Violences policières envers les personnes handicapées physiques ou mentales : un sujet méconnu
Le 25 mai 2022, Genivaldo de Jesus Santos a été brutalement assassiné par la police brésilienne. L’homme de trente-huit ans avait été arrêté puis fouillé. Les forces de l'ordre brésiliennes ont trouvé sur lui des médicaments contre la schizophrénie. Ils ont jeté l’homme au sol, puis l’ont traîné dans le coffre de leur fourgon, avant de l’y enfermer avec une grenade de gaz.
La femme de Santos a déclaré aux médias que l’homme était atteint de schizophrénie et se serait agité après son arrestation par la police. Les événements ont été filmés, et sur la vidéo, on peut voir l'homme se débattre et frapper désespérément du pied dans la portière. Puis, il cesse de s’agiter, alors que des nuages blancs s’échappent de la voiture.
Le Treatment Advocacy Center (Organisation américaine à but non lucratif qui se consacre au traitement des maladies mentales graves) affirme que les personnes souffrant de maladie mentale ont seize fois plus de chances de mourir lors d’une rencontre ou une arrestation par les forces de l’ordre que les autres.
Aux États-Unis, 1 400 personnes souffrant de maladie mentale auraient péri, abattus par la police depuis 2015, nous informe le Washington Post. Pour parvenir à établir ce compte, le journal a mis en place, depuis 7 ans, une base de données recensant les victimes souffrant de maladie mentale.
Selon un rapport de la Ruderman Family Foundation, une organisation de défense des personnes handicapées, près de la moitié des victimes de la police souffrirait d'un handicap quelconque.
L'hypothèse d’Angela Kimball, la directrice nationale du plaidoyer et de la politique publique pour la National Alliance on Mental Illness (Alliance nationale pour la maladie mentale) est la suivante : les agents de police s’attendent à ce qu’on suive leurs ordres. Or, en cas de crise psychotique, les gens ont du mal à réagir comme l’attendent les agents.
Haben Girma, avocate et activiste, atteinte de malvoyance et de déficience auditive, explique au TIME : “Si quelqu'un me criait de faire quelque chose, je n'entendrais pas. Alors ils (les agents de police) supposeraient que je suis une menace.”
Alors que la couverture médiatique américaine est surtout tournée autour de la violence policière liée à l'ethnie des victimes, ce point de vue tend à en éclipser un autre. En effet, il occulte les problématiques de handicap ou de la maladie mentale, et leurs conséquences lors d'une rencontre avec les forces de l'ordre américaines.
Toujours aux États-Unis, en 2014, LaQuan McDonald, un adolescent Américain noir, est abattu par la police. Armé d'un couteau, il se comportait de manière erratique. Convaincu que le jeune homme ne représentait pas une menace pour les policiers qui l'avaient encerclé, le procureur accuse l'agent de police responsable de meurtre au premier degré.
Lorsque la vidéo de l'événement a circulé sur les réseaux sociaux, le chef de la police de Chicago s'est vu contraint de démissionner, tandis qu'un débat sur le racisme supposé de l'institution policière était lancé. Malheureusement, cela a totalement éclipsé la maladie mentale dont souffrait McDonald. Lorsque le Chicago Tribune réalisa finalement une enquête, on découvrit que le jeune homme souffrait de syndrome post-traumatique et de "troubles mentaux sévères".
Selon le Center for Disease Control and Prevention (Centre de contrôle et de prévention des maladies), les Américains noirs seraient plus susceptibles que leurs compatriotes caucasiens de souffrir de maladies chroniques, de difficultés liées à l'accès aux soins mentaux et moins susceptibles de recevoir un diagnostic formel pour une série de handicaps.
Les noirs américains sont plus perméables aux troubles mentaux, car ils ont en moyenne des revenus inférieurs que leurs compatriotes d’ethnie caucasienne et vivent dans des quartiers moins sûrs. Ce contexte favorise les problèmes de santé, et notamment de santé mentale.
En 2016, un rapport du Forum de recherche des cadres de la police (Police Executive Research Forum) est publié, nous apportant quelques éclaircissements. À l'échelle nationale, les académies de police des États-Unis accordent une moyenne de 58 heures à la formation aux armes à feu, et seulement 8 à la désescalade de conflit ou aux interventions en cas de crise.
Au cours des dernières années, les services de police du pays ont proposé à leurs agents une formation à l'intervention en cas de crise. Ces formations ont pour but d'enseigner aux forces de l'ordre à interagir avec calme, à garantir la sécurité des handicapés et à désamorcer les confrontations avec les malades mentaux.
L’une des plus grandes associations américaines de défense des droits des personnes handicapées, “Arc”, a mis en place un programme visant à enseigner aux agents des forces de l'ordre, aux avocats, aux prestataires de services aux victimes et aux autres professionnels de la justice pénale comment identifier les personnes handicapées, interagir avec elles et s'adapter à leurs besoins.
Le service de Police de Hamilton a recours à un tout nouveau “programme d'entraînement à la réponse en cas de crise psychotique” en réalité virtuelle, pour apprendre à ses officiers de police à reconnaître les signes d’une crise psychotique et comment désamorcer une situation.
Une femme de Tempe, dans l’Arizona, raconte au TIME comment l’intervention de la police a mené à une escalade rapide de la situation : alors qu’elle appelait la police pour l’aider à gérer son fils de 29 ans, atteint de trouble bipolaire et de schizophrénie, en pleine phase maniaque, pour l’emmener dans un institut dans lequel ils pourraient le prendre en charge, elle a vu des agents débarquer avec des boucliers anti-émeute et des fusils. Elle et son fils ont alors tous les deux paniqué.
"La police est-elle le meilleur acteur social à intégrer dans cet espace et dans cette question de société ?" C’est la question que pose la cheffe de la police de Tempe, Sylvia Moir.
CAHOOTS (Assistance en cas de crise et aide dans les rues) est un programme qui redirige les appels d'urgence et les appels non urgents relatifs à la santé mentale, à la toxicomanie ou aux sans-abris vers une équipe de médecins et de travailleurs sociaux, dont les équipes pourront répondre à ces appels à la place de la police.
C'est sans doute à cause du cliché de la personne atteinte d'une maladie mentale qui devient violente et dangereuse. L'Association américaine de psychiatrie affirme cependant que, dans la plupart des cas, ces personnes ne sont pas violentes. Le recours aux forces de maintien de l'ordre devient alors disproportionnellement dur à l'égard de ces personnes et perpétue le stéréotype pointant la violence des malades mentaux.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirme même que ce sont ces gens, victimes de troubles et maladies mentales, qui seraient les victimes les plus démunies et les plus susceptibles de subir un crime, du fait de leur condition de vulnérabilité.