Renforcer les lois sur le contrôle des armes à feu : les États-Unis doivent-ils prendre exemple sur les pays développés ?
Après les fusillades de masse qui ont touché récemment les États-Unis, le président américain Joe Biden a promulgué une loi en faveur d'un contrôle accru des armes à feu au mois de juin dernier. De nouvelles limitations sur les armes vont être instaurées et 13 milliards de dollars seront destinés à la santé mentale et à la sécurité dans les écoles. Mais qu'en est-il des autres pays développés ? Comment le Canada, le Japon ou le Royaume-Uni réagissent-ils face à de telles attaques ?
''Après Columbine, Sandy Hook, Charleston, Orlando, Las Vegas, Parkland, rien n'a été fait. Cette fois, il faut faire quelque chose,'' a déclaré Biden.
À l'heure actuelle, le 'New York Times' dénombre 19 fusillades aux États-Unis, les plus récentes étant celles qui se sont déroulées à Tulsa, Oklahoma ; Uvalde, Texas et Buffalo, New York. Une nouvelle fusillade a endeuillé le pays, pendant les festivités du 4 juillet, au nord de Chicago.
À la suite des récents événements survenus aux États-Unis, le gouvernement canadien s'est engagé à geler l'importation, la vente, l'achat et le transfert des armes de poing dans dix provinces.
Le premier ministre Justin Trudeau a également déclaré que le gouvernement commencerait à racheter les armes d'assaut illégales d'ici la fin de l'année.
Le 'New York Times' fait remarquer que si les lois canadiennes sur les armes à feu sont plus strictes que celles des États-Unis, elles restent assez laxistes par rapport à la plupart des pays développés, surtout si on compare le pays de 'l'Oncle Sam' à l'Australie ou le Royaume-Uni.
C'est en 1989 que le Canada a approuvé pour la première fois d'importantes réformes et restrictions concernant la possession d'armes à feu. Cette décision a été prise à la suite du massacre de l'École polytechnique, au cours duquel un homme antiféministe de 25 ans a tué 14 étudiantes à Montréal en prétendant qu'il "combattait le féminisme". Il s'agit du ''premier féminicide contemporain de masse revendiqué''.
Photo : Veillée du 25e anniversaire pour commémorer les victimes de l'attaque à Montréal en 2014.
Les faits se sont déroulés les 18 et 19 avril 2020. Un habitant de la Nouvelle-Écosse (Canada), âgé de 51 ans, tue 22 personnes avant de retourner l'arme contre lui. Cet incident a amené le gouvernement canadien, dirigé par Justin Trudeau, à interdire les "armes à feu de type assaut" dans le pays.
Les détracteurs du premier ministre canadien se sont toutefois empressés de souligner que l'auteur de la fusillade avait acquis illégalement les armes qu'il a utilisées. Dans l'ensemble, de nombreux pays ont restreint ou globalement interdit la plupart des armes à feu après une ou deux fusillades.
En 1987, un homme de 27 ans souffrant de troubles mentaux a abattu 16 personnes avant de mettre fin à ses jours à Hungerford, en Angleterre. Au lendemain du massacre, le Parlement a adopté la loi de 1988 sur les armes à feu (amendement), qui interdit la possession de fusils semi-automatiques au Royaume-Uni.
Photo : La première ministre du Royaume-Uni, Margaret Thatcher, sur les lieux de l'attaque (Hungerford).
La fusillade survenue en 1996 dans une école de Dunblane, en Écosse, a contraint le gouvernement britannique à renforcer son contrôle, en interdisant la possession d'armes de poing par les civils, à de très rares exceptions près, sous l'impulsion du successeur de Thatcher, le premier ministre conservateur John Major.
Le 13 mars 1996, un ancien chef scout, accusé de comportement inapproprié, a abattu 16 élèves, âgés de quatre à six ans, ainsi qu'un enseignant. Il en a aussi blessé 15 autres. Les faits se sont déroulés à l'école primaire de Dunblane (à environ 10 km au nord de Stirling au Royaume-Uni) avant de retourner l'arme contre lui.
