définit l'état d'esprit de Benyamin Nétanyahou comme paranoïaque et assoiffé de pouvoir. Il affirme que "Bibi" pense que l'existence d'Israël "reste aussi précaire que celle de la dynastie hasmonéenne de Judée", ce qui revient à dire que l'existence d'Israël, malgré ses réalisations, ne tient qu'à un fil. Ces convictions font écho à celles de son père.
Ayant passé la plus grande partie de sa vie non militaire aux États-Unis, Benyamin Nétanyahou a fini par travailler à l'ambassade de l'État d'Israël auprès des Nations unies entre 1984 à 1988. Selon la biographie du journaliste et écrivain Anshel Pfeffer, il est devenu le principal interlocuteur de nombreuses chaînes de télévision américaines, expliquant la situation dans le pays.
Avant les élections israéliennes de 1988, Benyamin Nétanyahou est rentré au pays et a rejoint le parti de droite, le Likoud. Grâce à l'apport de techniques et de conseillers américains, ses débuts sur la scène politique de son pays ont été intelligents et puissants. En 1993, il est devenu le leader du parti et le chef de l'opposition israélienne.
Au début des années 1990, Israël et la Palestine se sont rapprochés le plus possible de la paix avec les accords d'Oslo. Toutefois, certains, dont Benyamin Nétanyahou, s'y sont opposés. Il estimait que ces premiers jalons ne feraient qu'accroître la violence. Lorsque le Premier ministre Yitzhak Rabin (en photo), qui avait participé aux négociations, a été assassiné par un extrémiste de droite, certains ont blâmé la rhétorique de "Bibi", bien que son biographe réfute l'idée qu'il ait directement encouragé la révolte.
Après cet assassinat, la gauche israélienne s'est fortement mobilisée en faveur de la paix. Cependant, une campagne de terreur palestinienne en 1996 a donné du crédit à la position plus dure de Nétanyahou en matière de sécurité. Bill Clinton a promu l'autre candidat, mais, à la surprise générale, "Bibi" a été élu de justesse.
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Nadav Safran, professeur à l'université de Harvard, a prévenu qu'il ralentirait le processus de paix et provoquerait même un nouveau conflit armé avec les Palestiniens. Il est resté Premier ministre pendant trois ans, mais ses scandales personnels et de corruption ont fini par le faire tomber.
Benyamin Nétanyahou a perdu la direction de son parti, mais a été nommé chef de la diplomatie et ministre des Finances en 2002, alors que l'économie du pays avait chuté pendant la seconde Intifada. À ce titre, "bibi" a libéralisé l'économie israélienne, attirant un nombre record d'investissements étrangers et rapprochant son pays des États-Unis, comme il le fera tout au long de sa carrière politique. Il démissionne en 2005 pour manifester son désaccord avec le plan de désengagement de la bande de Gaza, ce qui est interprété par les médias comme un glissement à droite.
Photo : Tel Aviv, Shai Pal/Unsplash
La gauche israélienne, en perte de vitesse, réprouve depuis longtemps Benyamin Nétanyahou. Selon le 'New Yorker', elle estime qu'il a "tué le processus de paix" symbolisée par les accords d'Olso de 1993 et 1995. En effet, dans une vidéo divulguée en 2000, on l'entend décrire comment il a trompé les Américains en leur faisant croire qu'il respecterait les conditions du consensus.
Lorsqu'il a été réélu Premier ministre, Benyamin Nétanyahou a exposé clairement ses conditions : Jérusalem serait la capitale unifiée de l'État, les Palestiniens ne pourraient pas avoir d'armée et devaient renoncer à leur droit au retour. Il a également plaidé en faveur de la "croissance naturelle" des colonies juives. Un haut fonctionnaire arabe a déclaré que de tels propos fermaient définitivement la porte aux négociations.
Dans un discours prononcé en 2009 devant les Nations unies, Benyamin Nétanyahou a souligné la menace que l'Iran représentait pour son pays et le monde entier. Ses efforts diplomatiques pour isoler cette nation l'a quelque peu éloigné du gouvernement d'Obama qui avait entrepris à l'époque des négociations sur le nucléaire avec son homologue perse, sans compter les accords d'Abraham, signés en septembre 2020 à l'initiative du gouvernement de Trump, qui avaient pour but de normaliser les rapports diplomatiques entre Israël et les Émirats arabes unis d'une part, et Israël et le Bahreïn d'autre part.
Tout au long de sa carrière politique, Benyamin Nétanyahou a été confronté à des allégations de corruption. Mais il a fait l'objet d'une enquête de police à partir de 2017 pour avoir obtenu des faveurs de la part d'hommes d'affaires. En 2019, il a été officiellement inculpé pour corruption et fraude. En novembre 2023, son procès est toujours en cours.
Après 12 années consécutives au poste de Premier ministre, une coalition informelle d'opposants politiques s'est réunie pour l'écarter du pouvoir en 2021. Après cette décision spectaculaire, Benyamin Nétanyahou a accusé ses rivaux d'être faibles et s'est engagé à "renverser ce gouvernement dangereux" dans un discours de concession.
Benyamin Nétanyahou est revenu au pouvoir à la tête d'une coalition plus dure, intégrant des politiciens d'extrême droite dans son gouvernement. Il s'est d'ailleurs attiré les foudres de la communauté internationale en approuvant un grand nombre de nouvelles colonies (illégales) en Cisjordanie. Il a aussi annoncé une réforme judiciaire controversée. Voté en décembre 2022, ce texte de loi autorise une personne reconnue coupable d'un crime d'entrer aux plus hautes fonctions de l'État.
Les remaniements proposés ont déclenché les plus grandes manifestations de l'histoire d'Israël. Les militaires, eux aussi, ont menacé de se mettre en grève. Lorsque le ministre de la Défense a demandé le retrait de la réforme judiciaire, il a été évincé le lendemain, ce qui a provoqué de nouvelles révoltes. L'État était devenu extrêmement polarisé contre le gouvernement, qui, selon ses opposants, menaçait la démocratie.
Dans ce contexte, Israël a été pris au dépourvu le 7 octobre, lorsque des membres du Hamas (le mouvement de résistance i s l a m i q u e) ont brutalement attaqué des civils israéliens près de la bande de Gaza. Fidèle à sa politique, Benyamin Nétanyahou a fait le serment "d'anéantir le groupe armé coûte que coûte" et a placé la ville en état de siège.
Contrairement à de nombreux dirigeants en temps de guerre, la popularité de Benyamin Nétanyahou s'est effondrée au lendemain des attentats. Selon un sondage publié par le 'Jerusalem Post', 56 % des Israéliens pensent que le Premier ministre devrait démissionner à la fin du conflit. Par ailleurs, 86 % d'entre eux reprochent aux hommes politiques de n'avoir pas suffisamment protégé le pays contre cette attaque surprise.
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