Une femme présidente aux États-Unis ? Les Américains ne sont pas prêts
En novembre prochain, les Américains devront à nouveau choisir un président entre deux hommes blancs d’un certain âge. En effet, le "Super Tuesday" est passé et les jeux sont faits.
Selon la définition de Wikipédia, lors de l'année de l'élection présidentielle, un grand nombre d'États votent simultanément pour départager les candidats du parti démocrate et du parti républicain, et désigner le candidat officiel de chaque parti à l'élection présidentielle. Cela se déroule un mardi du début du mois de mars, raison pour laquelle il est surnommé "Super Tuesday", ou super mardi en français.
Dans un article sur Nikki Haley, l'agence de presse mondiale "Associated Press" souligne que les républicains n'ont jamais désigné de femme pour occuper la plus haute fonction du pays. Cependant, Nikki Haley était la cinquième femme républicaine à se lancer dans la course à la présidence.
Ajoutant son nom à la liste des femmes qui ont tenté de se présenter à l'élection présidentielle et qui ont échoué, Nikki Haley a officiellement interrompu sa campagne pour l'investiture républicaine à l'élection présidentielle le mercredi 6 mars.
C'est Donald Trump, en dépit de tous les problèmes qu'il cause, qui a finalement été choisi par les républicains. Les Américains expriment ainsi leur volonté de choisir un homme, aussi ingérable soit-il, plutôt qu'une femme.
Dans de nombreux pays du monde, des femmes occupent la plus haute fonction à la tête de l'État. Alors pourquoi les candidates américaines ne parviennent-elles pas à franchir cette barrière ?
Pourtant, il semble que les républicains aient une opinion plutôt favorable de Nikki Haley, qui compte 53 % d'opinions positives et seulement 20 % d'opinions défavorables, selon les sondages réalisés par l'hebdomadaire britannique "The Economist" et l'institut de recherche international "YouGov" en février 2023 sur les femmes en politique.
Mais ensuite, que s'est-il passé ? Parce que, selon le même sondage, 63 % des républicains pensent que l'élection d'une femme républicaine à la présidence serait "une bonne chose pour le pays".
Des sondages réalisés par le magazine britannique "The Economist" et l’institut international d'études "YouGov" ont montré que les républicains ne pensaient pas que "l'Amérique était prête", même s'ils ont partagé toutes ces belles idées sur la présence des femmes à la Maison-Blanche.
De fait, 44 % des femmes contre 48 % des hommes du Parti républicain pensent que les États-Unis ne sont pas prêts à élire une femme à la tête du pays, toujours d'après les sondages.
La situation est encore plus sérieuse qu'on ne le pensait. En effet, 63 % des républicains déclarent n'avoir aucun intérêt à ce qu'une femme devienne présidente, et seulement 37 % déclarent "espérer personnellement que les États-Unis aient une femme présidente au cours de leur vie".
"Le fait que les électeurs des deux partis aient apporté leur soutien à deux hommes blancs plus âgés indique qu'ils pensent que les hommes blancs plus âgés sont toujours les plus éligibles dans une course présidentielle", a déclaré à l’agence de presse "Associated Press" Karrin Vasby Anderson, professeure à l'université d'État du Colorado qui étudie les questions de genre et de culture politique.
"Le système politique américain est davantage un concours de popularité que d'autres pays, ce qui crée des défis particulièrement épineux pour les femmes dirigeantes". C'est ce qu'écrit Charlotte Alter, correspondante principale du magazine d'information américain "Time", spécialisée dans la politique, les mouvements sociaux et les changements générationnels, à propos des raisons pour lesquelles les femmes américaines peinent à se présenter à l'élection présidentielle.
Dans des pays tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Finlande, où il existe un système parlementaire, les femmes accèdent plus facilement à des postes de direction en politique, affirme Charlotte Alter.
Ainsi, au Mexique, la première femme présidente est en passe d'être élue. En fait, selon les données des Nations unies, des femmes sont chefs d'État ou de gouvernement dans 26 pays.
Par rapport au système américain, les systèmes parlementaires créent un environnement plus favorable aux femmes politiques.
"On ne vote pas pour le Premier ministre, cela se passe au sein de l'institution. Le parti devient majoritaire, et les partis peuvent alors faire davantage pour que les femmes accèdent au leadership", a déclaré au "Time" Debbie Walsh, directrice du Centre pour les femmes américaines et la politique à l'université Rutgers.
Pour les Britanniques, par exemple, il n'y a pas d'inconvénient à élire une femme Premier ministre, puisque le pays est gouverné par une femme depuis longtemps. Selon Charlotte Alter, rédactrice au "Time", il semble plus facile pour les femmes d'être élues au pouvoir en Europe, ou dans les pays colonisés, parce que les monarchies européennes ont habitué leurs peuples au fait que des femmes soient à la tête de l'État.
Par ailleurs, un article publié par le centre politique non partisan de l'université de Virginie (UVA Center for Politics) évoque trois éléments qui rendent les campagnes et les élections plus difficiles pour les femmes aux États-Unis, et souligne que la manière dont les campagnes sont menées aux États-Unis désavantage les femmes candidates.
Jennifer Lawless, professeure de politique à l'université de Virginie, et Richard Fox, auteur et avocat américain, ont mené une étude en 2023 dont il ressort que "les hommes ont deux tiers de chances de plus que les femmes d'avoir été encouragés par un élu, un chef de parti ou un militant politique à se présenter aux élections". Le premier élément relève donc des désavantages structurels, selon le Center for Politics.
Les taux d'occupation et de maintien des sièges rendent également plus difficile la réussite des candidates. L'accès plus limité au financement et la difficulté d'atteindre les principaux donateurs constituent le deuxième désavantage structurel auquel sont confrontées les femmes politiques.
Ainsi, lorsque les députés sortants se présentent aux élections, il est beaucoup plus difficile de faire émerger de nouveaux profils, de nouvelles voix et de nouvelles idées, car ce sont traditionnellement les hommes qui sont déjà en place, selon le Center for Politics.
Une campagne présidentielle dure généralement dix-huit mois, au cours desquels des critiques et à un examen extrêmement sévères sont formulés à l'encontre des candidats, en particulier des femmes. La couverture médiatique est donc également un défi majeur pour les candidates aux États-Unis.
Il semble que "les journalistes mettent l'accent sur les rôles traditionnels des femmes et se concentrent davantage sur leur apparence. La couverture médiatique des candidates a également perpétué les stéréotypes des femmes politiques comme étant faibles, indécises et émotives", indique la recherche menée par le Center for Politics.
Le troisième élément porte sur le fait que les candidates sont affectées plus négativement que leurs homologues masculins par l'opinion publique et les stéréotypes, qui ont un impact sur la manière dont les électeurs perçoivent les candidats.
La culture de la célébrité est très présente dans la politique américaine, ce qui signifie que les électeurs choisissent souvent leurs candidats "en fonction de leur personnalité, rendant les campagnes beaucoup plus dépendantes de la science douteuse de la 'sympathie', d'une manière qui nuit généralement aux femmes", comme le souligne Charlotte Alter dans le "Time".
Quoi qu'il en soit, toutes ces femmes qui se présentent sans succès ouvrent la voie aux suivantes. On ne peut qu'espérer que le voile politique se lève chaque fois un peu plus, jusqu'à ce qu'un jour, une femme puisse gouverner ce pays. Mais pour l'instant, il semble presque impossible qu'une femme soit élue présidente aux États-Unis.