Le Royaume-Uni n'a connu que deux fusillades de masse notables depuis 1996 : Cumbria en 2010 et, plus récemment, Plymouth en 2021.
Le 'New York Times' a rapporté qu'autrefois, l'Australie avait une affinité culturelle avec les armes à feu similaire à celle des États-Unis. Tout a changé en 1996, après la tuerie de Port Arthur. Des modifications importantes ont été apportées au niveau de la législation. La fusillade, parmi les plus meurtrières de l'histoire australienne, avait fait 35 morts et 23 blessés. L'assassin, Martin Bryant, a été condamné à perpétuité.
Un jeune homme de 25 ans, en proie à des problèmes financiers et personnels, a tiré sur 58 personnes, tuant 35 d'entre elles à Port Arthur, en Tasmanie. L'attaque a conduit à un durcissement des lois sur les armes à feu en Australie.
Photo : Service commémoratif du 20e anniversaire du massacre de Port Arthur.
Cela a conduit à un rachat d'armes à feu à l'échelle nationale. 'The Guardian' rapporte que le gouvernement australien a fini par acquérir plus de 650 000 armes à feu grâce à ce programme, qu'il a finalement détruites. Selon le 'New York Times', 20 à 30 % des armes à feu du pays ont été retirées de la circulation.
La Nouvelle-Zélande, dirigée par la Première ministre Jacinda Ardern, a approuvé une réglementation plus stricte sur les armes à feu en mars 2019. À l'époque, selon le magazine 'TIME', on en comptait une pour quatre personnes dans le pays.
Cette mesure a été approuvée une semaine après qu'un suprémaciste blanc a tué 51 fidèles dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
Le Ministre de la police néo-zélandaise a indiqué qu'en décembre 2019, environ 60 000 armes à feu avaient été retirées de la circulation. La plupart avaient été rachetées par le gouvernement dans le cadre d'un programme de rachat en vertu de l'amnistie similaire à celui de l'Australie.
L'Union européenne a durci sa politique déjà très stricte en matière de possession d'armes à feu en 2021. La directive (UE) 2021/555 divise les armes en 3 catégories : A, B, et C.
La catégorie A comprend les armes les plus dangereuses, telles que les semi-automatiques. Il est pratiquement impossible de posséder une arme de classe A à moins d'avoir une disposition d'un État membre. La seconde (B) nécessite un permis. Quant à la dernière (C), il est obligatoire de la déclarer.
L'État d'Israël est l'un des exemples les plus souvent cités par le parti Républicain américain à l'appui des politiques pro-armes, affirmant que les Israéliens sont bien entraînés et, surtout, bien armés. La réalité, cependant, est que le pays dispose d'une réglementation assez stricte en matière d'armes à feu.
Cependant, il faut demander un permis et enregistrer la propriété de l'arme et la justifier. Les demandeurs doivent avoir 21 ans, être citoyens israéliens (ou résidents permanents), et parler l'hébreu. Selon le 'Times israélien', au moins 40 % de ces demandes sont rejetées.
Le Japon est souvent pris à titre d'exemple : cette nation d'Asie de l'Est possède une législation sur les armes à feu très restrictive dans le monde, associée à un taux d'homicide par arme à feu très faible.
La Chine, quant à elle, a l'une des législations les plus restrictives au monde. La plupart des civils ne peuvent pas conserver d'armes à feu chez eux, mais uniquement dans des lieux désignés, comme les stands de tir. La peine encourue si l'on est pris avec une arme à feu ? L'emprisonnement à vie.
L'Inde et l'Afrique du Sud ont également une législation assez stricte. Par exemple, il faut appartenir à une association ou à un club de chasse. Si vous êtes en danger, il faudra par ailleurs le prouver. Pour obtenir une arme, il est obligatoire de passer un examen et suivre un cours de formation. Le document administratif contiendra aussi de nombreux détails sur votre vie privée (employeur, amis, et même vos voisins).
Si on compare les États-Unis aux autres pays développés, 'l'Oncle Sam' fait figure d'exception. Il ne parvient pas à réagir correctement après une tragédie et le gouvernement assure, à chaque fois, qu'elle ne se reproduira pas...