Une forte hausse des violences contre les élus et les représentants de l’État en France
Le débat sur la réforme des retraites continue de faire rage en France et plusieurs bâtiments publics, comme la mairie de Rennes, ont été récemment pris à partie par des manifestants. Mais ces actes s’inscrivent dans une tendance plus générale à l’augmentation des violences contre les élus ou les représentants de l’État. Nos explications en images.
Plus proches des citoyens que les élus nationaux, les maires sont une cible privilégiée des violences contre les représentants de l’autorité. Selon les données du ministère de l’Intérieur, les faits de violence verbale ou physique à l’encontre d’élus locaux ont augmenté de 32 % en 2022, soit près d’un tiers en une seule année.
Au total, ce ne sont pas moins de 2 265 plaintes ou signalements qui ont été remontés au ministère de l’Intérieur par l’intermédiaire des services préfectoraux. Le signe d’une détérioration des relations entre les citoyens et les élus ?
Parmi ces faits, 160 agressions physiques ont été recensées en 2022. Un chiffre en légère baisse par rapport à 2021.
L’Association des maires de France a dressé un constat similaire. En février 2023, l’AMF a fait état d’un chiffre de 1 500 agressions contre des élus locaux en 2022, un chiffre en hausse de 15 %.
En 2019, le Sénat avait rendu un rapport sur les « menaces et agressions auxquelles sont confrontés les maires ». Sur près de 4 000 élus interrogés dans ce cadre, 92 % avaient déclaré « avoir été victimes de violences physiques ou verbales, allant de l'incivilité à l'agression physique caractérisée », selon ‘La Tribune’.
Le président du Sénat Gérard Larcher avait lancé la formule célèbre selon laquelle un élu doit rester « à portée d’engueulade », c’est-à-dire proche des citoyens et des enjeux locaux. Mais il ne justifiait en aucun cas le recours à la violence.
Pour Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité (sur la photo), citée par ‘Paris Match’, ces violences sont « le signe d'une démocratie qui recule ». « Et ça me fait mal, à moi qui ai été maire. », a-t-elle ajouté.
Pour le cabinet de Dominique Faure, « les atteintes aux élus n’ont pas d’étiquette, elles touchent des élus de tout bord. Dans la plupart des cas, l’élu n’est pas agressé pour ce qu’il pense ou ce qu’il porte mais pour ce qu’il est. », comme l’a rapporté le site ‘banquedesterritoires.fr’.
Pour ‘La Tribune’, « le statut d'élu, dans l'imaginaire culturel et symbolique, est nécessairement associé à un respect spécifique, qu'illustre notamment le port cérémoniel de l'écharpe, aux couleurs du drapeau. » Une forme de respect en voie de disparition ?
En réalité, malgré leur recrudescence dans la période récente, les violences contre les élus et les représentants de l’État ne sont pas nouvelles et ont une longue histoire en France.
À la fin du XIXe siècle, la jeune République française avait été secouée par une vague d’attentats anarchistes, qui avait culminé avec l’assassinat du président de la République Sadi Carnot en 1894.
Dans l’entre-deux-guerres, les institutions avaient été fortement ébranlées par l’émeute du 6 février 1934. Plusieurs groupes nationalistes s’étaient rassemblés sur la Place de la Concorde, à Paris, et avaient tenté de prendre l’Assemblée nationale, symbole de la démocratie française.
Plus proche de nous, le préfet de Corse Claude Érignac (à droite sur la photo) a été assassiné en 1998 par le nationaliste corse Yvan Colonna. Ce meurtre avait suscité une grande émotion car, à travers le préfet Érignac, c’est l’autorité de l’État qui était directement visée.
En 2002, le président de la République nouvellement réélu Jacques Chirac a fait l’objet d’une tentative d’assassinat de la part du militant d’extrême-droite Maxime Brunerie, lors du traditionnel défilé du 14 juillet. Après avoir vécu une déception sentimentale et fait le tour des mouvements radicaux, Brunerie avait décidé de commettre un acte qui marque les esprits.
En 2014, des agriculteurs en colère avaient incendié les locaux de la Mutualité sociale agricole et le centre des impôts de Morlaix, en Bretagne. Un acte révélateur dans un pays où le consentement à l’impôt ne va pas toujours de soi.
À l’automne 2018, la France entière a été surprise par le mouvement de contestation des Gilets jaunes. De nombreux bâtiments publics avaient été attaqués, avec notamment l’encerclement de l’Élysée et l’irruption de manifestants dans un ministère avec un chariot élévateur…
L’année suivante, Jean-Mathieu Michel, le maire de la commune de Signes, en Provence, trouvait la mort dans l’exercice de ses fonctions. Alors qu’il tentait d’empêcher la mise en place d’un dépôt sauvage, l’élu a été renversé par une camionnette qui venait de jeter des gravats au bord de la route. L’accident avait provoqué une vive émotion dans tout le pays.
En juin 2021, Emmanuel Macron a été giflé lors d’un déplacement dans la Drôme, dans le sud de la France. Un acte moins violent en soi que certains commis précédemment, mais doté d’une forte dimension symbolique car son auteur cherchait à porter directement atteinte au chef de l’État.
Plus récemment, en novembre 2022, un agent des finances publiques a été tué après avoir été séquestré avec une collègue, dans le cadre d’un contrôle fiscal effectué dans le Pas-de-Calais. La violence contre les élus et les représentants de l’État prend des formes multiples et parfois dramatiques aux quatre coins de la France.
Pour endiguer ce phénomène, les pouvoirs publics comptent durcir les sanctions en vigueur. Le gouvernement prépare des mesures législatives visant à aligner les peines encourues pour les violences contre les élus sur celles qui existent pour les violences contre les policiers et les gendarmes. Un député a également proposé de considérer comme une « circonstance aggravante » le fait d’exercer une violence contre un élu.
Mais au-delà de l’aspect répressif, comment recréer une confiance entre citoyens et élus pour faire reculer ce climat de violence ? La tâche s’annonce difficile dans un contexte marqué par la défiance à l’égard des institutions et des représentants de l’État. Espérons tout de même que l’année 2023 marque un retournement de la tendance actuelle !