Visite d’Emmanuel Macron en Afrique : quel bilan peut-on faire ?
Le président de la République française s’est rendu en Afrique pour une visite de quatre jours dans quatre pays différents, dans un contexte de mutations majeures du continent et de dégradation des relations entre la France et certains États africains. Découvrez en images ce qu’il faut retenir de la tournée africaine d’Emmanuel Macron.
Le chef de l’État français a visité quatre pays : le Gabon, le Congo, la République démocratique du Congo et l’Angola. L’objectif de ce voyage était de mettre en place et d’illustrer par des actions concrètes un « partenariat renouvelé » entre la France et l’Afrique, alors que les bouleversements qui traversent le continent remettent en cause le rôle traditionnel de la France.
Continent jeune en plein boom économique et démographique, l’Afrique est très convoitée par de nombreuses puissances mondiales : les pays occidentaux emmenés par les États-Unis et certaines nations européennes, mais aussi la Russie, la Chine et la Turquie dont l’influence en Afrique ne cesse de croître.
Par ailleurs, un fort sentiment antifrançais est monté dans plusieurs pays africains ces derniers mois, sur fond de remise en cause de la présence militaire française et de contestation de la « Françafrique », le système par lequel la France exerçait une mainmise sur le continent dans les décennies qui ont suivi la décolonisation.
Ce sentiment antifrançais très fort en Afrique de l’Ouest est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Emmanuel Macron a choisi de visiter en priorité des pays d’Afrique centrale, même si le Congo et le Gabon restent des États emblématiques de la Françafrique.
L’armée française s’est récemment retirée du Mali et de Centrafrique après plusieurs années de présence sur place. Une page semble donc se tourner pour la France sur le continent, et le moment est venu de construire la relation franco-africaine sur de nouvelles bases.
Selon l’écrivain et journaliste Antoine Glaser cité par ‘France 24’, la visite du président français en Afrique permet au pays de « sortir d'une séquence « France, gendarme de l'Afrique » pour passer dans une séquence « business, environnement, partenariat ». La part de marché de la France sur le continent est tombée à 4 %, contre désormais 18 % pour la Chine.
Selon Antoine Glaser, Emmanuel Macron « s’est fait piéger au cours de son premier mandat dans le domaine de la présence militaire française dans le Sahel qui sert de cache-misère à une présence française globalement en déshérence ». « Même les propres partenaires européens de la France l'ont laissé faire le gendarme, pendant qu’eux faisaient le business. », ajoute-t-il.
La tournée diplomatique a débuté au Gabon, ancienne colonie française qui a récemment intégré le Commonwealth. Emmanuel Macron a surtout évoqué le climat et la protection des forêts à Libreville, alors que la France et le Gabon avaient décidé conjointement de l’organisation du One Forest Summit lors de la COP 27.
Au Gabon, le locataire de l’Élysée a déclaré que la Françafrique était « révolue » alors qu’il n’avait encore jamais employé ce terme en public. Il reste à voir comment les intentions françaises vont se traduire dans les actes : ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient eux aussi proclamé la fin de la Françafrique.
Mais certaines voix au Gabon ont accusé le chef de l’État français de vouloir adouber le président gabonais Ali Bongo, alors qu’une nouvelle élection doit se tenir cette année. Des accusations balayées par l’intéressé : « Au Gabon comme ailleurs, la France est un interlocuteur neutre qui parle à tout le monde. »
Toujours au Gabon, Emmanuel Macron a assuré que la réduction de la présence militaire française ne constituait « ni un retrait ni un désengagement », mais un réaménagement du dispositif face à de nouveaux risques comme la piraterie, l’orpaillage clandestin et les crimes environnementaux.
En Angola, Emmanuel Macron a mis l’accent sur la coopération économique. Cet État est depuis longtemps le terrain d’action du géant pétrolier français Total, mais le président français a également souhaité lancer des partenariats dans les domaines agricole et agroalimentaire.
Alors que le président français a annoncé la fin du « pré carré » de son pays en Afrique de l’Ouest, où il a récemment subi plusieurs revers, l’Angola pourrait faire partie des nouveaux « pays pivots » de la diplomatie française en Afrique, aux côtés d’États comme le Kenya, l’Éthiopie ou le Nigéria.
Entre Luanda et Kinshasa, Emmanuel Macron n’est resté que quelques heures à Brazzaville, où Denis Sassou Nguesso est au pouvoir depuis près de 40 ans. Une visite raccourcie pour ne pas donner l’impression de vouloir perpétuer la Françafrique malgré tout. L’accent a davantage été mis sur le volet « mémoriel, historique et culturel ».
En visite en République démocratique du Congo, Emmanuel Macron a tenté de jouer une « position d’équilibriste » entre ce pays et le Rwanda, selon le rédacteur en chef de ‘Jeune Afrique’ François Soudan cité par ‘France Info’. Le président français n’a pas condamné explicitement l’agression rwandaise contre la RDC et des manifestations antifrançaises ont eu lieu à Kinshasa. Mais Macron a tout de même appelé à la fin du « pillage à ciel ouvert du pays ».
Pour François Soudan, la position française en RDC est rendue complexe par « l’axe sécuritaire » entre la France et le Rwanda : « En Centrafrique, le contingent rwandais équilibre la présence des mercenaires de Wagner. Au Mozambique, des troupes rwandaises sécurisent une zone où Total est implanté. Dans le nord du Bénin, les Rwandais vont assister une armée en proie aux djihadistes sahéliens. Tout cela explique la difficulté pour Emmanuel Macron d'avoir une position critique à l'égard du Rwanda. »
Pour l’intellectuel camerounais Achille Mbembe cité par ‘Le Point’, la visite présidentielle en Afrique « a remis en question beaucoup de tabous français. L'horizon est tracé, reste à mettre tout cela en œuvre, à susciter l'adhésion. » Si les relations entre la France et l’Afrique restent complexes, les bases d’une nouvelle coopération ont peut-être été jetées cette année.