Avec l'application de chatbot Talkie, le flirt avec l'IA devient-il plus attirant qu'avec des humains ?
Quatorze ans après le film "Her" de Spike Jonze, dans lequel un employé de bureau joué par Joaquin Phoenix tombe amoureux de son chatbot, la science-fiction semble devenir réalité : de plus en plus de gens flirtent avec Talkie, une application chinoise d'intelligence artificielle (IA). Derrière cette application se trouve la licorne chinoise MiniMax. Et ce service est devenu populaire en Europe.
En Allemagne, les utilisateurs sont de plus en plus attirés par cette nouvelle application de flirt par chatbot et par d'autres du même genre. Certains chercheurs mettent en garde contre l'abus d'IA dans les relations amoureuses, car leur seul objectif serait, comme dans "Her", de collecter des données et d'apprendre à travers elles.
Photo : https://www.talkie-ai.com/#google_vignette
Les pouvoirs de séduction de l'IA sont puissants, comme l'a déjà montré "Her". Talkie promeut aussi l'idée que l'amour peut être personnalisé à travers l'application. Dans le film, le chatbot "Samantha" apprend rapidement à travers les interactions qu'elle a avec ses flirts et se comporte de manière de plus en plus humaine. Mais à la fin, elle n'a rien à offrir et elle n'a fait que lui voler leur temps et leurs données.
Selon le South China Morning Post, l'application Talkie, lancée il y a un an et demi, a été la quatrième application d'IA la plus téléchargée aux États-Unis au premier semestre 2024. Le Wall Street Journal la qualifie de "tendance", tandis que la Fondation Mozilla met en garde contre le vol de données, les fausses informations provenant de célébrités "fabriquées" et le risque d'addiction à l'application.
Les programmeurs de Talkie prétendent suivre des règles éthiques sur leur site internet, mais, dans les faits, l'application permet même de parler avec des personnes décédées. Ce nouveau phénomène chinois s'inscrit dans la lignée de TikTok, Temu et Shein.
Selon le logiciel Bark, la fonctionnalité la plus alarmante de Talkie est sa connexion avec Discord, une plateforme de messagerie avec des possibilités minimales de modération et de nombreux dangers potentiels, qui est également disponible en mode adolescent.
Le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung indique que des experts en sécurité ont examiné 15 applications de rencontres populaires, et découvert comment les données y sont volées et utilisées abusivement par des harceleurs. Mozilla met en garde contre le partage avec des bots d'informations qui ne devraient pas être connues d'étrangers. En effet, ce n'est pas un ami qui se trouve de l'autre côté, mais une entreprise commerciale qui exploite ces données.
Le média spécialisé dans la tech The Verge s'est interrogé sur les raisons du succès de l'IA dans la recherche d'un partenaire, malgré tous ses dangers : "Les gens continuent de rechercher la connexion et l'intimité, même si l'autre se trouve être animé par un modèle d'IA."
La psychothérapeute Vera Schweiger a confié à la chaîne de télévision allemande ZDF que de nombreuses personnes en quête d'amour ressentent "une pression énorme sur leur psyché" lorsqu'elles utilisent des applications de rencontre : "Souvent, beaucoup d'espoirs sont liés à ces applications. Mais ensuite, on est jugé, soudainement ignoré." Il en résulterait plus de déceptions que de rencontres fructueuses.
L'anthropomorphisme, la tendance à attribuer des caractéristiques, des émotions et des intentions humaines à des êtres non-humains, joue aussi un rôle important dans l'interaction entre l'homme et l'IA, analyse Forbes.
L'humain et la machine se rapprochent plus que jamais grâce à la réalité virtuelle, mais peuvent-ils s'aimer ? Selon une étude de l'institut de sondages Allensbach, 50% des moins de 30 ans utilisent des chatbots IA, et parmi les moins de 45 ans, une personne sur cinq les utilise au moins une fois par semaine. De manière générale, l'étude indique qu'un chatbot IA peut réduire le sentiment de solitude, mais seulement pour un bref instant.