Un rapport met en garde contre les attaques croissantes en zone grise de la part des adversaires des États-Unis
Le 31 juillet dernier, le Bureau du directeur du renseignement national des États-Unis a publié un rapport dans lequel il prévient que le pays sera confronté à des attaques en zone grise de plus en plus fréquentes de la part de ses adversaires. Mais qu'est-ce qu'une attaque en zone grise ?
Le document indique que la zone grise est un "domaine des relations internationales" situé entre la diplomatie pacifique entre États et les conflits armés directs.
En 2022, le groupe de réflexion Atlantic Council, basé à Washington, a décrit en détail la zone grise : il s'agirait d'un ensemble d'activités qui se déroulent entre la paix et la guerre, au moyen desquelles un agresseur tente de déstabiliser ou d'affaiblir sa cible.
Ces attaques "visent à contrecarrer, déstabiliser, affaiblir ou attaquer un adversaire et sont souvent adaptées aux vulnérabilités de l'État-cible", a écrit Clementine G. Starling, directrice adjointe du département Forward Defense de l'Atlantic Council.
De nombreuses activités peuvent relever de la zone grise, notamment "les activités économiques néfastes, les opérations d'influence, les cyberattaques, les opérations de mercenaires, les assassinats et les campagnes de désinformation", énumère Starling.
"Généralement, les activités de la zone grise sont des campagnes graduelles menées par des acteurs étatiques et non étatiques qui combinent des outils non militaires et paramilitaires et qui se situent en deçà du seuil du conflit armé", poursuit Starling.
Les activités en zone grise ne sont pas nouvelles et ont été largement utilisées par le passé. Toutefois, les nouvelles technologies ont élargi la manière dont certains acteurs peuvent cibler leurs adversaires et se défendre contre ce type d'attaques.
L'intensification de la concurrence entre grandes puissances et la dégradation des relations internationales en général devraient entraîner une augmentation des activités en zone grise dans les années 2030 de la part des rivaux des États-Unis, comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord et l'Iran.
Ces puissances chercheront à "défier les États-Unis et à prendre l'avantage sur d'autres pays par le biais de campagnes délibérées, tout en essayant d'éviter une guerre directe", explique le rapport du Bureau du directeur du renseignement national des États-Unis.
"Les campagnes menées en zone grise sont susceptibles de se multiplier et de se diversifier en raison de l'existence de technologies plus performantes, de l'érosion ou de l'absence de normes d'accompagnement, des problèmes d'attribution et de leurs avantages perçus", ajoute le rapport.
Le rapport indique également que ces opérations deviennent "plus invasives et mieux adaptées", ajoutant que les adversaires des États-Unis utilisent des "tactiques bien rodées" pour exploiter de nouveaux domaines où les normes et les responsabilités n'ont pas encore été établies.
Le document prévient que d'autres activités en zone grise contre les États-Unis et leurs alliés vont se produire, et que leur nature leur permettra de repousser les limites spatiales habituelles.
Newsweek a publié ce rapport et s'est entretenu avec Matthew Savill, directeur des services militaires au Royal United Services Institute et ancien fonctionnaire du ministère britannique de la Défense, qui a révélé comment les activités en zone grise affectent notre monde aujourd'hui.
"Les tentatives de la Russie - par des moyens clandestins ou des mandataires comme l'Agence de recherche sur Internet - d'amplifier les divisions politiques existantes en Occident correspondent à cette définition en raison de leur intention subversive", a déclaré Savill, qui évoque aussi les activités de la Chine en haute mer.
La Chine a recours à des activités "théoriquement non militaires" dans la région indo-pacifique, comme l'utilisation de ses garde-côtes pour faire pression sur les pays de la région, comme les Philippines, afin qu'ils acceptent ses revendications maritimes en mer de Chine méridionale.
La Corée du Nord est aussi une habituée des campagnes en zone grise, utilisant la cybercriminalité pour soutenir son économie et pour lutter contre ses adversaires étrangers et contre des particuliers, toujours selon Savill.
"La prévalence, la diversité et l'intensité croissantes des campagnes et des activités en zone grise feront peser des menaces de plus en plus lourdes sur le territoire américain, sur les ressources et les engagements des États-Unis et sur l'ordre international", note le rapport du Bureau du directeur du renseignement national.
Le seul moyen de lutter contre les campagnes de plus en plus nombreuses menées en zone grise par ces pays est "d'augmenter les coûts perçus, d'améliorer les défenses des États-Unis et de leurs partenaires et de renforcer les règles internationales régissant ces domaines", conclut le rapport.