Voici le plan en 12 étapes de l'Ukraine pour la désoccupation de la Crimée
Le 1er avril, le secrétaire du Conseil national de Sécurité et de Défense de l'Ukraine, Oleksiy Danilov, a annoncé le plan en 12 étapes de son pays pour la désoccupation de la Crimée, dans le cas où la péninsule puisse être reconquise après avoir été annexée et occupée par la Russie pendant plus de 8 ans.
Depuis des mois, des responsables à tous les niveaux du gouvernement ukrainien évoquent la nécessité de reprendre la péninsule de Crimée à Vladimir Poutine. Le symbole est si important que les Ukrainiens en ont fait un objectif de guerre officiel, selon France 24.
"La tentative de la Russie d’asservir l’Ukraine […] a commencé par l’occupation de la Crimée, […] cela se terminera avec la Crimée", a déclaré le président Zelensky, citant l'activiste emprisonné de Crimée Nariman Dzhelyal à Davos en août, selon Newsweek.
Mais de nombreux observateurs et analystes politiques se sont interrogés sur comment cela se passerait pour la Crimée et ses habitants en cas de reconquête. Comment l'Ukraine pourra-t-elle réintégrer à son pays un territoire annexé en 2014 ?
Évidemment, les plus grands esprits ukrainiens se sont penchés sur la question et ont réfléchi à la manière de ramener la Crimée dans leur giron (s'ils parviennent à reprendre la péninsule), et ils ont publié un plan pragmatique en 12 étapes qui pourrait fonctionner. Examinons chaque point grâce à une traduction de Roman Petrenko, d'Ukrainska Pravda.
Il est très révélateur que le premier point du plan de Danilov soit la conception d'un monument à la mémoire des gardes-frontières qui ont dit : "Navires de guerre russe, allez vous faire voir !". Ce fut le premier grand symbole de résistance pendant la guerre et un rappel sera placé quelque part en Crimée dans l'attente d'un débat public sur le projet.
Ceux qui ont collaboré avec la Russie ou commis une trahison avant ou après l'annexion feront l'objet d'une enquête afin de déterminer leur niveau de responsabilité et le degré de leur implication. Toute personne ayant soutenu l'administration d'occupation se verra interdire de voter aux élections et ne sera pas autorisée à participer en tant que candidat politique.
Tout agent chargé de l'application de la loi, juge, procureur ou fonctionnaire employé par le gouvernement ukrainien qui a travaillé dans les mêmes fonctions pour la Russie fera l'objet d'une enquête par les tribunaux ukrainiens afin d'évaluer sa responsabilité pénale.
Si les directives de ce plan sont suivies, même s'il n'est pas établi qu'une personne a eu une responsabilité pénale, elle perdra sa pension d'État et se verra interdire d'être employée par tout organisme d'État ainsi que par tout organisme gouvernemental local.
Cela impliquerait en effet que l'Ukraine récupère la Crimée de deux manières seulement : soit parce que Poutine finirait par se rendre dans des conditions défavorables pour son pays, soit parce que la Russie serait entièrement démembrée et remplacée par autre chose. Or ces deux scénarios sont hautement improbables.
Les propagandistes, les journalistes et les personnalités des médias dont il est établi qu'ils ont collaboré de quelque manière que ce soit ou aidé à inciter à la violence contre les Ukrainiens ou d'autres nationalités en Crimée feraient l'objet d'une enquête et seraient remis aux autorités internationales chargées de l'application de la loi si nécessaire.
Tout citoyen russe qui s'est installé illégalement en Crimée pendant l'occupation et qui y réside toujours au moment de la reconquête de la Crimée sera invité à quitter les lieux dans un délai raisonnable fixé par la loi.
Toute transaction non couverte par le droit ukrainien depuis le début de l'occupation sera rendue nulle et non avenue, y compris les transactions immobilières. Selon le plan de Danilov, la Crimée est couverte par le droit ukrainien depuis neuf ans, de sorte que les droits de propriété restent "entre les mains des citoyens ukrainiens".
Le huitième point du plan prévoit le démantèlement du pont de Crimée afin de "garantir une liberté de navigation totale dans le cadre du programme de compensation des dommages".
Les autorités ukrainiennes vont mettre en œuvre un programme visant à éliminer la propagande russe de la conscience des habitants de la péninsule de Crimée en utilisant des méthodes similaires à celles employées par les Alliés contre l'Allemagne nazie après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il y aura une série de projets de travaux publics pour restaurer les villes ukrainiennes détruites, et les corps de ceux qui ont été victimes de la violence russe seront exhumés et enterrés à nouveau de manière appropriée afin de fournir des preuves supplémentaires des crimes commis par la Russie en Ukraine.
Les autorités ukrainiennes envisagent de créer une base de données complète de tous les crimes russes commis contre ceux qui ont résisté à l'occupation de la Crimée. Les droits des citoyens ukrainiens et des Tatars de Crimée seraient également rétablis selon ce plan.
Les Ukrainiens, les Tatars de Crimée et les citoyens ukrainiens détenus par la Russie pour des motifs politiques seront libérés. Ceux qui ont été persécutés seront également indemnisés pour le "préjudice moral causé", bien que le plan ne précise pas quel pays dédommagera les personnes lésées.
Le dernier point soulevé par Danilov consistait à rebaptiser Sébastopol afin de neutraliser l'importance idéologique que ce nom revêt pour la population russe. Le plan suggérait que le nouveau nom de la ville soit l'objet n° 6, au moins jusqu'à ce que la Verkhovna Rada d'Ukraine choisisse un nom plus approprié.
Le plan de désoccupation de la Crimée peut sembler sévère, mais il est compréhensible de la part d'un pays qui cherche à trouver le bon équilibre entre punition et désoccupation. Cet équilibre sera essentiel pour la paix future de la péninsule si l'Ukraine reconquiert le territoire annexé.
Mikhail Razvozhayev est l'actuel gouverneur de Sébastopol nommé par le Kremlin et il a qualifié le plan de désoccupation de l'Ukraine de "malsain" selon CBC News, qui le cite dans une récente interview avec l'agence de presse russe (TASS). "Il serait erroné de traiter sérieusement les commentaires de personnes malades", a ajouté Razvozhayev. Ils doivent être soignés, et c'est ce que nos militaires font actuellement."