Canada : les consommateurs se feraient-ils berner par la hausse des prix des supermarchés ?
Quelle est la situation au Canada ? L'inflation serait à l'origine de la flambée des prix des denrées alimentaires dans le pays. Mais de nouvelles données indiquent que les coûts élevés seraient en réalité dus à la cupidité des entreprises et à la concentration du marché... mais, alors qu'en est-il exactement ?
Le coût des aliments a été affecté par la double crise de la pandémie mondiale et de la guerre en Ukraine, mais contrairement à d'autres pays du monde, la situation économique au Canada ne s'est toujours pas redressée... bien au contraire.
L'agence Statistique Canada a constaté que le coût des aliments en 2021 avait augmenté bien au-delà du taux d'inflation du pays et avait atteint un niveau record au mois d'octobre.
En décembre, un rapport sur les prix des denrées alimentaires au Canada de l'université Dalhousie, laissait entendre que la situation ne ferait qu'empirer en 2023 et prévoyait également une hausse importante dans tous les secteurs.
Le rapport suggère que les prix continueront de grimper (de l'ordre de 5 à 7 %) et les produits comme les légumes, la viande et les produits laitiers seraient les plus touchés.
''Dire que l'année a été difficile pour les consommateurs canadiens serait un euphémisme'', a déclaré le directeur du laboratoire d'analyse agroalimentaire de Dalhousie, le Dr Sylvain Charlbois.
La raison de cette hausse reste mystérieuse. En mars, les dirigeants des trois plus grandes chaînes de supermarchés ont été convoqués à la Chambre des communes pour discuter de l'évolution des prix à la consommation et de l'inflation.
"Certains affirment que les grandes surfaces en profitent, mais cela est absolument faux", a déclaré Galen Weston Jr, président et directeur général de 'Loblaws', un groupe du secteur de la grande distribution, qui a assuré que l'entreprise ne réalisait qu'un euro sur un panier d'une valeur de 23 euros au moment du passage en caisse.
Weston a déclaré qu'aucun des bénéfices records de 'Loblaw' ne provenait de marges plus élevées sur ses produits alimentaires et a insisté sur le fait que les prix du groupe n'avaient pas augmenté plus vite que les coûts.
''Peu importe le nombre de fois où vous avez vu sur Twitter que les groupes de grande distribution sont à l'origine de l'inflation des produits alimentaires est entièrement faux et impossible'', a déclaré Weston, mais de nouvelles preuves suggèrent le contraire.
Fin avril, le Syndicat national des agriculteurs a fourni des données à la même commission de la Chambre des communes qui a interrogé les géants de la grande distribution au Canada et a indiqué que les prix de détail des denrées alimentaires dans le pays se découplaient rapidement des coûts de production associés.
''Il n'y a jamais eu autant d'argent dans le système d'approvisionnement alimentaire canadien, malheureusement une toute petite partie revient aux fermiers'', a déclaré Jenn Pfenning, présidente du Syndicat national des agriculteurs, dans un communiqué du groupe.
Le problème exposé par le Syndicat national des agriculteurs explique que les prix au Canada battent des records, cependant, les agriculteurs sont loin de s'en mettre plein les poches. Mais, alors, où va l'argent ?
Selon les données du syndicat, la gestion des approvisionnements n'est pas la cause de l'inflation. La concentration de la transformation et de la vente au détail font grimper les prix sans rapport avec le coût réel des aliments hors des exploitations agricoles canadiennes.
L'un des grands exemples utilisés par le syndicat était le bénéfice réalisé sur le pain à partir d'un boisseau de blé dans les petits commerces par rapport au coût de production pour les agriculteurs.
"Les prix à la production du blé ont augmenté en 2021 et 2022, potentiellement sous l'effet de la guerre en Ukraine et d'autres facteurs", peut-on lire dans le rapport du Syndicat national des agriculteurs.
"Toutefois, l'écart continue de se creuser depuis le début de cette série de données", poursuit le rapport avant d'expliquer les prix du blé.
Le coût de production d'un boisseau de blé est resté relativement stable depuis 1981, bien en dessous de 23 euros. Il a augmenté légèrement en 2021, mais se maintient. Il se situe désormais sous la barre des 25 euros.
Un boisseau de blé permet de produire environ 45 pains dont la valeur nette au détail était inférieure à 47 euros en 1981. Depuis 2021, il n'a cessé d'augmenter et atteint désormais jusqu'à 140 euros !
Le syndicat a examiné les prix du bacon, des œufs, du maïs et du beurre et a constaté les mêmes tendances. Les coûts de production des agriculteurs sont restés relativement inchangés alors que les prix ont explosé...
''Alors que les prix des groupes de la grande distribution battent des records, les agriculteurs, quant à eux, ne perçoivent aucun de ces bénéfices. Seul un petit groupe de sociétés de transformation et de vente au détail s'enrichit'', a écrit Emma Paling, dans le magazine 'The Breach'.
Malheureusement, il est difficile de savoir vraiment où vont les coûts supplémentaires, mais il n'y a pas besoin d'être un génie pour comprendre que les groupes de la grande distribution, qui enregistrent des bénéfices records depuis des années, pourraient bien s'enrichir sur le dos des consommateurs canadiens.