Révélations choquantes sur l’abbé Pierre : la suite d’une longue série de scandales dans l’Église catholique
Décédé en 2007, Henri Grouès, plus connu sous le nom de l'abbé Pierre, était célèbre pour son engagement contre la pauvreté à travers sa fondation Emmaüs. Désormais, son nom est également associé à des affaires d'agressions s e x u e l l e s. Des révélations qui ont choqué tout un pays !
Publié le 17 juillet dernier, un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation abbé Pierre a révélé le témoignage de sept femmes relatant des faits de harcèlement ou d’agression à caractère s e x u e l survenus entre 1970 et 2005.
La communauté Emmaüs a été choquée par les révélations sur la figure fondatrice et emblématique du mouvement. « Je ne peux pas comprendre comment quelqu’un qui était à l’écoute et au service des autres, un homme d’Église, ait pu faire ça », s’indigne Rose-Marie (prénom changé), une compagne d’Emmaüs citée par le Huffington Post.
Ces révélations sont d’autant plus dérangeantes que l’abbé Pierre était une figure consensuelle et très appréciée dans la société française. Le combat qu’il a mené toute sa vie contre la misère avait suscité l’admiration de l’opinion publique.
Ce nouvel épisode s’inscrit malheureusement dans une longue série de scandales de ce type au sein de l’Église catholique française. Une chronologie en images.
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En 2021, la Commission indépendante sur les abus s e x u e l s dans l’Église en France (Ciase) a estimé entre 2,5 % et 2,8 % la proportion de prêtres ou de religieux ayant commis ce type de violences. Un phénomène décrit comme massif et systémique !
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La Ciase a estimé à 216 000 le nombre de victimes majeures et vivantes au moment de la rédaction de son rapport. Un chiffre qui s’élèverait même à plus de 330 000 en incluant les personnes agressées par des laïcs.
Longtemps taboue, la question des abus s e x u e l s dans l’Église a commencé à être médiatisée dans les années 1990, lorsque plusieurs affaires éclatent, comme celle de l’abbé Bissey, un prêtre qui officiait près de Caen, en Normandie.
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Accusé d’une douzaine de v i o l s et agressions sur mineurs commis entre 1985 et 1996, ce prêtre a été condamné à 18 ans de prison en octobre 2000.
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L’évêque du diocèse de l’abbé Bissey, Mgr Pierre Pican, est, lui aussi, condamné pour « non-dénonciation de crime » et « non-dénonciation d’atteinte s e x u e l l e sur mineurs de moins de 15 ans ». Un signe que la société considère de moins en moins ces actes comme des faits isolés.
En effet, l’évêque avait été informé dès 1986 des agissements de son subordonné. Mais il s’était contenté de le muter dans une autre paroisse sans en informer les autorités.
L’affaire Pierre Pican a suscité une prise de conscience dans l’Église française, à la fois de la gravité de l’enjeu et de la responsabilité des évêques. La présentation d’un rapport d’experts lors de leur conférence annuelle à Lourdes montre à quel point le problème avait été sous-estimé.
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Dans une déclaration adoptée le 9 novembre 2000, les évêques affirment sans ambigüité que « les prêtres qui se sont rendus coupables d'actes à caractère p é d o p h i le doivent répondre de ces actes devant la justice », et que l’évêque « ne peut ni ne veut rester passif, encore moins couvrir des actes délictueux ». Les abus sur mineurs sont désormais condamnés par l’Église.
En 2003, deux condamnations pour v i o l sont prononcées par la justice : Émile Leblond, le curé de Pont-Saint-Pierre, dans l’Eure, est condamné à huit ans de prison, et Jacques Daheron, un ancien salarié des Orphelins d’Auteuil, à six ans pour des faits commis sur trois mineurs.
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D’autres condamnations suivent dans la décennie 2000. Début 2010, une trentaine de prêtres et religieux étaient incarcérés pour cause d’abus sur mineurs, selon Le Monde qui s’appuie sur des sources internes à l’Église.
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En 2011, un membre de la Communauté des Béatitudes est condamné à cinq ans d’emprisonnement pour 38 cas d’agressions s e x u e l l e s. L’homme a reconnu les faits, dont certains étaient prescrits, qui auraient concerné plus de 50 mineurs.
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En 2016, 70 anciens scouts déclarent avoir été victimes d’abus commis par le père Bernard Preynat entre 1986 et 1991. Des faits reconnus par l’intéressé.
Dans un entretien au journal catholique La Croix, l’archevêque de Lyon, Philippe Barbarin, reconnaît avoir eu connaissance de la situation dès 2007-2008. Cependant, il avait maintenu Preynat en poste jusqu’en 2015, sans le dénoncer malgré l’obligation légale, ni même lui attribuer de fonctions sans contact avec des enfants.
Inculpé pour « non-dénonciation » et « mise en péril de la vie d’autrui », Mgr Barbarin est relaxé en janvier 2020, mais le pape accepte sa démission en mars. De son côté, le père Preynat est condamné à cinq ans de prison pour de très nombreux faits commis entre 1971 et 1991.
Face à l’indignation suscitée par l’affaire, les évêques français réunis à Lourdes avaient demandé pardon pour le silence de l’Église dès le 9 novembre 2016. Du jamais vu dans l’histoire de cette institution en France !
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En 2018, le film "Grâce à Dieu" de François Ozon s’est inspiré de l’affaire Preynat-Barbarin pour relater le combat judiciaire de familles de mineurs victimes d’abus commis par des membres du clergé.
En novembre 2022, un nouveau choc ébranle le monde catholique français, avec la mise en cause de 11 évêques ou anciens évêques. Parmi eux se trouvait Mgr Ricard, l’ancien évêque de Bordeaux, qui a admis s’être « conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans » dans une déclaration lue à Lourdes par le président de la conférence des évêques.
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« Aujourd’hui, des catholiques "réformistes" comme des "conservateurs", des fidèles comme des prêtres, des religieuses et des religieux partagent la même indignation », souligne la sociologue Céline Béraud, interrogée par Le Monde, qui mentionne l’existence de collectifs dédiés, comme Agir pour notre Église.
Pour Marie (prénom changé), une bénévole chez Emmaüs citée par le Huffington Post, « les langues vont se délier et on n’est pas au bout de ce que l’on apprendra. Comme dans les paroisses quand on disait que le Père Untel, il ne fallait pas laisser les enfants seuls avec lui ». La route est encore longue !