Élisabeth Borne peut-elle rester Première ministre de la France ?
Élisabeth Borne peut-elle et va-t-elle rester à Matignon, où siègent les Premiers ministres français ? Celle qu'Emmanuel Macron avait nommée après sa réélection pour sa loyauté et sa maîtrise des dossiers apparaît plus fragilisée que jamais, après un début d'année 2023 marqué par les polémiques. Explications.
Borne a été chargée de mettre en œuvre la réforme des retraites, la principale promesse de campagne d'Emmanuel Macron, dont la mesure-phare est le report à 64 ans de l'âge légal de départ. Un succès du point de vue de la majorité puisque le texte a été adopté, mais la séquence marquée par une contestation intense de la réforme a été douloureuse pour la femme politique.
Plus récemment, la cheffe du gouvernement a créé une polémique en déclarant, dans une interview à 'Radio J', que le Rassemblement national était un parti "héritier de Pétain", la figure de la collaboration française sous l'Occupation. Le parti dirigé par Marine Le Pen est donné par les sondages comme le premier mouvement d'opposition à Emmanuel Macron.
Lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l'État aurait recadré sa Première ministre. Selon des propos cités par 'Gala', il aurait rappelé que la stratégie à adopter face au RN était de l'attaquer "par le concret" plutôt qu'avec "des mots des années 1990 qui ne fonctionnent plus".
La rupture est-elle consommée entre les deux têtes de l'exécutif ? En attendant de le savoir, redécouvrons ensemble le parcours d'Élisabeth Borne dans la haute administration, les entreprises publiques et sur la scène politique nationale.
C’est seulement la deuxième fois qu’une femme occupe Matignon, après Édith Cresson de 1991 à 1992. L’ancienne Première ministre de François Mitterrand avait justement souhaité bon courage à sa lointaine successeure, faisant allusion au machisme de la classe politique française.
Dans son discours de passation de pouvoirs, le Premier ministre démissionnaire Jean Castex n’avait pas manqué justement de dédier la nomination d’Élisabeth Borne « à toutes les petites filles », les appelant à aller « au bout de leurs rêves ».
Fille d’un déporté et pupille de la nation, Élisabeth Borne a grandi à Paris. Elle intègre la prestigieuse École Polytechnique en 1981 et devient ingénieur de l’École nationale des Ponts et Chaussées.
Après avoir intégré le ministère de l’Équipement en 1987, la jeune ingénieure est conseillère de Lionel Jospin puis de Jack Lang au ministère de l’Éducation nationale. Elle sera aussi conseillère de Lionel Jospin chargée des transports pendant cinq ans, lorsque celui-ci est Premier ministre de 1997 à 2002.
Une étape importante de son parcours est son passage à la SNCF de 2002 à 2007. Elle devient ensuite directrice de l’urbanisme à la Mairie de Paris, puis la première femme à occuper le poste de préfète de la région Poitou-Charentes.
De 2014 à 2015, Élisabeth Borne est conseillère de Ségolène Royal au ministère de l’Environnement, où elle mène les discussions entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroute. Elle est ensuite nommée à la tête de la RATP, la société qui gère les transports parisiens.
Longtemps proche du Parti socialiste, Borne se rallie à Emmanuel Macron dès le premier tour des élections de 2017. Elle rejoint alors La République en Marche, le parti nouvellement créé du président de la République.
Après son élection, Emmanuel Macron nomme Élisabeth Borne ministre des Transports auprès du ministre de l’Écologie Nicolas Hulot. Elle accorde alors la priorité aux déplacements du quotidien et à la modernisation du réseau existant, tout en étant à l’origine d’une écotaxe sur le transport aérien.
L’année 2018 est marquée par la réforme de la SNCF, qui provoque une longue grève et attire à la ministre l’hostilité des syndicats. La loi permet l’ouverture du train à la concurrence et met fin au recrutement sous statut des cheminots.
En 2019, Élisabeth Borne est nommée ministre de la Transition écologique et solidaire, succédant à François de Rugy. Son passage est marqué par le vote de la loi énergie-climat et par la promotion du transport à vélo. Mais certains ont regretté son manque de poids politique, qui a empêché de mettre la question environnementale au cœur des décisions du gouvernement.
L’année suivante, à l’occasion du changement de Premier ministre dans le contexte de la pandémie, Élisabeth Borne est devenue ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Elle donne la priorité à l’emploi des jeunes, et impose le port du masque en entreprise pour lutter contre la propagation de l’épidémie.
De l’avis général, Élisabeth Borne est une femme de dossiers, qui maîtrise bien les enjeux économiques et écologiques, mais qui manque de poids politique, n’ayant pas eu une carrière d’élue. Un atout ou une difficulté dans un contexte marqué par des crises multiples et par une pression intense des oppositions ?
Quoi qu'il en soit, Emmanuel Macron a assuré publiquement Élisabeth Borne de sa confiance après la forte médiatisation de son recadrage en plein Conseil des ministres. Le président de la République lui avait donné 100 jours pour convaincre à compter de la fin de la séquence des retraites (soit jusqu'au 14 juillet).
Une autre difficulté que doit affronter Borne, qui vient de la gauche, est que l'Élysée souhaite actuellement élargir à droite la majorité présidentielle. D'une part, car le parti LR est le seul à coopérer régulièrement avec Renaissance qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. D'autre part, car de nombreux électeurs de droite modérée ont apporté leurs voix à Emmanuel Macron lors des dernières élections.
Certains ministres issus de la droite comme - de gauche à droite sur la photo - Gérald Darmanin (Intérieur), Bruno Le Maire (Économie) ou Sébastien Lecornu (Défense) se verraient justement bien remplacer Élisabeth Borne à Matignon. Vont-ils profiter de la situation, ou la Première ministre sera-t-elle en mesure de se maintenir en poste ? Rendez-vous dans quelques semaines pour le savoir !